Pouvoir d'achat: les "rallonges" du gouvernement pour la fin 2022

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Gabriel Attal auditionné par la Commission des finances le 02/10/2022
par Hortense de Montalivet, le Mercredi 2 novembre 2022 à 11:04, mis à jour le Mercredi 2 novembre 2022 à 19:25

Alors que le deuxième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 a été adopté en Conseil des ministres, mercredi 2 novembre, Gabriel Attal et Pierre Moscovici ont été auditionnés dans la foulée par la Commission des finances de l'Assemblée nationale. Le moment pour le gouvernement de présenter les "rallonges" de son "paquet législatif" présenté cet été et destiné à soutenir le pouvoir d'achat des Français. Et l'occasion pour le Haut conseil des finances publiques d'émettre son dernier avis sur les prévisions économiques de l'Etat.

Tandis qu'en séance publique, un nouveau recours au 49-3 a coupé court aux discussions sur la seconde partie du projet de loi de finances 2023, la Commission des finances a auditionné successivement quelques heures plus tôt le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal, et le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, sur le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022 (PLFR).

Ce texte qui s'inscrit dans la continuité de la loi de finances rectificative votée en août et baptisée alors "paquet pouvoir d'achat", consiste en un allongement du pack anti-inflation mis en place par le gouvernement. Il intègre notamment de nouvelles aides face à la hausse des prix de l'énergie dans un contexte de forte inflation, estimée à 6,2% en octobre sur un an, selon les données provisoires de l'Insee. Il veille également à ajuster les crédits pour tenir les engagements de l'Etat en matière budgétaire d'ici la fin de l'année.

Un texte "plus modeste" mais ciblé, selon le gouvernement

"Ce texte, c'est la nouvelle étape du combat contre la vie chère que nous menons sans relâche depuis un an", avait déclaré mardi Gabriel Attal, à l'occasion de la présentation à la presse des grandes lignes du projet. Le gouvernement annonce 2,5 milliards d'euros en plus "pour aider les Français et certains opérateurs de l'Etat à faire face au choc énergétique (...) On pourrait presque parler de logique de rallonge ou de complément puisqu’il s’agit toujours d’aider notre pays à faire face à l’inflation", a-t-il expliqué mercredi lors de son audition

"Le 'combien ça coûte' ne laissera jamais les Français à la merci de l'inflation (...) Mais il faut distinguer les situations et les niveaux de revenus", a toutefois précisé le ministre délégué chargé des comptes publics, vantant les mérites d'un texte "plus modeste" que le précédent pack pouvoir d'achat "mais qui concentre les aides" sur ceux qui en ont le plus besoin. 

Parmi ces nouvelles mesures : le versement d'un nouveau chèque énergie allant de 100 à 200 euros pour les plus modestes, 12 millions de foyers pourraient en bénéficier dès la semaine prochaine pour un montant global de 1,5 milliard d'euros. Y figure également le prolongement jusqu'au 15 novembre de la ristourne à la pompe de 30 centimes par litre "pour tenir compte du blocage des raffineries et du problème d'approvisionnement" et pour un montant de 440 millions d'euros. Soit rien qu'1,9 millions d'euros "dédiés à l'accompagnement des concitoyens face à l'envolée des prix de l'énergie" se félicite le gouvernement. Le texte revient également sur l'indemnité carburant travailleurs qu'il veut renforcer pour les "gros rouleurs" -ou plutôt "les gros bosseurs" comme les a surnommés le ministre délégué à plusieurs reprises devant les parlementaires- dans des modalités proches de celles explicitées dans le projet de loi pouvoir d'achat. 

Les rallonges concernent également certains organismes d'Etat. Ainsi les universités, les Crous et les organismes de recherche pourraient obtenir une enveloppe de 275 millions d'euros pour faire face à la flambée des coûts de l'énergie. "Certaines universités sont tentés de privilégier le distanciel cet hiver pour faire des économies. Pour notre part nous préférons des amphi remplis et éclairés", a justifié Gabriel Attal. Une autre enveloppe de 200 millions d'euros pour l'achat de carburant par le ministère des Armées pour les opérations de défense est également prévue.

L'opposition dénonce des mesures à court terme

De son côté, l'opposition a fustigé un manque de considération pour le travail parlementaire. "On a reçu ce PLFR cette nuit alors même qu'on siégeait ce matin", s'est agacé le représentant du groupe Rassemblement national, Jean-Philippe Tanguy. "Ce n'est pas très respectueux du travail parlementaire" a renchéri Nicolas Sansu du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. 

"Ces mesures d'urgence ne s'accompagnent pas de mesures structurelles, ni dans ce PLFR ni dans le PLF 2023."

Sur les bancs de la Nupes comme sur ceux du RN, les députés ont dénoncé une "politique de chèques" court-termiste. Sur la ristourne carburant, "vous ne savez pas comment sortir de ce dispositif et vous ne prévoyez pas sa sortie", a déploré Jean-Philippe Tanguy (RN).  Eva Sas du goupe Ecologie-Les Verts, de concert avec le président de la commission, Eric Coquerel (LFI), a déploré des "mesures d'urgence qui ne s'accompagnent pas de mesures structurelles ni dans ce PLFR ni dans le PLF 2023", sur la réduction durable de la consommation d'énergie, notamment.

2022 ou la promesse de l'année des comptes bien tenus

Après un premier objectif de renforcer l'économie française face à l'inflation, ce deuxième PLFR 2022 cherche à tenir ses engagements budgétaires. "Ce texte est aussi l'occasion de faire des ajustements de fin de gestion avec des ouvertures de crédits pour assurer de nouvelles dépenses", a expliqué l'ancien porte-parole du gouvernement. Ce dernier prévoit l'ouverture de 5 milliards d'euros de crédits supplémentaires "compensés par des annulations de crédits de mêmes montants" a insisté Gabriel Attal, en vantant un texte d'équilibre budgétaire hors dépenses exceptionnelles liées à la montée des prix de l'énergie. "Cette 'rallonge anti-inflation', nous la finançons tout en réduisant notre déficit. Donc 2022 n'est pas seulement l'année du combat contre la vie chère, c'est aussi l'année du combat pour des comptes bien tenus", avait-il commenté lors de sa conférence de presse.

En plus de ceux déjà ouverts cet été, deux milliards d'euros de crédits sont destinés à France Compétences, l'institution nationale de soutien à l'apprentissage. De quoi réveiller les vigilances du rapporteur général, Jean-René Cazeneuve, qui a alerté lors de cette audition sur la nécessité de contrôler et de piloter toutes ces dépenses investies dans le "succès" de l'apprentissage. Un peu plus d'1 milliard d'euros est alloué au soutien militaire à l'Ukraine, sans oublier un crédit de 450 millions est prévu pour prolonger le financement des mesures d'indemnisations des crises agricoles survenues cet été.

Une prévision de croissance "un peu élevée", selon le Haut conseil des finances publiques

Lors de la publication du premier budget rectificatif, la Cour des Comptes et le Haut Conseil des finances publiques avaient émis des doutes sur les prévisions de l'exécutif, estimant qu'il existait encore de nombreuses incertitudes sur la situation économique du pays. Fin octobre, un nouvel avis avait été remis. Mais pendant son audition devant les parlementaires, le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a tenu à le rectifier légèrement.

En considérant les comptes nationaux du 3e trimestre publiés par l’INSEE au lendemain du son premier avis, l'ancien ministre de l'Economie sous François Hollande a ainsi estimé que la prévision de croissance à 2,7 % pour 2022 est "atteignable mais un peu élevée". 

Il a estimé en revanche que les prévisions de l'inflation pour 2022 et celle de la masse salariale étaient "crédibles". Et les prévisions de recettes, de dépenses et de soldes publiques, "réalistes".  Le gouvernement s'attend en effet à ce que le déficit atteigne 4,9% du PIB en 2022, contre 5% selon sa précédente estimation. Au total, le montant du déficit baisse de 4,6 milliards d'euros, grâce à des recettes fiscales meilleures qu'attendu, notamment grâce à l'impôt sur les sociétés et l'impôt sur le revenu. Grâce également à la baisse de certaines dépenses et à la récupération de deux milliards sur les prêts garantis octroyés pendant la crise sanitaire.

Concernant la dette publique de la France par rapport au PIB, le Haut Conseil des finances publiques a néanmoins pointé une baisse qu'il juge trop faible et qui maintient la France parmi les pays les plus endettés de la zone euro (-1.3 en 2022 qui fixe la dette à 111,5 %). "Le retour à des niveaux de dettes garantissant à la France de disposer des marges de manœuvres suffisantes et nécessaires pour être en mesure de faire face à des chocs macroéconomiques et financiers demeure pour nous un impératif!", a précisé Pierre Moscovici. "C'est un message que je ne cesse de répéter et que je crains devoir répéter encore devant vous dans les années qui viennent", a-t-il fortement insisté.

L'examen du texte sera à l'ordre du jour de la Commission des finances samedi 5 novembre, avec une fin de dépôt des amendements fixée à jeudi soir. Il sera ensuite débattu en séance à l'Assemblée nationale le 7 novembre, puis le 14 au Sénat.