À Angers pour leurs journées parlementaires, députés et sénateurs de La République en marche sont confiants à quelques mois de l'élection présidentielle. Ils font le point avant d'entamer la dernière ligne droite du quinquennat, avec l'objectif d'afficher leur unité en vue des échéances électorales, présidentielle et législatives, de 2022.
Ils veulent y croire. A quelques mois de la fin d'un quinquennat marqué par les crises (Gilets jaunes, grèves contre la réforme du ferroviaire puis des retraites, pandémie de Covid-19) et de résultats électoraux décevants lors des municipales, départementales et régionales, les élus de la majorité présidentielle veulent croire qu'Emmanuel Macron est bien placé pour être réélu à l'Elysée en avril 2022. Réunis à Angers dans le cadre des journées parlementaires du groupe La République en marche, les quelque 280 députés et sénateurs, mais aussi la trentaine de ministres présents, sont persuadés que le président de la République peut "refaire le coup." Christophe Castaner, le président du groupe LaREM à l'Assemblée, résume : lors des prochains mois, "il faut convaincre que depuis 2017, nous avons fait le job."
Avant qu'Emmanuel Macron ne se lance dans la course à un nouveau mandat, les élus se disent concentrés sur les derniers mois de la législature. "L'idée, c'est avant tout de faire aboutir les textes", explique Marc Fesneau, ministre délégué chargé des Relations avec le Parlement. Comme nous vous l'expliquions dans cet article, outre les projets de loi présentés par le gouvernement, la majorité compte terminer l'examen de diverses propositions de loi, comme celles sur la responsabilité pénale, le bien-être animal ou encore l'égalité professionnelle entre femmes et hommes.
Y a-t-il de la place pour faire plus ? Et notamment de remettre sur la table la "mère des réformes" : celle des retraites. Selon Les Échos, le chef de l'Etat réfléchirait à avancer sur ce sujet avec un réforme plus limitée que celle initialement présentée et dont le parcours législatif avait été interrompu, en mars 2020, en raison de l'épidémie de coronavirus en France. Impossible de le reprendre la réforme à l'identique, selon un fin connaisseur du Palais Bourbon, qui regarde lucidement le calendrier : "La durée de vie d'un texte législatif, c'est au moins six mois. Là, avec la présidentielle, le Parlement ferme à partir de fin février. Donc un texte lancé en octobre… ne peut pas aboutir." D'autant plus qu'Emmanuel Macron avait conditionné la reprise de la réforme des retraites à la fin de la crise sanitaire, et que, même si les indicateurs ne sont plus au rouge, le virus circule toujours.
Dans les couloirs du Centre des congrès d'Angers, deux positions se dégagent. Certains veulent plutôt temporiser. En mode confidentiel, un élu du petit parti Territoires de progrès (TDP, qui rassemble des élus de la majorité issus de la gauche) résume en ne mâchant pas ses mots : "Il n'y a rien de pire que de pendre ce sujet pour en faire un emblème du réformisme." Pour lui, le sujet des retraites doit être "un enjeu démocratique" de la campagne présidentielle. Pour d'autres, c'est tout l'inverse : il est urgent de réformer. "La transformation du pays passe par les réformes, et celle-là, il faudra la faire un jour. D'autant plus que la fin des régimes spéciaux est souhaitée par les Français", avance cette députée, qui plaide en interne pour qu'un texte soit déposé au Parlement. Selon ses dires, plusieurs ministres y sont favorables.
Officiellement aucun arbitrage n'a encore été rendu. Mais le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pourrait, par exemple, permettre de faire voter le minimum de pension à 1.000 euros qui était prévu dans la réforme initiale.
Pour mener à bien l'intégralité de la réforme des retraites, La République en marche a besoin de plus de temps et devra donc de nouveau remporter l'élection présidentielle, puis les législatives. Pour l'élection présidentielle, les élus de la majorité sont prêts se lancer dans la bataille pour Emmanuel Macron. Mais en cas de réélection, celui-ci aura besoin d'une majorité. Or, depuis 2017, les lignes ont bougé. La République en marche et ses 270 députés n'a plus la majorité absolue à elle seule à l'Assemblée nationale et doit donc compter sur ses alliés MoDem et Agir ensemble. Et les lignes pourraient encore bouger lors des élections législatives qui suivront le scrutin présidentiel.
D'où la volonté, depuis l'été 2020, de construire une "maison commune" qui a vocation à rassembler les forces pro-gouvernement : LaREM, MoDem, Agir ensemble et TDP, afin de créer une dynamique et d'élaborer des propositions. La semaine dernière, Olivier Becht, patron du groupe de centre-droit Agir ensemble, déplorait son manque de structuration. "C'est évident", renchérit aux journées parlementaires Xavier Iacovelli, sénateur des Hauts-de-Seine et membre de Territoires de progrès. "La maison commune de la majorité existe dans le principe, mais pas dans les faits", lance-t-il.
L'important, c'est de se rassembler derrière et pour Emmanuel Macron
Pour 2022, l'édile estime que la création d'une "confédération" serait la meilleure solution. "Cela permettrait à toutes les sensibilités d'exister." Une idée qui pourrait faire son chemin au sein du parti, même si du côté de la direction d'En Marche, on assure que "les aspects de forme sont secondaires. L'important, c'est de se rassembler derrière et pour Emmanuel Macron."
En tirant les leçons de la législature, une cadre du mouvement explique : "Avoir un seul gros groupe, si c'était à refaire, on ne le referait pas de la même manière." En revanche, pour elle comme pour la majorité des élus interrogés à Angers, l'heure n'est pas (encore) à la fusion dans un seul grand parti "démocrate", à la fois pour des raisons organisationnelles et financières.
"L'idéal", avance Marc Fesneau, "ce serait de trouver un juste-milieu entre la confédération qu'était l'UDF et le parti unique qu'était l'UMP." D'autant plus qu'une nouvelle formation devrait voir le jour dans cet espace central incarné par Emmanuel Macron : selon plusieurs médias, son ancien Premier ministre, Edouard Philippe, va lancer un nouveau mouvement à l'automne. Un entretien est d'ailleurs prévu, mardi 7 septembre, entre le maire du Havre et le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, l'un des très proches du chef de l'Etat.