Protoxyde d'azote : en commission, les députés votent à l'unanimité l'interdiction de la vente aux mineurs

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par Ariel Guez, le Mercredi 17 mars 2021 à 10:41, mis à jour le Vendredi 26 mars 2021 à 09:25

En commission, les députés ont adopté une proposition de loi présentée par le groupe UDI et Indépendants visant à "protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote." Le texte, qui sera étudié dans l'hémicycle le jeudi 25 mars, prévoit notamment l'interdiction de la vente de ce gaz aux mineurs. 

À l'unanimité et sous les applaudissements, les députés de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale ont adopté mercredi 17 mars la proposition de loi tendant à "protéger les mineurs des usages dangereux du protoxyde d’azote." Ce gaz, initialement destiné à alimenter les siphons utilisés en cuisine, a été détourné pour un usage "récréatif" dans de nombreuses soirées étudiantes, notamment en médecine. Inhalé, il provoque pendant une à deux minutes des rires incontrôlés - d’où son surnom de "gaz hilarant."

Un "gaz hilarant" qui n'est pas sans risques

Venu d'Angleterre - où sa vente est désormais interdite -, le "proto" s'est popularisé en France à la fin des années 2010, au point qu'il était en 2018, selon une enquête de la mutuelle étudiante SMEREP, la troisième substance la plus consommée chez les jeunes après le cannabis et le poppers.

Si l'essor de cette pratique a été impacté par la crise sanitaire, les jeunes ne pouvant plus autant se réunir, l'urgence est toujours là, plaident les parlementaires. "Beaucoup de jeunes croient le protoxyde d'azote inoffensif, mais la réalité est toute autre. La manipulation seule du protoxyde d'azote est risquée et peut provoquer brûlures et oedèmes pulmonaires aux consommateurs", alerte Valérie Six (UDI et Indépendants). "Quant à son inhalation, elle a été à l'origine de décès par asphyxie et d'arrêts cardiaques", poursuit la rapporteure du texte qui souligne aussi le risque d'addiction à cette substance. 

Le fait de vendre du protoxyde d'azote aux mineurs sera puni de 3.750€ d'amende

La députée UDI du Nord, qui a fait de cette lutte une de ses priorités au Palais Bourbon, a présenté ce mercredi la proposition de loi sur le sujet, déjà adoptée en première lecture à l'unanimité au Sénat. Le texte ne cible pas les consommateurs, mais "les vendeurs mal intentionnés et les trafiquants", explique-t-elle. "Le protoxyde d'azote n'est pas interdit à la vente, ce n'est pas une substance psychoactive. Il est donc inenvisageable, à ce stade, d'interdire ou de pénaliser sa consommation", justifie Valérie Six. 

Les députés n'ont pas modifié la principale mesure du texte issu de la Chambre haute : "le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs, même non suivi d’effet, est puni de 15 000 € d’amende."

En revanche, les parlementaires ont étendu le champ de l'interdiction de la vente aux mineurs (punie par 3.750€ d'amende), qui était restreint aux "commerces ou lieux publics" dans la version du Sénat. "Il est également interdit de vendre et distribuer à titre onéreux tout produit spécifiquement destiné à faciliter l’extraction de protoxyde d’azote afin d’en obtenir des effets psychoactifs", indique par ailleurs la nouvelle version de la proposition de loi. 

Pas d'interdiction pour les majeurs, sauf dans certains cas

Certains députés ont toutefois voulu aller plus loin que le Sénat. "Comment estimer que ce serait dangereux à 17 ans et quelques mois et pas 18 ans et quelques mois ?" a interrogé Michel Zumkeller (UDI). Dans le même esprit, son collègue Les Républicains Jean-Carles Grelier a proposé que l'usage détourné du protoxyde d'azote soit purement et simplement interdit, quelque soit l'âge du consommateur. Une suggestion qui n'a pas convaincu les députés de la commission des affaires sociales. 

"Vous souhaitez interdire de faire un usage détourné du protoxyde d'azote, c'est malheureusement juridiquement impossible. Soit on interdit la substance, soit on restreint son accès. Une fois qu'un bien est librement commercialisé, on ne peut pas empêcher son propriétaire de faire ce qu'il veut avec", a répondu Valérie Six, rejoint par l'insoumis Ugo Bernalicis. "Si vous pensez qu'en envoyant un policier pour verbaliser, on va résoudre le problème, vous retombez dans les mêmes problématiques auxquelles on est confronté aujourd'hui sur l'usage de stupéfiants", a estimé le député insoumis

Toutefois, un amendement de Valérie Six a été adopté et interdit de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote, y compris à une personne majeure, "dans les débits de boissons mentionnés à l’article L. 3331‑1 et aux articles L. 3334‑1 et L. 3334‑2."

Des temps d'informations sur les "conduites addictives et leurs risques" dans les établissements scolaires

"L'objectif de pénaliser le consommateur, ce n'est vraiment pas le bon chemin à emprunter si on veut faire diminuer la consommation de ce produit et éradiquer les usages les plus problématiques", a continué Ugo Bernalicis, qui plaide pour une amélioration de la prévention.

La prévention est d'ailleurs l'autre axe principal de la proposition de loi. Actuellement en vente libre, il n'est pas indiqué sur les boites et cartouches de protoxydes d'azote la dangerosité du produit et les risques de son usage détourné. Ce sera désormais le cas. Un amendement porté par Ugo Bernalicis permettra par ailleurs aux agents de police municipale, aux gardes champêtres et aux agents de surveillance de Paris de constater une infraction, afin d'avoir "une politique de prévention la plus complète possible."

En outre, la commission des affaires sociales a adopté l'article 2 Ter, qui prévoit une modification du code de l'éducation afin de permettre la mise en place de temps d'information sur les "conduites addictives et leurs risques", et donc l'usage détourné du protoxyde d'azote. 

Adopté en commission, la proposition de loi sera étudiée le jeudi 25 mars dans l'hémicycle.