Les députés ont terminé l'examen du projet de loi de "programmation pour la refondation de Mayotte", dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 juin. Le texte prévoit une série de mesures structurelles destinées à améliorer durablement le quotidien de l'archipel, dévasté par le cyclone Chido en décembre dernier. Un vote solennel sur l'ensemble du projet de loi est prévu mardi 1er juillet.
Six mois après le passage dévastateur du cyclone Chido à Mayotte, les députés ont achevé l'examen du projet de loi de programmation pour la "refondation" de l'archipel dans la nuit du vendredi 27 au samedi 28 juin. Un vote solennel est prévu sur l'ensemble du texte, mardi 1er juillet, après la séance de questions au gouvernement. Ce texte "historique" doit "concrétiser la promesse républicaine à Mayotte", a déclaré le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, à l'orée des débats.
Le projet de loi, qui arrive en seconde lame après un texte "d'urgence" voté en février dernier afin de faire face au plus vite aux dégâts causés par le cyclone, ambitionne de répondre en profondeur aux difficultés rencontrées par ce département de l'océan Indien, que Chido n'a fait qu'aggraver. Pour ce faire, le texte, déjà adopté par le Sénat fin mai, porte un engagement financier de l'Etat à hauteur de près de 4 milliards d'euros.
Le volet du texte le plus débattu concerne la lutte contre l'immigration illégale, avec un objectif affiché de 35 000 éloignements par an. Les dispositions en la matière tiennent compte de la situation du plus pauvre département de France et de sa proximité avec les Comores. Elles ont donné lieu à de vives passes d'armes entre les élus de gauche et les tenants de ces évolutions, dont l'élue mahoraise Estelle Youssouffa (LIOT), très active durant tout l'examen du texte.
Le projet de loi conditionne notamment l'obtention de titres de séjour à une entrée régulière sur le territoire et durcit les peines pour reconnaissance frauduleuse de paternité. Il prévoit également la mise en place "d'unités familiales" en vue de l'éloignement de familles avec des mineurs, et permet le retrait du titre de séjour à des parents de mineurs étrangers qui représentent une menace pour l'ordre public. Les députés ont par ailleurs entériné la fin des visas territorialisés dans l'archipel à horizon 2030.
Profitant d'une faible mobilisation des députés de gauche et du socle gouvernemental, les députés du Rassemblement national ont réussi à faire adopter, vendredi, l'un de leurs amendements visant à réserver le bénéfice du passeport pour la mobilité des études aux seuls élèves de nationalité française. Le texte comporte, en outre, des mesures destinées à lutter contre l'habitat illégal, en favorisant la procédure d'évacuation et de démolition. Il contient également quelques mesures en matière de sécurité, notamment sur le contrôle des armes.
Le projet de loi dépasse cependant très largement l'aspect migratoire. Il prévoit ainsi de faire converger vers le droit commun les prestations et prélèvements applicables à Mayotte, qui diffèrent, à ce stade, du niveau national. Le Smic, le RSA, ou encore l'allocation adulte handicapé, doivent donc être progressivement alignés.
A ce sujet, les députés adopté vendredi un amendement du Rassemblement national prévoyant que "l’alignement complet sur le montant du SMIC sera atteint au cours de l’année 2027" et non pas en 2031, comme le prévoyait le gouvernement. Un vote obtenu là encore, selon Manuel Valls, en raison de "l'absence notamment de la majorité, du socle commun" dans l'hémicycle. Les députés sont, en revanche, revenus sur l'extension de l'aide médicale d'Etat (AME) à Mayotte.
Par ailleurs, afin de favoriser le développement de l'archipel, chaque commune sera considérée comme un quartier prioritaire de la ville (QPV) jusqu'à la fin de l'année 2029. Le projet de loi prévoit aussi la mise en place d'une zone franche (ZFAG) avec un taux d'abattement de 100%, pendant cinq ans. Cette exonération concernera l'ensemble des secteurs économiques de l'archipel. Un comité de suivi, composé de parlementaires, de représentants de l'Etat, de représentants locaux et de membres de la Cour des comptes sera chargé de veiller à la bonne application de la loi.
Lors de l'ultime journée de débats, le gouvernement a subi plusieurs déconvenues sur le volet relatif au foncier de l'archipel. L'article 19, qui prévoit de faciliter l'expropriation d'habitants afin que l'Etat puisse construire des infrastructures nécessaires au développement de l'île a été supprimé. Cette séquence a donné lieu à un échange tendu entre la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (LIOT), très opposée aux expropriations, et Manuel Valls. "Je ne peux plus admettre les mises en cause personnelles et générales du gouvernement et de l'Etat dans des termes qui sont insupportables", a tempêté le ministre, qui a demandé une suspension de séance.
Les députés se sont enfin prononcés sur le rapport annexé à la loi, qualifié de "socle symbolique et politique du texte" par l'autre députée de Mayotte Anchya Bamana (RN) et de "document programmatique fondamental" par Elie Califer (apparenté Socialistes). Ce rapport, dont Aurélie Trouvé (La France insoumise) a rappelé qu'il n'avait pas de "portée normative", a permis aux parlementaires de faire valoir une dernière fois leurs arguments dans les débats, le Rassemblement national faisant par exemple adopter un amendement affirmant que "la pression migratoire incontrôlée à Mayotte constitue une atteinte grave non seulement à la paix civile, mais également à la sécurité intérieure de la République et à la souveraineté nationale".
Le vote sur l'ensemble du texte qui prévu mardi prochain, le 1er juillet, sera immédiatement suivi du vote sur un projet de loi complémentaire, "relatif au Département‑Région de Mayotte", que les députés ont également examiné cette semaine.