"Refondation" de Mayotte : l'Assemblée examine un projet de loi jugé "historique" par Manuel Valls

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par Maxence Kagni, le Lundi 23 juin 2025 à 20:40

Les députés ont entamé, ce lundi 23 juin, l'examen du projet de loi de "programmation pour la refondation de Mayotte". Le gouvernement, par la voix du ministre des Outre-mer, Manuel Valls, défend un texte portant "un engagement financier sans précédent", tandis que la gauche a critiqué une "obsession pour l'immigration".

C'est un texte qui doit, selon le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, "concrétiser la promesse républicaine à Mayotte". Ce lundi 23 juin 2025, l'Assemblée nationale a entamé l'examen du projet de loi de "programmation pour la refondation" de l'archipel, dévasté par le cyclone Chido en décembre 2024.

Adopté le 27 mai dernier par le Sénat, le texte a pour objectif d'"affirmer l'ambition de la France pour le développement de Mayotte dans une région marquée par la pauvreté". Quatre mois après la promulgation du projet de loi d'urgence pour Mayotte, les députés planchent donc sur la "refondation" de l'archipel : "L'Etat et le gouvernement sont mobilisés pour Mayotte et les Mahorais", a expliqué Manuel Valls, qui a loué les vertus d'un texte "historique" et qui "porte un engagement financier sans précédent à hauteur de près de 4 milliards d'euros sur six ans".

"Nous voulons que notre calvaire nous permette d'enfin avancer et de sortir par le haut de cette énième crise", a martelé la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (LIOT), qui fait partie des rapporteurs du texte. L'élue estime que le projet de loi constitue un "rendez-vous avec l'histoire". "Cette loi Mayotte est imparfaite mais nous en avons besoin", a estimé Estelle Youssouffa, qui a "prié" ses collègues de ne pas censurer le gouvernement avant la fin de l'examen du texte : "Il sera bien temps de censurer après", a-t-elle lancé.

Mayotte ne demande pas la charité ni un traitement de faveur, nous demandons ce à quoi nous avons droit, pas plus mais pas moins. Estelle Youssouffa (députée LIOT)

Immigration irrégulière : un objectif de 35 000 "éloignements" par an

Outre l'engagement financier en faveur du département le plus pauvre de France, le projet de loi contient notamment des disposition destinées à lutter contre l'immigration irrégulière : il conditionne par exemple l'obtention des titres de séjour "parents d'enfants français" et "liens personnels et familiaux" à une entrée régulière sur le territoire. Le texte prévoit aussi un durcissement des conditions de délivrance des cartes de séjour pour motif familial et pour regroupement familial.

S'agissant de la lutte contre l'habitat illégal, le texte réduit le délai d'évacuation et de démolition à 15 jours minimum, contre un mois aujourd'hui, "Si nous ne nous attaquons pas avec force à l'immigration illégale, aux bidonvilles et à l'insécurité, nous risquons de reconstruire Mayotte sur du sable", a déclaré lundi Manuel Valls, qui fixe un "objectif de 35 000 éloignements par an".

Par ailleurs, le projet de loi prévoit de faire converger vers le droit commun les prestations et prélèvements applicables à Mayotte. Le Smic, l'aide médicale d’Etat, le RSA ou encore l'allocation adulte handicapé sur l'archipel seraient ainsi progressivement alignés sur le niveau national. Manuel Valls a expliqué à la tribune de l'Assemblée nationale que si l'échéance visée était 2031, "la première étape de convergence sociale interviendra dès le mois de janvier 2026". En parallèle de ce texte un projet de loi organique relatif "au Département-Région de Mayotte" vise à renforcer le cadre institutionnel de l'archipel.

Autant d'engagements qui ne suffisent pas à convaincre l'autre députée de Mayotte, Anchya Bamana (Rassemblement national). "Ce que les Mahorais vivent, c'est une spirale de discours sans résultats", a-t-elle estimé. "Si la loi reste en l’état, elle risque d'aggraver encore les fractures sociales, économiques et politiques du territoire", a affirmé l'élue, qui a notamment critiqué des "promesses budgétaires floues".

De l'autre côté de l'hémicycle, Philippe Naillet (Socialistes) a, lui aussi, fait part de ses doutes : "Il ne faudrait pas que le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte vienne s'ajouter à la longue liste des plans et des promesses sans lendemain", a déclaré l'élu de la Réunion, selon qui "il en va de la parole publique".

A l'inverse, les membres du "socle commun" (coalition présidentielle et droite) ont défendu le projet gouvernemental : tout comme Brigitte Liso (Ensemble pour la République), Jean Moulliere (Horizons) a soutenu un dispositif législatif qui "apporte des solutions structurelles", tandis qu'Anne Bergantz (Les Démocrates) a salué "le développement des services publics" et "la convergence des droits sociaux". Et de saluer un texte qui "de manière responsable et sans démagogie" va "renforcer la lutte contre l'immigration clandestine". "Un sujet central conditionne tout le reste, celui de l'immigration hors du contrôle", a aussi considéré Olivier Marleix (Droite républicaine).

Il s'agit d'un texte juste, socialement ambitieux, et profondément protecteur à l'égard de nos concitoyens mahorais. Brigitte Liso (députée Ensemble pour la République)

Olivier Fayssat (Union des droites pour la République) a, quant à lui, estimé que les textes présentés par le gouvernement "ne régleront pas à eux seuls 40 ans d'accumulation de désordres", mais "donne[ront] à l'Etat les outils pour reprendre la main".

La gauche dénonce une "obsession"

A gauche, Jean-Hugues Ratenon (La France insoumise) a fustigé "l'obsession autour de l'immigration" tout en estimant que Mayotte, "abandonnée", souffrait avant tout de la politique menée par le gouvernement. L'élu de la Réunion a également déploré que la convergence du Smic entre la métropole et l'archipel ne soit prévue pour être complète qu'en 2031 "alors que rien n'empêche son application dès 2026".

Et Dominique Voynet (Ecologiste et social) de mettre, elle aussi, en cause "l'obsession" autour de l'immigration, tout en jugeant que le texte était "loin de tenir sa promesse". De la même façon, Emeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine) a estimé que le projet de loi n'était "pas à la hauteur ni du moment, ni de la situation".

Lors de la discussion générale, Estelle Youssouffa (LIOT) a pointé des "lignes rouges", ciblant les "mesures dérogatoires pour les expropriations et les régularisations foncières" : "Si le gouvernement persiste à vouloir spolier les Mahorais de leurs terres, notre île se révoltera", a prévénu la députée, avant d'ajouter : "Il n'est pas question de profiter de notre détresse pour facilier le vol de nos terres par l'Etat et les clandestins."