Réforme de l'adoption : l'Assemblée vote le texte en nouvelle lecture

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AFP
par Ariel Guez, le Mardi 18 janvier 2022 à 18:15, mis à jour le Mardi 18 janvier 2022 à 18:21

Les députés ont voté, mardi 18 janvier, la proposition de loi visant à réformer l'adoption. Le texte, qui revient sur les modifications votées au Sénat à l'automne, prévoit notamment l'ouverture de la procédure aux couples non-mariés et l'abaissement de l'âge requis pour les adoptants à 26 ans. 

Les députés ont voté, en nouvelle lecture, la proposition de loi visant à réformer l’adoption. Défendu par la rapporteure Monique Limon (LaREM) et soutenu par le Secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance, Adrien Taquet, le texte a été critiqué sur le fond par les députés de droite et d'extrême-droite, qui s’inquiètent des conséquences des différentes évolutions législatives au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant."  Lors de son passage au Sénat en octobre 2021, les élus de la Chambre Haute avaient "procédé à un sérieux toilettage d'autres dispositions du texte", indiquait à l'époque l'Agence France presse. La Commission mixte paritaire (qui rassemble des députés et des sénateurs) n'ayant pas réussi à trouver un accord, la proposition de loi continue son parcours législatif. 

En commission des lois mercredi dernier, les députés ont remis dans le texte une bonne partie des mesures votées en première lecture ce qu'ils ont confirmé lors de l'examen du texte dans l’Hémicycle.

Ouverture au couple non-mariés

Ainsi les députés ont voté l'article 2, qui comporte la mesure phare de la proposition de loi : l'ouverture de l'adoption aux couples-non mariés. La droite et l'extrême-droite s'y sont opposées, notamment la députée de l'Hérault Emmanuelle Ménard, déplorant que la notion "d'intérêt supérieur de l'enfant" ne figure pas dans le texte. "Cette proposition de loi est essentiellement dirigée en faveur des personnes adoptantes, et pas des personnes adoptées", a-t-elle par ailleurs lancé dans l'Hémicycle.

La députée a exprimé ses plus grandes réserves concernant l'ouverture de l'adoption aux couples non-mariés. Opposée à ce que des couples en concubinage ou pacsés puissent adopter, Emmanuelle Ménard a expliqué que le mariage était "plus protecteur" pour les enfants : "Le mariage par son statut juridique, offre une protection en cas de divorce. C'est en ça que le statut matrimonial est plus protecteur pour les enfants. Il n'y a aucune autre considération qui entre en compte."

Lors de la discussion générale, le ministre Adrien Taquet a, au contraire, souligné que cette mesure était "cohérente avec l'évolution de la société. Le texte reconnaît les attentes de nouveaux modèles familiaux, tout aussi légitimes et portant tout autant de promesses et de garanties que les autres."

"Ce qui apporte bien plus que le statut matrimonial, c'est la capacité du couple à répondre aux besoins de l'enfant", a répondu Monique Limon, députée La République en marche et rapporteure du texte, rappelant que la séparation des parents, selon le code civil, est "sans incidence sur les règles d'évolution de l'exercice de l'autorité parental." "Il est plus sécurisant dans certains cas d'ouvrir l'adoption à des couples non-mariés, puisque aujourd'hui, l'adoption n'est faite que par un des deux conjoints, et donc la filiation n'est qu'à l'encontre d'un des deux membres du couple", a par ailleurs ajouté Adrien Taquet. 

Filiation en cas de PMA à l'étranger

Si les débats ont été rapides concernant l'abaissement de l'âge requis pour adopter (26 ans au lieu de 28) ou sur la possibilité pour le tribunal de passer outre l’absence de consentement d’un mineur âgé de plus de treize ans de s’exprimer si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’adopté, les députés ont longuement discuté de l'article 9 bis de la proposition de loi. Lors de la commission mixte paritaire, cet article, concernant la reconnaissance de la filiation en cas de PMA à l'étranger, avait été "un point de blocage" côté sénateurs.

Réintroduite en commission des lois, la version de l'Assemblée nationale a de nouveau été votée mardi soir. Ainsi, le dispositif adopté prévoit que, lorsque la mère qui a accouché s'oppose "sans motif légitime" à l'établissement du lien de filiation à l'égard de sa conjointe, cette dernière peut, "sous réserve de rapporter la preuve du projet parental commun et l’assistance médicale à la procréation réalisée à l’étranger", demander l’adoption de l’enfant. "Le tribunal prononce l’adoption s’il estime que le refus de la reconnaissance conjointe est contraire à l’intérêt de l’enfant et si la protection de ce dernier l’exige", précise la proposition de loi. 

"Cette disposition n’est pas acceptable : elle revient à se passer du consentement de la mère qui a accouché dans des conditions trop floues", a notamment déploré Thibault Bazin (LR), qui estime que "cet article ne vise qu'à régler des conflits entre adultes."  "Vous forcez la mère d'origine à accepter une filiation dont elle ne veut plus pour son enfant ! (...) Je pense que c'est une atteinte sans précédent à son statut de parent", a dénoncé Emmanuelle Ménard. "Le juge ne pourra procéder l'adoption qu'après avoir vérifié que l'adoption est conforme à l'intérêt de l'enfant et les conditions restrictives ont été apportées pour encadrer ce dispositif exceptionnel (la mesure ne pourra s'appliquer que lors des trois années qui suivront la proposition de loi, ndlr)", a répondu la rapporteure du texte Monique Limon. "Des familles et des enfants attendent cette disposition pour voir la double filiation s'établir" a rappelé Coralie Dubost (LaREM), soulignant que la mesure n'était pas automatique.

Satisfaites de la réintroduction de l'article, Marietta Karamanli (PS) et Danièle Obono (LFI) ont même proposé de l'inscrire dans la durée. Une disposition rejetée par l'Assemblée nationale. "Il faut préserver le caractère exceptionnel du dispositif", a avancé Monique Limon, elle et Adrien Taquet estimant que le projet de loi bioéthique traitant déjà des PMA, il y aurait le risque d'une confusion législative entre les deux textes. 

Fin des OAA

Un amendement de l'opposition a toutefois été adopté par l'Assemblée nationale. Signé par Xavier Breton et plusieurs députés du groupe Les Républicains, il prévoit que les personnes candidates à l'adoption suivent une préparation "portant notamment sur les dimensions psychologiques, éducatives, médicales, juridiques et culturelles de l’adoption, compte tenu de la réalité de l’adoption nationale et internationale, ainsi que sur les spécificités de la parentalité adoptive." Les députés LR ont aussi obtenu la prolongation de la durée de validité des agréments pour les bénéficiaires dont le dossier de demande a été enregistré auprès d’une autorité étrangère. 

Enfin, deux mois après l'entrée en vigueur de la loi, les Organismes autorisés pour l'adoption (OAA) ne pourront plus recueillir d’enfants en France : tous les enfants définitivement privés de la protection de leur famille d’origine pourront bénéficier du statut de pupille de l’Etat. Une mesure qui ne concerne plus beaucoup d'enfants : seulement un OAA exerce encore sur le territoire.