L'Assemblée nationale examine en deuxième lecture, ce jeudi 18 décembre, d'une proposition de loi "portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982". Le texte dispose notamment que la France reconnaît sa responsabilité dans l’application de dispositions pénales ayant constitué une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et nécessitant réparation.
C'est un texte qui - s'il a suscité l'unanimité lors de sa première lecture à l'Assemblée nationale - ne parvient pas à faire l'objet d'un consensus entre députés et sénateurs qui lui permettrait d'être adopté dans les mêmes termes par les deux Chambres. Et pour cause, si le Sénat a bien voté la proposition de loi "portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982" en deuxième lecture, la majorité du Palais du Luxembourg n'a eu de cesse de détricoter ce texte issu des rangs de la gauche.
C'est en effet le sénateur socialiste Hussein Bourgi qui, le 6 août 2022, a déposé la proposition de loi destinée à réhabiliter les personnes condamnées pour homosexualité. "Bien que la réalité de la répression des personnes homosexuelles, lesbiennes, bisexuelles et transidentitaires soit documentée par de multiples travaux de juristes, historiens et sociologues reconnus, la France n'a pas encore admis sa responsabilité en la matière", déplore ainsi l'élu dans l'exposé des motifs du texte.
Quatre décennies après l'abrogation du délit d'homosexualité, une majorité de parlementaires ont estimé au cours de la navette que l’Etat se devait désormais de reconnaître sa responsabilité dans la répression qui a visé les personnes homosexuelles et en tirer les conséquences par un processus de réparation.
En France, l’homosexualité a été définitivement dépénalisée par la loi du 4 août 1982, après une première dépénalisation sous la Révolution française, puis un rétablissement d’infractions pénales particulières en 1942 sous le régime de Vichy. Jusqu'en 1982 une distinction dans l'âge de consentement, selon qu'il s'agissait de rapports hétérosexuels ou homosexuels, était en vigueur. Cet âge était fixé à 21 ans pour les rapports homosexuels ; tandis qu'il était fixé à 13 ans, puis 15 ans à partir de 1945, pour les rapports hétérosexuels.
En quarante ans, ce sont plus de 10 000 personnes qui ont ainsi été condamnées en raison de leur orientation sexuelle avec, dans 90 % des cas, une peine de prison ferme. Après la promulgation de la loi Forni du 4 août 1982, défendue par Gisèle Halimi et Robert Badinter, le "délit d’homosexualité" était définitivement abrogé.
Ces personnes ont vécu une large part de leur vie avec le poids de cette condamnation dégradante et infamante. En leur accordant justice et réparation, c'est leur identité que nous respecterons et leur dignité que nous restaurerons. Exposé des motifs de la proposition de loi
L'article 1er du texte "reconnaît la responsabilité de la France du fait de l’application des dispositions pénales après le 8 février 1945, constituant une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et une violation du droit au respect de la vie privée". Si le Sénat l'a réécrit, le texte initial précisant que la France "regrette la politique de criminalisation et de discrimination", c'est sur la question de la réparation financière qu'il l'a considérablement infléchi, supprimant purement et simplement le dispositif.
Le texte initial et tel que l'Assemblée nationale l'a rétabli en première lecture en mars 2024, instaure une allocation forfaitaire fixe de 10 000€, et de 150 euros par jour de privation de liberté, ainsi que le remboursement des amendes acquittées. De nouveau supprimée par le Sénat en deuxième lecture en mai dernier, la réparation financière a été réintroduite par les députés de la commission des lois en début de semaine, le 15 décembre. Et il devrait en être de même, ce jeudi, lors du retour de la proposition de loi dans l'hémicycle du Palais-Bourbon.