Le ton est monté à gauche, ce jeudi 16 octobre, après l'échec de la motion de censure défendue par La France insoumise à laquelle les députés socialistes, sauf sept d'entre eux, n'ont pas apporté leurs voix. "Ne laissez pas la direction du PS vous entraîner dans une alliance avec la macronie", a lancé la présidente du groupe LFI à l'intention des militants et des électeurs socialistes.
Dix-huit. C'est le nombre de voix qui a manqué, ce jeudi 16 octobre, à la motion de censure déposée par La France insoumise, et soutenue par les écologistes ainsi que par les communistes, pour être adoptée à l'Assemblée nationale. Du côté des socialistes, seuls sept députés ont apporté leurs voix au texte, s'éloignant ainsi de la consigne du groupe qui avait fait le choix de la non-censure après l'engagement du Premier ministre, Sébastien Lecornu, de proposer la suspension de la réforme des retraites au Parlement. Dans la foulée du résultat du scrutin, à la sortie de l'hémicycle, Mathilde Panot a fustigé l'attitude des dirigeants du PS qui "portent une responsabilité historique dans cette non-censure".
S'adressant "aux militants et aux électeurs du Parti socialiste", la présidente des députés LFI les a appelés à "rompre les rangs" : "Ne laissez pas la direction du PS vous entraîner dans une alliance avec la macronie. Il existe un pôle de résistance dans ce pays, celui que nous incarnons", a-t-elle lancé devant les caméras.
Une critique réaffirmée dans un communiqué envoyé à la mi-journée, dans lequel La France insoumise s'en prend à "la direction du PS" qui "vient de sauver Emmanuel Macron en prétendant avoir obtenu le décalage de la réforme des retraites qui n'est en réalité qu'une arnaque". "Nous appelons à la résistance populaire et parlementaire", peut-on également y lire. "La censure a échoué de peu grâce au pacte Macron-Faure", a quant à lui écrit Jean-Luc Mélenchon sur X.
A la tribune, le député socialiste Laurent Baumel avait été envoyé défendre la position des siens. "On peut ici ou là ergoter, minorer, dévoiler notre supposée naïveté. Nous, nous sommes fiers d'avoir exercé cette pression" pour obtenir la suspension de la réforme des retraites, a-t-il assumé. Et de mettre en garde Sébastien Lecornu : "Je vous le dis solennellement, il n'y aura pas d'entourloupe ou de ruse procédurale. Vous êtes le garant qu'à la fin du processus, la suspension devienne une réalité juridique. La pérennité même de votre gouvernement est désormais liée à cet engagement."
A l'endroit même où Mathilde Panot s'en prendra à lui quelques minutes plus tard, le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, assurait que le choix de la non-censure allait permettre aux socialistes de "corriger très sensiblement" la copie budgétaire initiale du gouvernement. "Nous allons permettre de grandes conquêtes dans les prochaines semaines", affirmait-il, alors que les députés insoumis passaient juste à ses côtés pour aller voter leur motion de censure. Plus tôt, vers 9h45, c'est une autre scène qui avait fait sourire dans les couloirs du Palais-Bourbon : Aurélie Trouvé (LFI) face caméras, salle des Quatre-Colonnes, tout au long de l'intervention de Laurent Baumel (PS) à la tribune… et diffusée à l'écran à quelques mètres d'elle.
"Penser que le budget sera équilibré dans un sens progressiste et à gauche, c'est impossible. Ce n'est même plus prendre des vessies pour des lanternes, c'est pire que ça !", répliquait auprès de LCP le président de la commission des finances de l'Assemblée, Eric Coquerel (LFI). La suspension de la réforme des retraites, via un amendement gouvernemental ? Selon lui, elle "ne passera pas ou il faudrait que le PLFSS soit majoritaire, et donc que le PS le vote", avec "toutes les horreurs" qu'il comporte.
Ce jeudi, entre les socialistes et les insoumis, la bataille s'est poursuivie sur les réseaux sociaux. Attaqué par les seconds, les premiers ont ressorti, sur X, des extraits du débat budgétaire de l'année dernière, avec un message : "Comme Manuel Bompard et Eric Coquerel il y a un an, nous disons, un autre chemin est possible." Et le coordinateur nationale de LFI de répliquer par plusieurs messages, évoquant "un but contre son camp magistral".
Sur son compte, Olivier Faure a également publié une intervention du député insoumis Aurélien Le Coq datant de 2024, dans laquelle ce dernier affirmait que l'examen du PLF avait permis d'aboutir à "un budget de justice sociale et fiscale, qui n'a rien à voir avec le budget initial". Commentaire du Premier secrétaire du PS : "Depuis ceux qui disent avec le plus de force qu’ils sont pour une VIème République parlementaire sont obsédés par la seule présidentielle…"
Sans compter les réponses à ce post de la députée LFI Danièle Obono, dénonçant les "enfumages" et la "forfaiture" du PS ; les échanges acerbes entre le socialiste Olivier Faure et l'insoumis Paul Vannier à propos des "cerbères de la direction du PS" qui se terminent par des "prends exemple" ; ou encore le "t'as pété un plomb" adressé à Paul Vannier par la députée socialiste Béatrice Bellay, qui a voté la censure et qui réfute toute pression des dirigeants de son parti pour l'en dissuader.
L'examen du projet de loi de finances 2026 (la copie initiale déposée par le gouvernement est ici) débutera lundi, à 9 heures, en commission des finances à l'Assemblée nationale, avant d'arriver dans l'hémicycle vendredi 24 octobre après-midi. Celui consacré au budget de la Sécurité sociale (ici) – avec la suspension de la réforme des retraites, via un amendement gouvernemental – commencera début novembre. Deux questions se posent : à quoi ressembleront les copies finales ? Et, sans recours à l'article 49.3, le Parlement aura-t-il le temps d'aller au bout de l'examen des deux textes ? Sachant qu'il dispose de 70 jours pour le PLF et de 50 jours pour le PLFSS.