"Sécurité globale" : l'Assemblée adopte l'article contre la diffusion "malveillante" d'images des forces de l'ordre

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Manifestation devant l'Assemblée nationale contre la proposition de loi "relative à la sécurité globale", mardi 17 novembre 2020
Manifestation devant l'Assemblée nationale contre la proposition de loi "relative à la sécurité globale", mardi 17 novembre 2020
par Raphaël Marchal, le Vendredi 20 novembre 2020 à 18:06, mis à jour le Lundi 23 novembre 2020 à 10:32

Les députés ont adopté vendredi en fin de journée l'article 24, très controversé, de la proposition de loi relative à la sécurité globale, qui prévoit de pénaliser la diffusion de "l’image du visage ou tout autre élément d’identification" d’un policier ou d’un gendarme "dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique".

Il a braqué l'attention de tous les observateurs de l'action policière, au point de faire de l'ombre aux autres mesures de la proposition de loi relative à la sécurité globale, portant sur les polices municipales et le secteur de la sécurité privée. L'article 24 du texte a finalement été examiné et adopté ce vendredi après-midi dans l'hémicycle de l'Assemblée. Il prévoit la création d'un nouveau délit de diffusion des images de représentants de forces de l'ordre, lorsqu'elles permet leur identification à des fins malveillantes, puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende.

Dans sa rédaction initiale, le texte a cristallisé de nombreuses protestations de sociétés de journalistes et de la la Défenseure des droits, Claire Hédon, mais également du Haut Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU. Devant les polémiques et le malaise provoqué au sein même de la majorité et de ses alliés - le groupe MoDem s'est divisé sur cette disposition -, l'exécutif a modifié la rédaction de cet article à travers un amendement gouvernemental rédigé à l'issue d'une réunion à organisée dans la soirée du jeudi 19 novembre à Matignon. 

Par le biais de cet amendement adopté vendredi soir, le texte prévoit que le nouveau délit s'exerce "sans préjudice du droit d’informer". L'intention de nuire à "l'intégrité physique ou psychique" devient "manifeste" dans la nouvelle rédaction. En outre, les policiers municipaux sont désormais concernés par la mesure, comme l'a précisé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en séance publique.

Des dispositions toujours contestées

Cette nouvelle rédaction n'a pas apaisé les craintes de l'opposition de gauche en particulier. Pendant quatre heures et demie, les élus ont ferraillé sur les apports et l'impact véritable de cette mesure, qui saluant la protection supplémentaire apportée aux forces de l'ordre, qui exposant ses griefs quant à la limitation concédée aux libertés individuelles.

Les représentants de La France insoumise ont largement pris part au débat, estimant non seulement que cette disposition n'apporterait aucune protection supplémentaire aux forces de l'ordre, mais permettrait à un policier ou à un gendarme d'intimider une personne qui souhaiterait filmer une intervention ou une interpellation en manifestation, en prétextant une atteinte à leur intégrité. Une vision partagée par le groupe socialiste et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Cet article prévoit une insécurité globale vis-à-vis de la police. S'il n'y a plus d'image, il ne reste que la version de la police, ou la rumeur. Vous allez faire subir à notre police la défaite de la confiance populaire. Alexis Corbière

Plusieurs députés des Républicains, comme Eric Pauget et Ian Boucard, ont, au contraire, jugé que cette disposition devrait être étendue à d'autres corps, comme les douaniers, les militaires déployés sur le territoire dans le cadre de l'opération Sentinelle, les agents de l'administration pénitentiaire ou encore les gardes-champêtres. Ils ont également plaidé, ainsi que d'autres élus de l'opposition, pour que cet article transpose les nouvelles dispositions dans le code pénal, et non dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Trois nuances d'orange

Mais il fallait finalement regarder dans le camp de la majorité et de ses alliés pour observer au mieux les dissensions créées par cet article 24. Les représentants du groupe MoDem ont montré leurs divergences au fur et à mesure de leurs prises de parole, dégageant trois lignes différentes. Nicolas Turquois a ainsi expliqué qu'il ne se voyait pas voter en faveur d'un tel texte, même dans sa version réécrite, notamment en raison de la notion de l'atteinte à "l'intégrité psychique". Christophe Blanchet a pris le pendant inverse, témoignant son soutien à la mesure. Une ligne intermédiaire, qui s'est dite convaincue par la nouvelle version, s'est manifestée par le biais d'Isabelle Florennes et de Bruno Millienne.

Enfin, si le président du groupe La République en marche, Christophe Castaner, a donné sa bénédiction à cet article, largement porté par la majorité, Sacha Houlié a questionné le caractère "indispensable" de ses dispositions. Le député de la Vienne s'en est pris à Gérald Darmanin, reprochant au ministre de l'Intérieur d'avoir évoqué pour un temps le floutage obligatoire des visages de policiers et de gendarmes, "ce qui n'était pas compris dans le texte". Sacha Houlié a également fait part de son étonnement quant à la présentation du projet de loi "confortant les principes républicains", qui contient une disposition plus large et "mieux rédigée" que celle prévue par la proposition de loi examinée ce vendredi.

Au terme de ces débats, l'Assemblée a voté l'amendement gouvernemental permettant l'adoption de l'article 24 par 146 voix contre 24.