La proposition de loi "visant à améliorer le système de santé" a pour but de traduire dans la loi certaines mesures non budgétaires du Ségur de la santé. Face aux critiques des syndicats et de l'Ordre des médecins, la rapporteure du texte, Stéphanie Rist (LaREM), a renoncé à créer une "profession médicale intermédiaire".
Traduire dans la loi certaines "mesures issues des conclusions du Ségur de la santé qui ne relèvent pas du domaine budgétaire", c'est l'objectif de la proposition de loi visant à "améliorer le système de santé par la confiance et la simplification" qui a été adopté mercredi par la commission des affaires sociales de l'Assemblée.
Présenté par la rapporteure Stéphanie Rist (La République en Marche), le texte donne notamment de nouveaux droits aux sages-femmes, accélère le développement des groupements hospitaliers de territoire (GHT), crée une plateforme d'information pour les personnes handicapées et leurs aidants.
Mais la proposition de loi, qui dans sa version initiale créait une "profession médicale intermédiaire", a fait l'objet de nombreuses critiques venant des syndicats de médecins libéraux et de directeurs d'hôpitaux ainsi que de l'Ordre des médecins. Plusieurs parlementaires, comme Cyrille Isaac-Sibille (MoDem) et Gisèle Biémouret (PS) ont également critiqué l'absence d'étude d'impact.
Face à ces critiques, Stéphanie Rist a été amenée à modifier en profondeur son texte.
La proposition de loi prévoyait dans sa première version de créer une "profession médicale intermédiaire" entre les médecins, diplômés d'un bac+10, et les infirmiers, diplômés d'un bac+3. "En France, l'exercice légal de la médecine conduit à un cloisonnement important des professionnels de santé", a expliqué la rapporteure Stéphanie Rist.
Il devait revenir aux conseils de l'Ordre des médecins et des infirmiers de proposer des orientations ensuite traduites par décret. Cette disposition a été dénoncée par le conseil national de l'Ordre des médecins, qui a "refusé, en l'état, de conduire la mission qui devait lui être confiée" et demandé le retrait de la mesure.
L’Ordre des médecins demande que soit engagée, avant tout projet en ce sens, une réflexion préliminaire. Extrait de communiqué de presse
Les cinq syndicats représentatifs des médecins libéraux ont également vivement critiqué la mesure. Dix amendements de suppression de l'article 1 ont donc été déposés par des députés des groupes Les Républicains, Gauche démocrate et républicaine, Socialistes et apparentés, UDI, Libertés et territoires. "J'ai pris acte de cette situation de blocage", a répondu mercredi Stéphanie Rist.
Un amendement adopté par la commission des affaires sociales a finalement supprimé la création cette nouvelle "profession médicale intermédiaire". L'article 1 du texte, amendé, ne prévoit désormais plus qu'une simple demande de rapport sur "la mise en place des auxiliaires médicaux en pratique avancée et des protocoles de coopération".
L'article 7 permet le développement des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Dans sa version initiale, les établissements supports devaient prendre systématiquement "la direction commune de tout établissement [faisant] partie de son groupement [et] se trouvant en situation de vacance de poste de son chef d'établissement".
"Il s'agit de franchir une étape pour aller vers des GHT plus efficaces", a justifié mercredi la rapporteure Stéphanie Rist. Selon elle, ce système, "quand il marche bien", "améliore l'offre de soins".
Cette disposition a été particulièrement critiquée par le premier syndicat des directeurs d'hôpitaux (Syncass-CFDT) : "Progressivement, tous les GHT passeraient, sauf exception, en direction commune, c'est-à-dire unique." Le syndicat, qui a dénoncé les "incohérences" et les "contradictions" du texte, déplore que cette évolution se fera donc "au gré du hasard et au fil du temps".
"Hors de question de forcer les coopérations, de brusquer les élus en cette période", a ajouté mercredi l'élu Les Républicains Thibault Bazin. "Cela nous semble accélérer cette intégration qui va finir par faire en sorte qu'il n'y ait plus des établissements mais des antennes", a expliqué le député communiste Pierre Dharréville.
L'existence de certains hôpitaux tient à un combat permanent. Gisèle Biémouret (PS)
"Devant les inquiétudes exprimées sur le caractère automatique de la mesure", Stéphanie Rist a fait adopter un amendement prévoyant que le poste de directeur d'établissement vacant sera "confié à l'établissement support pendant une durée transitoire d'un an seulement".
"Après avis du comité stratégique du GHT, du comité des élus locaux du GHT et du conseil de surveillance de l’établissement partie", le directeur de l'Agence régionale de santé pourra ensuite décider de "prolonger cet intérim en une direction commune".
Le texte donne par ailleurs davantage de possibilités aux sages-femmes pour prescrire des arrêts de travail. Aujourd'hui, elles ne peuvent le faire que dans la limite de quinze jours calendaires. Une fois la loi définitivement adoptée, cette limite sera supprimée. Les sages-femmes pourront également renouveler les arrêts de travail prescrits initialement par un médecin dans le cadre d'une grossesse.
La profession de sage‑femme n’est pas encore assez reconnue dans notre pays. Exposé des motifs de la proposition de loi
Les députés ont inscrit dans la proposition de loi la possibilité pour les sages-femmes de réaliser des IVG par voie chirurgicale jusqu'à la dixième semaine de grossesse.
Autre mesure : les comptables publics devront bloquer les rémunérations des contrats d'intérim médical dépassant le plafond réglementaire. Les agences régionales de santé devront quant à elles dénoncer devant le tribunal administratif les contrats irréguliers. "Il s'agit d'adresser un message fort aux professionnels qui profitent des difficultés démographiques actuelles", a affirmé Stéphanie Rist.
Les députés ont également adopté des amendements permettant "le développement du bénévolat individuel au sein des établissements publics de santé".
Par un amendement de Thomas Mesnier (La République en Marche), les députés ont créé un service d'accès au soins (SAS) qui introduit un "point d'entrée unique". Un nouveau numéro, le 113, remplacera donc le 15, mais aussi le 116-117 et les numéros locaux à dix chiffres.
"Cela va permettre de dire au patient 'vous avez un problème de santé, ce n'est pas à vous de savoir si c'est une urgence vitale ou une urgence ressentie", a expliqué Thomas Mesnier.
Enfin, l'article 14 du texte crée une "plateforme officielle d’information, d’orientation et d’accompagnement" pour les personnes handicapées et leurs aidants.
La proposition de loi a été adoptée par les députés, malgré l'abstention revendiquée du MoDem, qui a estimé ne pas avoir reçu "les éclairages suffisants" sur les articles 7 (sur les groupements hospitaliers de territoire) et 14. Le texte sera examiné en séance publique à partir du 30 novembre.