Le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, Julien Denormandie, était auditionné ce jeudi 19 novembre par la mission d'information sur les sels nitrités dans l'industrie agroalimentaire. Utilisé comme conservateur et colorant alimentaire dans les produits de charcuterie industrielle, le sel nitrité est accusé de favoriser des molécules cancérogènes au contact de la viande.
L’audition de Julien Denormandie a démarré sous les meilleurs auspices, puisque Richard Ramos, rapporteur MoDem de la mission d’information avec Barbara Bessot Ballot (LaREM) et Michèle Crouzet (MoDem), l'ont inaugurée en saluant l’action de son ministère sur les sujets liés à l’alimentation. Et le ministre de confirmer l’attention extrême qu’il porte à cette question, allant jusqu'à évoquer la conduite, dans les faits, d’un "ministère de la santé nutritionnelle".
Il a ainsi déclaré que les deux maîtres-mots qui guidaient son action étaient la "souveraineté agro-alimentaire" et "l’accessibilité à des produits frais, locaux et de qualité". Enfin, il n’a pas hésité à dresser le constat d’ "une véritable inégalité alimentaire dans notre pays", évoquant notamment les conséquences délétères de "la surtransformation des plats" et la nécessité d’une "éducation alimentaire dès le plus jeune âge", le ministre précisant qu’il était né en 1980 et qu’il appartenait de ce fait à la génération sacrifiée "du poisson Findus".
C’est au moment d’entrer dans le vif du sujet qu’un désaccord de principe a fini par se faire jour entre le ministre et les membres de la mission. Car sur le risque de santé publique lié aux sels nitrités, Julien Denormandie, qui s’est présenté lui-même "en tant que père de quatre enfants et gros consommateur de jambon", a déclaré : "je ne sais pas". Or pour Richard Ramos, "il n’y a pas débat", "les scientifiques sont quasiment unanimes", d'où la constitution de la mission d'information parlementaire.
Le ministre a poursuivi en faisant le point sur les études scientifiques en cours, citant notamment celle de l’Institut national de la recherche agronomique (INRAE).
Richard Ramos a évoqué un risque de collusion au détriment du consommateur. "C’est la FICT (Fédération française des industriels charcutiers traiteurs) qui finance l’INRAE", a-t-il ainsi déclaré. "Est-ce que celui qui finance les travaux et qui depuis vingt ans freine, pour des raisons économiques, peut vous donner à vous, ministre, un rapport financé par les industriels ?".
Mais Julien Denormandie a souligné le fait qu’une autre étude, menée par l’ANSES, "agence indépendante", avait été diligentée par ses services, avant de préciser que ses conclusions étaient attendues pour avril 2021 et que c'est sur la base de cette étude qu'il se prononcerait.
Malgré des désaccords, Richard Ramos a réitéré sa confiance vis-à-vis du ministre, avant de conclure en ces termes : "Le débat nous l’aurons dans l’hémicycle quoi qu’il arrive, car nous porterons ce sujet, et on espère vraiment vous avoir à nos côtés".