Rapporteur de la commission d'enquête sur "l’organisation des élections en France", Antoine Léaument (La France insoumise) estime que les sondages "sous-estiment structurellement la gauche". Il préconise leur interdiction avant la publication officielle des candidatures à une élection. Ses propositions sont contestées par le président de la commission d'enquête, Thomas Cazenave (Ensemble pour la République).
Selon le député Antoine Léaument (La France insoumise), "les sondages ne sont pas scientifiques et sous-estiment structurellement la gauche". L'élu, qui était rapporteur de la commission d'enquête sur "l’organisation des élections en France", propose donc de les interdire avant la publication officielle des candidatures à une élection, "afin de préserver l'intégrité des résultats des scrutins électoraux".
Cette proposition fait partie des 115 recommandations qu'Antoine Léaument (LFI) a rendues publiques ce vendredi 6 juin, lors d'une conférence de presse. La commission d'enquête, sollicitée par La France insoumise dans le cadre de son "droit de tirage", a réalisé depuis janvier 2025 près de 39 auditions. Mais le rapport rédigé par Antoine Léaument, jugé très "politique" par le président de la commission, Thomas Cazenave (Ensemble pour la République), n'a pas emporté l'adhésion de tous les députés de l'instance.
"Certaines des recommandations du rapporteur n'avaient absolument pas leur place [dans le texte], car elles étaient directement issues du programme de LFI et non du travail de la commission", affirme à LCP l'un d'entre-eux. Dans son rapport, Antoine Léaument propose notamment de créer un droit au référendum d'initiative citoyenne, mais aussi de "réunir une assemblée constituante chargée de rédiger la Constitution d'une 6e République".
"Visiblement le rapporteur savait ce qu'il voulait dire avant même le début des auditions", commente Erwan Balanant (Les Démocrates), lui-même membre de la commission d'enquête. Dans son avant-propos, Thomas Cazenave (EPR) explique donc que le rapport est composé de trois parties : son avant-propos, suivi des "constats et propositions propres au rapporteur", puis des "contributions des différents groupes politiques".
Une façon de signifier que les membres de la commission d'enquête ont accepté la publication du rapport sans pour autant valider l'ensemble des propositions formulées par le député du parti de Jean-Luc Mélenchon. "Je constate que c'est quelque chose qui arrive fréquemment quand il s'agit de rapports d'insoumis", a ironisé vendredi matin Antoine Léaument. "Un rapport parlementaire est rédigé par un rapporteur, et le rapporteur c'est moi", a-t-il aussi souligné, ajoutant que ses propositions ont été soumises aux députés de la commission, contrairement à celles formulées par Thomas Cazenave dans son avant-propos.
Dans sa partie du rapport, Antoine Léaument dénonce la "faiblesse méthodologique des sondages" qui disposent selon lui de "panels peu représentatifs sociologiquement et politiquement". L'élu juge en outre "aléatoires" les méthodes de redressement utilisées, estimant que celles-ci "défavorisent la gauche de rupture". Et il pointe du doigt certaines structures, évoquant le "projet Périclès" du milliardaire Pierre-Edouard Stérin, qui "cherchent à manipuler les sondages pour influencer l'opinion".
Le député de l'Essonne propose donc d'interdire les sondages d'intention de vote "avant que la liste définitive des candidats ou des listes en lice à une élection ne soit connue". A titre d'exemple, la liste définitive des candidats à l'élection présidentielle 2022 avait été publiée le 7 mars, soit cinq semaines avant le premier tour du scrutin, organisé le 10 avril. Une limitation drastique assumée par Antoine Léaument, qui affirme que "les sondages d’intentions de vote dénaturent le débat politique et privent les citoyens d’une entière capacité de choix, en leur fournissant des informations orientées".
L'élu propose aussi d'interdire la publication de sondages de second tour avant que les résultats du premier ne soient connus. Et préconise de publier, pour chaque sondage contrôlé par la commission des sondages, "les données brutes anonymisées, non agrégées et non redressées sous forme de tableur, ainsi que les formules de redressement" utilisées.
Vendredi matin, Antoine Léaument a semblé atténuer sa position expliquant à la presse "préférer mille fois" des mesures qui iraient dans le sens d'une plus grande transparence des sondages à des mesures d'interdiction. "Néanmoins, je pense que l'interdiction est plus facile à mettre en œuvre parce que je doute que les instituts de sondage me suivent [sur la transparence]", a ajouté le député LFI. En tout, près d'une trentaine des recommandations figurant dans le rapport portent sur les instituts de sondage.
Ces mesures n'ont pas convaincu le président de la commission d'enquête, Thomas Cazenave (Ensemble pour la République). "Les instituts de sondage sont utiles et leur activité est strictement encadrée par la loi", a-t-il considéré mercredi, lors d'une conférence de presse organisée en visioconférence. Et le député de Gironde d'ajouter que "rien dans ce qui a été dit lors des auditions ne permet de mettre en cause leur travail". Thomas Cazenave juge néanmoins que certaines pistes d'améliorations peuvent être explorées, comme "la publication plus systématique des données brutes, une meilleure pédagogie des marges d'incertitudes" et une "vigilance sur les projections en sièges".
Le député du parti présidentiel juge, en outre, que notre "système électoral est solide" : "Les élections en France sont bien organisées", explique Thomas Cazenave. Néanmoins, l'ancien ministre délégué chargé des Comptes publics ajoute que le risque d'"ingérences étrangères" est désormais une "menace réelle et sérieuse". Le député EPR estime donc nécessaire de "renforcer les capacités du service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum)" et d'"aller plus loin dans la coopération avec les plateformes et les réseaux sociaux".
D'autres propositions d'Antoine Léaument
- Accorder le droit de vote aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l'UE,
- lancer une campagne nationale d'information sur les élections
- créer une banque de la démocratie,
- Renforcer les moyens alloués aux services institutionnels chargés de la lutte contre les ingérences étrangères, en particulier Viginum,
- rendre obligatoire le vote dès 18 ans,
- abaisser le droit de vote à 16 ans,
- mettre en place un moratoire sur les radiations pour perte d'attache communale.
Les propositions de Thomas Cazenave
- Encadrer les radiations pour perte d'attache communale en fixant un délai minimal avant un scrutin,
- enrichir le répertoire électoral unique (REU) en y intégrant les coordonnées numériques,
- lever le moratoire sur les machines à voter,
- refuser le vote électronique à distance à l'échelle nationale,
- renforcer la réponse institutionnelle face aux ingérences étrangères.