Souveraineté agricole : les députés réintègrent dans le projet de loi un objectif chiffré de surfaces cultivées en bio

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par Maxence KagniLéonard DERMARKARIAN, le Jeudi 23 mai 2024 à 22:40, mis à jour le Jeudi 23 mai 2024 à 22:47

L'adoption d'un amendement de réécriture de l'article 1er du projet de loi d'orientation agricole avait eu pour conséquence de supprimer du Code rural les objectifs chiffrés de surfaces agricole biologique et de culture de légumineuses. Plaidant la bonne foi  et mis sous pression par les députés de gauche, le gouvernement a réintroduit ces objectifs dans le texte. 

Supprimés, puis rétablis : les députés ont réintroduit, ce jeudi 23 mai, dans la loi des objectifs chiffrés de surfaces agricoles en agriculture biologique et en légumineuse. Lors de l'adoption de l'article 1er du projet de loi "d’orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture", ces chiffres avaient été supprimés du Code rural.

Quelques jours après leur suppression, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du gouvernement, également porté par des groupes parlementaires allant des Républicains à La France insoumise - à l'exception du Rassemblement national et d'un amendement du groupe Ecologistes, rejeté -, qui fixe de nouveaux objectifs chiffrés à atteindre, d'ici au 1er janvier 2030, sans qu'ils ne soient réinscrits dans le Code rural. Selon l'amendement voté, "l'Etat se donne comme objectif [...] que la surface agricole utile cultivée en agriculture biologique [...] atteigne 21%". Le chiffre pour la surface agricole utile cultivée en légumineuse est de 10%.

Le but est, toujours selon l'amendement, de "favoriser l’installation d’exploitations agricoles participant au développement des pratiques agroécologiques". Actuellement, le Code rural fixe un objectif de 15% de surfaces en agriculture biologique pour l'année 2022, un chiffre qui n'est toujours pas atteint en 2024, selon Le Monde. S'agissant des légumineuses, le chiffre est de 8% en 2030.

Des objectifs initialement supprimés par la réécriture de l'article 1er

Les députés avaient adopté, jeudi 16 mai, un amendement de réécriture de l'article 1er, après en avoir débattu pendant plus d'une journée. A cette occasion, plus de 565 sous-amendements avaient été examinés à la suite, rendant les débats confus et peu lisibles. "Le groupe Ecologiste vous avait bien alerté dès le jour de la suppression et avait même proposé la réintégration [des objectifs] par voie de sous-amendement", a rappelé ce mercredi soir Marie Pochon (Ecologiste)

Les écologistes ont toujours un temps d'avance, que ce soit de 30 ans sur le développement de l'agriculture bio ou d'un jour sur l'identification d'une suppression dans le code rural. Marie Pochon (Ecologiste)

Au lendemain du vote, Aurélie Trouvé (La France insoumise) avait interpellé à plusieurs reprises le gouvernement, dénonçant "une énorme régression sur le plan agro-environnemental". Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, lui avait alors répondu en évoquant les objectifs fixés par le plan stratégique national (18% de bio en 2027) adopté en 2023. Le ministre avait également jugé "inopportun" d'inscrire dans le projet de loi des objectifs chiffrés, "sinon on va changer la loi tous les ans". "On met les moyens", avait-il ajouté, évoquant notamment l'aide de 200 millions d'euros versée au secteur de l'agriculture biologique. "Vous n'avez pas le monopole du bio, ni chez les Insoumis, ni chez les Verts", a aussi déclaré mercredi soir l'un des rapporteurs du texte, Pascal Lecamp (Démocrate).

Lors des débats Grégoire de Fournas (Rassemblement national) a, en revanche, prononcé un véritable plaidoyer contre la filière bio : "Le bio ne répond plus aux attentes des consommateurs", a déclaré le député, jugeant que certains agriculteurs étaient désormais "dans une voie qui ne les mène nulle part".

Nouvel objectif de 500 000 exploitants agricoles

Les députés ont, par ailleurs, complété l'article 8 du projet de loi, qui donne à la France l'objectif de "compter au moins 400 000 exploitations agricoles" en 2035. Adopté en commission après le vote d'un amendement du rapporteur Pascal Lecamp (Démocrate), ce chiffre a pour but de préserver le modèle français de l'exploitation familiale en évitant la concentration des terres au sein d'exploitations de plus en plus grandes. Il correspond à un maintien du nombre d'exploitations constaté en 2020 (390.000 selon l'Insee).

Mercredi soir, l'Assemblée nationale a ajouté un autre objectif chiffré : la France devra compter au moins "500 000 exploitants agricoles" en 2035. Là aussi, le chiffre est identique à celui constaté en 2020, soit 496.000. "Ce qui compte, c'est bien le nombre d'agriculteurs", a expliqué l'auteur de l'amendement adopté, Dominique Potier (Socialistes), qui souhaite ainsi défendre le modèle de "l'agriculture à taille humaine".

"Le nombre de fermes est un mauvais indicateur, si elles se regroupent pour s'associer, partir en vacances et mieux produire, faire des économies, tant mieux", a-t-il expliqué. Dominique Potier souhaite, en revanche, éviter la situation où des "fermes vont se vider de leurs exploitants" en passant "à la monoculture de céréales faite par une entreprise de travaux agricoles". Le député a été soutenu par le ministre de l'Agriculture, qui a estimé que son amendement allait dans le sens d'un "renouvellement" des générations.

Au cours des débats, qui ont permis l'adoption de grands objectifs pour l'avenir de l'agriculture française, la nécessité d'une réforme de la fiscalité agricole d'ici à 2025 a également été approuvée. En revanche, la question du foncier agricole et, en particulier, de la part du privé continue de diviser. L'examen du projet de loi se poursuit ce jeudi soir.