Uber Files : rejet de la demande de commission d'enquête présentée par LFI

Actualité
par Maxence Kagni, le Mercredi 16 novembre 2022 à 10:31, mis à jour le Vendredi 7 juillet 2023 à 11:06

La commission des lois de l'Assemblée nationale a repoussé la proposition de résolution du groupe La France insoumise "tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files". La majorité et les députés du groupe Les Républicains ont jugé cette demande irrecevable car, en souhaitant enquêter sur le rôle d'Emmanuel Macron, elle contreviendrait au principe de séparation des pouvoirs. 

La France insoumise voulait créer une "commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files et au rôle du Président de la République dans l’implantation d’Uber en France". La demande du groupe présidé par Mathilde Panot a été rejetée, mercredi 16 novembre, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, la majorité et les députés Les Républicains la jugeant contraire à la Constitution et au règlement de l'Assemblée nationale. Selon eux, en ciblant directement Emmanuel Macron dans le titre de sa proposition de résolution, mais aussi dans l'exposé des motifs du texte, Danielle Simonnet (LFI), son auteure, a méconnu le principe de séparation des pouvoirs.

"Liens noués entre Emmanuel Macron et Uber"

Cette proposition des députés de La France insoumise se voulait une réaction aux "Uber Files", une série de révélations d'une quarantaine de rédactions du monde entier dont le journal Le Monde. Les journalistes ont eu accès à 18 gigaoctets de données internes de l'entreprise Uber : "Cette gigantesque quantité de documents détaille, par le menu, la manière dont Uber a utilisé, en France comme ailleurs, toutes les ficelles du lobbying pour tenter de faire changer la loi à son avantage", explique notamment le journal Le Monde dans un article publié en juillet 2022

"L’enquête Uber Files révèle qu’au moins 17 échanges significatifs ont eu lieu entre les équipes d’Emmanuel Macron [qui était ministre de l’Économie d'août 2014 à août 2016, ndlr] et celles d’Uber dans les 18 mois qui ont suivi son arrivée au ministère, sans faire l’objet de publicité", écrit Danielle Simonnet. Mercredi matin, devant les députés de la commission des lois, l'élue a donc expliqué vouloir mener une enquête "sur les pratiques de lobbying menées par Uber pour s'implanter en France et sur la réaction ou l'inaction des pouvoirs publics face à ces pratiques".

La commission d'enquête demandée par LFI aurait également enquêté sur "les conséquences sociales, économiques et environnementales du développement d’Uber en France".

La majorité juge la proposition "irrecevable"

La proposition a été critiquée par le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), qui a mis en avant ses "limites" et son "irrecevabilité" : "Le principe d'irresponsabilité du chef de l'Etat empêche qu'une commission d'enquête puisse mettre en cause cette responsabilité, même de manière indirecte", a expliqué le député de la Vienne, indiquant qu'il s'agissait d'une "pratique constante depuis 1958". 

Le président de la commission des lois a également cité la réponse écrite du Garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, qui estime que la proposition de résolution "constitue une tentative de mise en cause détournée de la responsabilité du chef de l’État" et "méconnaît le principe de séparation des pouvoirs". Sacha Houlié estime enfin que la proposition de résolution "a pour objectif de demander aux députés de jouer le rôle d'enquêteur, de procureur, de juge". 

Emmanuel Macron "dans son rôle"

Une position reprise à son compte par le député Les Républicains Raphaël Schellenberger, qui a accusé La France insoumise de vouloir "faire plier le règlement et l'usage de notre Assemblée" tout en "cassant la confiance que nous avons dans les institutions". Benjamin Haddad (Renaissance), Philippe Pradal (Horizons) et Philippe Latombe (MoDem) ont développé des raisonnements similaires.

Ces critiques avait anticipées Danielle Simonnet, qui avait précisé en introduction de son propos que la commission d'enquête n'aurait visé "Emmanuel Macron que pour son implication en tant que ministre de l’Économie". L'élue a ajouté que la mention faite à la fonction de "président de la République" d'Emmanuel Macron n'avait été faite que "dans le respect du protocole". Pour dissiper toute "confusion" Danielle Simonnet a défendu des amendements visant à gommer dans le texte les références à la fonction actuelle du chef de l'Etat. Ceux-ci n'ont pas été adoptés.

Le député Renaissance Benjamin Haddad a, par ailleurs, estimé qu'Emmanuel Macron "était dans son rôle" de ministre de l'Economie "en discutant avec des entreprises souhaitant s'implanter en France, avec tous les acteurs d'un secteur en mutation profonde".

Dans l'hémicycle le 24 novembre

L'examen de la proposition de résolution a toutefois permis à plusieurs députés de mettre en cause l'ubérisation de la société. "L'introduction du système Uber a cassé une partie du modèle social français, tout le monde en a conscience aujourd'hui", a souligné Raphaël Schellenberger (Les Républicains). Danielle Simonnet a, pour sa part, critiqué les "conséquences sociales dramatiques non seulement au sein de la profession de taxis mais également ultérieurement au sein de la profession des chauffeurs VTC qui travaillaient pour elle". "L'ubérisation, c'est l'abandon de la plupart des droits sociaux" a, quant à elle, regretté Cécile Untermaier (Socialistes). 

Finalement rejetée, la proposition de création d'une commission d'enquête a été soutenue par les quatre groupes de la Nupes (La France insoumise, Socialistes, Ecologiste, Gauche démocrate et républicaine), ainsi que par le Rassemblement national et les députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires. Le débat sur la création de cette commission d'enquête aura lieu une nouvelle fois dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le jeudi 24 novembre, à l'occasion de la journée d'initiative parlementaire de La France insoumise.