Un rapport parlementaire dresse un "bilan mitigé" de la réforme de la police nationale

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Un policier devant deux véhicules de la police Wikimedia
Un policier devant deux véhicules de la police (© Wikimedia)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 15 octobre 2025 à 17:05

Un rapport parlementaire dévoilé ce mercredi 15 octobre appelle à des "ajustements" de la réforme de la police nationale, entrée en vigueur en janvier 2024. "Tout en apportant des évolutions positives, elle présente des difficultés opérationnelles importantes", estiment les députés Thomas Cazenave (Ensemble pour la République) et Ugo Bernalicis (La France insoumise)

C'est un premier bilan en demi-teinte pour la réforme de la police nationale de 2020, entrée en vigueur début 2024. Dans un rapport rendu public ce mercredi 15 octobre devant la commission des lois de l'Assemblée, les députés Thomas Cazenave (Ensemble pour la République) et Ugo Bernalicis (La France insoumise) identifient plusieurs limites à la réorganisation la plus ambitieuse de l'institution depuis 1966, jugée "inaboutie".

La réforme a regroupé tous les services d'un département - renseignement, sécurité publique, police judiciaire et police aux frontières - sous l'égide d'un seul directeur départemental de la police nationale, dépendant du préfet. Cette départementalisation avait, à l'époque de sa conception, généré un mouvement de contestation, particulièrement chez les effectifs de PJ.

Cette réorganisation a permis de mettre fin au "fonctionnement cloisonné" des anciennes directions centrales, en "donnant plus de marges de manœuvre au directeur départemental de la police pour adapter la réponse de sécurité aux enjeux locaux", constatent les deux députés. "Il est néanmoins difficile de dire si la réforme apporte une vraie efficacité supplémentaire dans l'action", a dit Thomas Cazenave lors de la présentation du rapport. Le député du parti présidentiel et son collègue insoumis, qui partagent globalement le même constat, sont en revanche divisés concernant une partie des actions à mettre en œuvre.

Principale critique des élus : le risque de "repli départemental" de certains services, au risque de passer à côté de certains phénomènes qui ne relèvent pas de ces frontières, notamment concernant la police judiciaire, en matière de lutte contre criminalité organisée. "La départementalisation n'est pas la maille pertinente", a assuré Ugo Bernalicis. La réforme a, en outre, introduit un niveau de responsabilité flottant entre les différents échelons. "Le niveau zonal se cherche parfois une raison d'être", a pointé Thomas Cazenave.

Il est impératif de maintenir la capacité de projection des services de police judiciaire au-delà de leur chef-lieu. Rapport sur le bilan de la réforme de la police nationale

De plus, la départementalisation ne s'est pas traduite par une véritable déconcentration des moyens logistiques ; a contrario, elle a pu s'accompagner d'une recentralisation des effectifs opérationnels au niveau zonal, indiquent les deux députés. Ils soulignent, en revanche, que la crainte d'une ingérence préfectorale dans la conduite des enquêtes, soulevée avant la mise en œuvre de la réforme, ne s'est pas matérialisée.

Une crise de la police judiciaire

Alors que la désaffection de la filière judiciaire est constatée unanimement par tous les observateurs de l'institution policière, Thomas Cazenave et Ugo Bernalicis notent que la réforme n'a pas eu d'effet d'amélioration. "Elle n'a pas répondu à la crise d'attractivité de la police judiciaire, même si elle ne l'a pas aggravé", a relevé le député Ensemble pour la République. De même, il n’a pas été constaté "une amélioration de la capacité" à traiter le stocks de procédures en souffrance.

Selon certains interlocuteurs, la mise en application de la réforme aurait même contribué à "aggraver" ces difficultés déjà anciennes, notamment en détournant les moyens de la police judiciaire pour le traitement de problématiques locales. 

Au-delà de cet état des lieux, les deux députés sont divisés sur le modèle de police judiciaire qu'ils souhaitent. Ugo Bernalicis propose ainsi de créer une direction générale de la police judiciaire au sein de la police nationale, "dans un souci de cohérence stratégique". "Recréer un grand silo de PJ cohérent", sur le modèle de la DGSI, a-t-il expliqué. Selon le député La France insoumise, cela permettrait de mieux coordonner les moyens humains et matériels, et in fine, d'optimiser la lutte contre la criminalité organisée.

De son côté, Thomas Cazenave est opposé au retour d'une organisation en silos, "alors même que notre constat est que le décloisonnement a du bon". "Cela risquerait de complexifier la chaîne hiérarchique, de diluer les responsabilités et d’affaiblir la cohérence stratégique de la police", considère-t-il, mettant en avant le risque de recloisonnement entre services. II prône pour sa part le renforcement de la coordination entre les filières et la mutualisation des moyens.

Les deux rapporteurs sont toutefois d'accord pour dire qu'il faudra nécessairement apporter une réponse spécifique à la crise de l’investigation. Et que cette première évaluation de la réforme, menée moins de deux ans après son entrée en vigueur, en appellera d'autres.