Violences intrafamiliales : le Parlement s'apprête à adopter définitivement un texte pour mieux protéger les enfants

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Isabelle Santiago (PS) à l'Assemblée, jeudi 9 février 2023
Isabelle Santiago (PS) à l'Assemblée, jeudi 9 février 2023
par Soizic BONVARLET, le Lundi 11 mars 2024 à 07:25, mis à jour le Lundi 11 mars 2024 à 07:37

Le Parlement s'apprête à adopter définitivement la proposition de loi "visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et co-victimes de violences intrafamiliales". Un phénomène qui concerne 400 000 enfants en France, dont 21,5% sont victimes directes de ces violences. Le texte, qui a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire le 15 février, fera l'objet d'un vote ce lundi 11 mars après-midi à l'Assemblée nationale. 

Renforcer la possibilité d'agir afin de soustraire un enfant victime de violences intrafamiliales à l'autorité parentale de l'agresseur, tel est l'objet de la proposition de loi à l'initiative d'Isabelle Santiago (Socialistes), dont le parcours législatif est en passe de s'achever.

Déposé en décembre 2022, le texte vise à rendre plus systématique la mesure de suspension, voire de retrait de l'autorité parentale, déjà prévue par les lois des 28 décembre 2019 et du 30 juillet 2020 pour agir en cas de violences au sein de la famille et à protéger ainsi les victimes de violences conjugales et intrafamiliales. 

Davantage recourir à la privation de l'autorité parentale

À ce jour, la suspension de plein droit de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement s'exerce à l'égard du parent poursuivi pour un crime commis envers l’autre parent, tandis que le retrait de l’autorité parentale du parent condamné est possible pour un délit ou un crime commis sur son enfant ou sur l’autre parent.

À l'origine du texte, il y a donc un double-constat dressé par Isabelle Santiago :

  • Dans le premier cas, un parent poursuivi pour des violences sexuelles à l'encontre de son enfant est en mesure de conserver son autorité parentale et son droit de visite le temps de la procédure.
  • Dans l'autre cas, un parent condamné pour agression sexuelle sur son enfant ne se voit pas retirer automatiquement l’autorité parentale, puisqu'il ne s'agit que d'une "possibilité" offerte à la main du magistrat.

Le texte étend donc la suspension automatique de l’autorité parentale dès le stade des poursuites aux crimes ou agressions sexuelles contre l’enfant. Il vise également à rendre plus systématique le retrait total de l’autorité parentale en cas de condamnation pour ces mêmes infractions. Le juge qui ne prononce pas le retrait total de l'autorité parentale devra spécialement motiver sa décision et ordonner le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de son exercice, sauf en cas là-aussi de décision contraire spécialement motivée.

À noter que le retrait total de l'autorité parentale signifie que le parent n'a même plus à être tenu informé des grandes étapes de la vie de son enfant.

Un texte fruit du compromis entre sénateurs et députés

Les sénateurs avaient exclu du champ du texte un cas de suspension de l'autorité parentale, lorsque des violences volontaires d'un parent s'exercent sur l'autre parent, et que l'enfant en a été témoin.

Les députés avaient pour leur part enrichi le texte initial en y introduisant un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale en cas de poursuite, de mise en examen ou de condamnation pour crime ou agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant par un parent s'il est le seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale. Il s'agit ainsi de permettre au particulier ou au service d'aide sociale à l'enfance (ASE) qui a recueilli l’enfant de prendre toutes les décisions qui le concernent, sans avoir à requérir l’autorisation du parent poursuivi ou condamné.

"Après deux lectures dans nos deux assemblées, quasiment toutes les dispositions du texte ont été votées conformes, ce qui illustre le caractère transpartisan de ce travail", s'est réjouie Isabelle Santiago lors de la réunion de la commission mixte paritaire (CMP), le 15 février dernier. La rapporteure du texte à l'Assemblée avait alors renoncé à la mesure qui restait en débat avec le Sénat, à savoir celle permettant la suspension de l'autorité parentale en cas de condamnation pour violences conjugales sur l’autre parent ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) supérieure à huit jours et lorsque l’enfant a assisté aux faits.

"Je remercie Isabelle Santiago d’avoir eu l’initiative d’étendre le mécanisme de suspension provisoire avant tout jugement aux cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur l’enfant", a pour sa part déclaré lors de la réunion de la CMP Marie Mercier (Les Républicains), rapporteure pour le Sénat, évoquant "un véritable manque (...) qu'il convenait de combler".

Le vote définitif sur la version du texte qui a fait l'objet d'un accord entre les deux Chambres aura lieu à l'Assemblée nationale ce lundi 11 mars, puis au Sénat mardi 12 mars.