Accès aux soins : le rapport de la commission d'enquête ambitionne de répondre à "une succession de défaillances"

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par Raphaël Marchal, le Mercredi 9 juillet 2025 à 18:27

Le rapport de la commission d'enquête sur l’organisation du système de santé et les difficultés d’accès aux soins a  été dévoilé, ce mercredi 9 juillet, lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale. Il dresse notamment un constat "alarmant" sur l'état du système de santé, pointant des "inégalités sociales, territoriales, statutaires et financières insupportables", et propose notamment de restructurer les agences régionales de santé.

"Résoudre la crise" de notre système de santé, ou du moins, contribuer à répondre aux difficultés rencontrés par les Français pour se soigner. C'est l'ambition affichée par la commission d'enquête relative "à l’organisation du système de santé et aux difficultés d’accès aux soins", dont les conclusions ont été rendues publiques, ce mercredi 9 juillet, à l'Assemblée nationale. L'instance avait débuté ses travaux en mars dernier, le groupe Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires ayant utilisé son droit de tirage pour demander sa mise en place. Avec Jean-François Rousset (Ensemble pour la République) comme président et Christophe Naegelen (LIOT) comme rapporteur. 

A l'hôpital, la situation n'est plus satisfaisante. Christophe Naegelen, rapporteur LIOT de la commission d'enquête

Sans surprise, les travaux de la commission ont mis en lumière des difficultés déjà connues. "Une grande partie de notre population vit dans un désert médical (...) et a du mal à accéder à l'hôpital public", a souligné Christophe Naegelen, lors de la conférence de presse de présentation du rapport. Environ 11 % de la population vit ainsi dans un territoire "marqué par un stade avancé de désertification médicale".

Et les responsabilités ne sont pas récentes, mais remontent à des décisions prises il y a une quarantaine d'années. "En 1973, on diplômait environ 7 500 médecins. De 1983 à 2003, on a diplômé moins de 4 000 médecins par an, avec un pic bas à 3 500 en 1993", a exposé le rapporteur, regrettant un "manque d'anticipation" des pouvoirs publics sur le "changement de mentalité" des jeunes médecins en matière de temps de travail, ainsi qu'en matière d'augmentation et de vieillissement de la population.

La fin du numerus clausus en 2020 va certes permettre de corriger la situation mais, la formation des médecins durant en moyenne dix ans, cela prendra du temps. "Le rattrapage va se faire petit à petit", a indiqué Christophe Naegelen, tablant sur la formation de 33 000 médecins dans les trois prochaines années, en prenant en compte ceux qui étudient à l'étranger.

Ce n'est toutefois pas la seule "défaillance" identifiée par la commission d'enquête, loin de là. Concurrence déloyale entre hôpital privé et hôpital public, "brouillard" organisationnel, formation, modèle de financement... Autant d'aspects sur lesquels les élus de la commission se sont penchés au cours de leurs travaux, recommandant le dépôt d'une "loi de programmation des besoins d'investissement en santé" sur 5 ans.

Les Agences régionales de santé "déconnectées"

L'organisation du système de santé a tout particulièrement été passée au crible. "Ni parfaitement régalienne, ni proprement décentralisée, notre politique publique de santé se fige dans une forme insidieuse de déresponsabilisation", juge le rapporteur. Dans son viseur, en particulier : les Agences régionales de santé (ARS), "déconnectées complètement des préoccupations de nos concitoyens et des professionnels de santé".

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Pour le député des Vosges, les ARS sont notamment pénalisées par leurs trop nombreuses compétences. "Il faudrait qu'elles se concentrent sur l'offre de soins, et qu'on puisse redistribuer [les] autres compétences aux collectivités ou à d'autres administrations", a-t-il soutenu, proposant en parallèle la création d'un "sous-préfet délégué à l'accès aux soins" à la place des directeurs départementaux. Récemment, un rapport sénatorial avait recommandé la suppression des ARS.

Evolution de la formation, permanence des soins... 

Autre axe conséquent sur lequel s'est penchée la commission : la formation des médecins. Le rapport liste plusieurs pistes, plus ou moins originales : augmenter le recours aux "passerelles", raccourcir la durée de formation en rabotant la quatrième année de médecine générale et en condensant en deux ans les trois premières... Les élus évoquant un "excès d'examens et de cours théoriques".

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Plus novatrice, la proposition d'une alternance réservée aux futurs médecins généraux qui se dirigent vers la médecine de ville. La formation de ces derniers se ferait donc dans un cabinet, avec un médecin. "En médecine de ville, il y a aussi ce transfert de patientèle, la connaissance du terrain", a expliqué Christophe Naegelen (LIOT).

Par ailleurs, la commission d'enquête a mis en évidence les inégalités qui existent entre le secteur public et le secteur privé, avec la persistance d'une "concurrence déloyale", certains établissements privés privilégiant "le choix de la rente au détriment du soin".

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Un phénomène qui s'illustre dans la permanence des soins. "La lumière, dans le privé, elle est allumée en journée, et souvent éteinte la nuit et le week-end", a pointé le rapporteur. Pour tenter de remédier à ce phénomène, il propose d'instaurer un malus sur les dotations forfaitaires des hôpitaux privés et des cliniques qui rechigneraient à participer à la permanence des soins. "Il est anormal de se dire que les hôpitaux privés, pour majeure partie, bénéficient des opérations financières les plus rentables."

Le président de la commission d'enquête, Jean-François Rousset (Ensemble pour la République), a salué la qualité du rapport, sans en partager la totalité des conclusions. "Il y a des avancées qui permettent de modérer le ressenti négatif des gens", a assuré le député de l'Aveyron, chirurgien à la retraite de profession, citant le "transfert de compétences" et "l'exercice coordonné" dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).