Aide à mourir : une adoption définitive du texte à l'été 2026 ?

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Olivier Falorni dans l'hémicycle, le 19 mai 2025
Olivier Falorni dans l'hémicycle, le 19 mai 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Lundi 21 juillet 2025 à 16:04, mis à jour le Lundi 21 juillet 2025 à 16:34

Après leur adoption en première lecture le 27 mai dernier, les deux textes sur les soins palliatifs et instaurant une aide à mourir doivent passer au crible du Sénat. Un examen prévu à l'automne, qui devrait s'avérer plutôt consensuel sur la montée en puissance des soins palliatifs, et plus conflictuel sur l'ouverture d'un droit à l'aide à mourir. Ses partisans espèrent malgré tout une application effective avant la fin du quinquennat.

Il est des votes qui revêtent un caractère particulièrement historique. Ce fut le cas le 27 mai dernier, quand les députés ont approuvé le principe de l'instauration d'une aide à mourir, à l'issue d'un long combat parlementaire mené aux avants-postes par Olivier Falorni (Les Démocrates). Si elle s'avère majeure, cette étape n'est cependant pas l'épilogue de cette réforme sociétale d'envergure qui doit désormais passer entre les mains du Sénat.

Au Sénat, une majorité hostile au droit à l'aide à mourir

Or si la chambre haute a inscrit à son ordre du jour les deux textes votés à l'Assemblée - sur l'aide à mourir et les soins palliatifs -, à compter du 7 octobre, la majorité de droite pourrait y apporter des modifications majeures, voire tenter d'entraver l'instauration d'un nouveau droit. La conférence des présidents du Sénat, qui fixe l'agenda, a pour l'heure réservé deux semaines d'examen aux deux propositions de loi qui feront l'objet, comme ce fut le cas à l'Assemblée, d'une discussion générale commune et de deux votes solennels prévus le 21 octobre à 14h30.

Contacté par LCP, Olivier Falorni se réjouit que le Sénat ait inscrit "dans des délais tout à fait raisonnables", les deux propositions de loi à son ordre du jour. S'agissant du texte de société "probablement le plus important de ces dix dernières années", ayant fait l'objet d'un large assentiment à l'Assemblée, son rapporteur général souligne que "personne n’aurait compris que le Sénat le mette dans un tiroir et l’enferme à double tour".

"Le Sénat a inscrit ce texte dans un calendrier tout à fait respectueux de l'objectif que nous poursuivons d'avoir une adoption du texte avant la fin du quinquennat", avait également fait valoir la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), le 3 juillet dernier. Et d'ajouter : "Moi, le calendrier que j'ai à l'esprit nous permettrait d'adopter ce texte à l'été 2026".

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Olivier Falorni, tablant lui aussi sur une adoption définitive du texte par le Parlement "avant la fin de l’été 2026", n'hésite pas à citer l'exemple de la loi relative à l'IVG, arguant qu'"en 1974, la loi Veil a été votée en trois mois. Et nous, nous ne serions pas capables de voter en deux ans un texte instaurant un droit à l'aide à mourir ?"

La possibilité d'un compromis parlementaire ?

L'optimisme des partisans du droit à l'aide à mourir pourrait se fonder sur la perspective d'un compromis entre les deux chambres. Si une majorité de sénateurs s'avère d'emblée plutôt hostile au texte, contrairement à l'équilibre des forces qui avait cours à l'Assemblée, certains pourraient se laisser convaincre par le caractère strictement encadré du droit à l'aide à mourir voté par les députés, auquel ils pourraient eux-mêmes ajouter de nouvelles restrictions. A ce jour, l'ouverture d'un droit à l'aide à mourir concernerait, selon les termes votés par l'Assemblée :

  • Les personnes âgées d’au moins dix‑huit ans ;
  • Aptes à manifester leur volonté de façon libre et éclairée ;
  • De nationalité française ou résidant de façon stable et régulière en France ;
  • Atteintes d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, qui engage le pronostic vital, en phase avancée, caractérisée par l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie, ou terminale ;
  • Présentant une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle‑ci a choisi de ne pas recevoir ou d’arrêter de recevoir un traitement, une souffrance psychologique seule ne pouvant en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir.

Olivier Falorni fait ainsi valoir que le texte tel que sorti de l'Assemblée s'avère "déjà le fruit d'un compromis". Et tout en se disant "ouvert à la discussion", il indique que, dans le cadre d'une commission mixte paritaire qui réunirait députés et sénateurs, il s'opposerait à une version du texte qui rendrait le droit à l'aide à mourir "purement formel mais totalement inaccessible". En d'autres termes, Olivier Falorni n'entend pas cautionner une dénaturation du texte dont les conditions seraient tellement restrictives qu'il ne s’adresserait plus à personne. "Restreindre davantage c’est rendre le droit [à l'aide à mourir] inopérant", estime-t-il aussi.

Un compromis [avec le Sénat] ne pourra pas se faire en sacrifiant l'effectivité du droit à l'aide à mourir. Olivier Falorni auprès de LCP, le 21 juillet 2025

Le député de Charente-Maritime veut ainsi croire à une voie de passage au Sénat pour une version du texte qui préserverait l'esprit de celle votée à l'Assemblée. "Il y a 130 sénateurs Les Républicains, à eux seuls ils ne sont pas majoritaires", fait-il aussi valoir, rappelant par ailleurs qu'au sein même de leur groupe le vote ne sera pas univoque. Ayant également rencontré il y a quelques jours les députés du groupe Union centriste, qui compte une soixantaine de membres, il indique qu'"un certain nombre" d'entre eux s’avèrent "tout à fait ouverts, voire favorables" au texte.

Des débats au Sénat aussi "constructifs" qu'à l'Assemblée ?

Olivier Falorni formule cependant "un bémol" à son état d'esprit confiant au regard du choix des deux rapporteurs, Alain Milon et Christine Bonfanti-Dossat, "issus du même groupe, à savoir Les Républicains, et qui ne se cachent pas d'être des opposants farouches et sans nuance". "Je ne veux pas m’ingérer dans la commission des affaires sociales du Sénat, mais j’ai trouvé ça étrange", fait savoir le député, qui se dit par ailleurs "étonné" que son audition par ladite commission, le 9 septembre prochain, soit prévue à huis clos.

Le scénario de l'obstruction parlementaire n'est en revanche pas crédible aux yeux d'Olivier Falorni. "Je pense que les sénateurs voudront être à la hauteur des députés quant à la qualité des débats", prédit-il aussi au regard de "l'esprit constructif et transpartisan" qui avait régné à l'Assemblée. "Un tel texte est très emblématique de ce que le Parlement peut faire de mieux, dans le débat comme dans son aboutissement", conclut le député, misant sur le poids de la responsabilité dont le Sénat devrait se sentir investi.

Une application effective envisagée en 2027

Deux lectures devraient être nécessaires dans chaque chambre avant de voir aboutir la loi. Olivier Falorni évoque pour l'heure la possibilité d'une deuxième lecture à l'Assemblée "en janvier prochain". En cas de désaccord entre les deux chambres, le ministère chargé des Relations avec le Parlement convoquera une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs chargés de s'entendre sur un texte de compromis. En cas d'échec et comme le prévoit la constitution de la Ve République, c'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot.

Une fois promulguée, la loi nécessitera des décrets d’application qui devront être publiés "dans un délai de six mois", selon une circulaire publiée en 2022. En tout état de cause, l'instauration d'un nouveau droit effectif ne devrait donc pas intervenir avant 2027.