Aurélien Pradié (LR) et Guillaume Vuilletet (LaREM) ont présenté, mercredi 14 octobre, un rapport sur la mise en application de la loi visant à agir contre les violences au sein de la famille. Si l’application du texte a permis de réels progrès, notamment sur la délivrance des ordonnances de protection, le déploiement des bracelets anti-rapprochement n’en est qu’à ses débuts.
Presque un an jour pour jour après l’adoption en première lecture de la proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille, le député Les Républicains Aurélien Pradié et son collègue de La République en marche Guillaume Vuilletet ont présenté un premier bilan de l’application de cette loi entrée en vigueur le 1er janvier 2020.
Cette “loi d’urgence” comme l’ont qualifié Guillaume Vuilletet (LaREM) et Marie-George Buffet (GDR) - 146 femmes ont été tuées en 2019 sous les coups de leurs conjoints ou ex-conjoints, ndlr - traite notamment de l’ordonnance de protection, une décision du juge aux affaires familiales qui permet de prendre des mesures visant à protéger une femme en danger.
"Nous avions constaté à quel point les différentes dispositions de l’ordonnance étaient peu utilisées par les magistrats” a souligné Aurélien Pradié (LR), citant par exemple le faible nombre d’inscriptions de noms au fichier d’interdiction des ports d’armes. “Dans plus de 90% des ordonnances de protection, jusqu’ici, le magistrat restait silencieux sur la question du port d’armes.”
Depuis la promulgation du texte visant à protéger les victimes de violences conjugales, initialement porté par Aurélien Pradié et sur lequel Guillaume Vuilletet a travaillé pour aboutir à un consensus au sein de l’Assemblée, les choses ont changé. Ainsi, depuis janvier, 474 inscriptions au fichier d’interdiction du port d’armes ont été faites. Même conséquence sur la question de l’exercice de l’autorité parentale, qu’une ordonnance de protection peut suspendre. “Nous sommes passés de neuf décisions par mois à 31. Désormais, les magistrats conviennent qu’ils traitent de l’ensemble des dispositions que l'ordonnance de protection permet”, s’est réjoui Aurélien Pradié.
Il n’était pas acquis que la loi soit opérationnelle, mais les parlementaires ont tenu bon collectivement Aurélien Pradié
Toutefois, les élus reconnaissent que tout n’est pas parfait. La loi votée par les députés indiquait qu’une ordonnance de protection ne pouvait être délivrée dans un délai supérieur à six jours. “Le chemin a été laborieux dans le débat parlementaire. Il l’a été tout autant dans l’application de la loi”, a déploré Aurélien Pradié.
Et pour cause. Un décret, publié en mai 2020 a “contredit complètement ce que la loi avait voulu”. Le texte a fait l’objet d’une levée de boucliers et le ministère a fini par le retirer, a raconté l’élu du Lot. Ce n’est qu’en juin qu’un nouveau décret a été publié. “Désormais, le délai de six jours est tenable.”
Parfois, il peut être dépassé. “Mais c’est dans tous les cas beaucoup moins que les 40 jours de départ, donc c’est positif” a précisé Guillaume Vuilletet. Les élus annoncent toutefois qu’ils resteront vigilants. “Il ne faut pas qu’on ait un système de renvoi d’audience qui a pour conséquence que des affaires soient traitées sur un mois ou un mois et demi”, comme cela était le cas auparavant, a indiqué Jean Terlier (LaREM).
Si une satisfaction a donc été trouvée sur l’application des premiers articles de la loi, la généralisation des bracelets anti-rapprochement (articles 3, 4 et 5) est encore loin d’avoir été effectuée. Dix mois après la promulgation du texte, le dispositif est en expérimentation dans seulement cinq juridictions. “Il faut qu’on mette tous nos efforts pour exiger du gouvernement que la mise en place de ce bracelet se fasse beaucoup plus rapidement”, plaide Marie-George Buffet, rappelant la bataille menée par les élus sur le décret en mai.
“Chaque semaine de perdue est une faute. Il faudra être très attentif à ce que toutes les juridictions du pays soient concernées”, abonde Aurélien Pradié, qui espère que ces expérimentations “ne débouchent pas sur un enterrement en première classe” des bracelets anti-rapprochement.
Plus optimiste, Guillaume Vuilletet reconnaît que le dispositif se met en place de manière tardive. “Mais dans les délais annoncés par la Chancellerie lors du vote ! C’est bien en 2020 que tout a été fait.” Un décret paru au Journal officiel le 24 septembre précise les modalités de mise en œuvre du dispositif. Après un déploiement dans cinq juridictions depuis le 25 septembre, il doit être généralisé à l’ensemble du territoire à la fin de l’année.
En revanche, les députés ont jugé que l’action publique n’était pas suffisante concernant le relogement des victimes. “Les expérimentations qui devaient être mises en place dans les six mois suivant la promulgation de la loi n’ont pas été mises en œuvre. Le décret fixant le comité de pilotage est toujours en attente”, a déploré Aurélien Pradié, qui rappelant que dans “l’écrasante majorité des féminicides”, les femmes ne quittent pas leur domicile parce qu'elles ne peuvent pas se loger ailleurs.
“On peut constater que le principal acteur choisi pour mettre en œuvre le dispositif l’a mis en œuvre”, a cependant souligné Guillaume Vuilletet. Malgré l’absence du décret, “il y a une convention qui a été signée avec les associations et Action logement pour que des logements puissent être attribués. La société civile a été plus vite que l’administration en la matière, c’est à la fois heureux et regrettable.”
Une initiative d’Action logement dont s’est félicitée la députée communiste Marie-George Buffet, rappelant que “le 115 n’est pas une solution pour les femmes victimes de violences” et plaidant pour “obtenir que l’ensemble des bailleurs sociaux réservent des logements pour ces femmes."
L’analyse de la mise en application de la loi souligne aussi que la remise d’un rapport du gouvernement au Parlement sur les perspectives de développement d’une application publique et généraliste à destination des femmes victimes des violences conjugales n’a toujours pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être en mars 2020.
Concernant la perte des pensions de réversion pour les conjoints ou ex-conjoints auteurs de violences conjugales, la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) est prête à mettre en œuvre le dispositif. “Sauf que la Carsat n’a pas accès au fichier de la Chancellerie. Il faut donc que la Chancellerie mette en place les outils incontournables”, a expliqué Aurélien Pradié.