Les dirigeants socialistes Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner ont publié, ce jeudi 5 décembre, une lettre adressée à Emmanuel Macron. Dans ce courrier, ils demandent au président de la République de recevoir les représentants des partis "ayant participé au front républicain", afin de discuter des modalités d'un "accord de non-censure". Le chef de file des députés du parti présidentiel, Gabriel Attal, réfléchit, quant à lui, à la façon d'élargir le socle gouvernemental pour que le prochain locataire de Matignon échappe à la menace d'une censure de La France insoumise et du Rassemblement national.
Sa concrétisation semble encore largement incertaine, mais l'idée fait l'objet d'une réflexion de la part de responsables du bloc de gauche et du bloc central. Alors que le gouvernement de Michel Barnier, placé dès l'origine sous la menace du Rassemblement national, est tombé mercredi 4 décembre, l'hypothèse d'un "accord de non-censure", destiné à éviter la répétition de ce scénario et à stabiliser la situation politique, au moins pour quelques mois, refait surface.
Dès le 24 novembre, le président du groupe Socialistes de l'Assemblée nationale, Boris Vallaud, avait proposé à l'antenne de France info un chemin de "sortie de crise", dans l'hypothèse où le gouvernement de Michel Barnier serait censuré. Il s'agissait de s'adresser à tous les présidents de groupe de l'Assemblée nationale et du Sénat "de l'arc républicain", et "de poser la question des conditions d'une non-censure". Un appel qui s'adressait à toutes les formations politiques, sauf au Rassemblement national. Objectif de cette entente minimale : tenter de bâtir "des compromis texte par texte", et "discuter des priorités de politique budgétaire".
Un message réitéré mercredi dans l'hémicycle du Palais-Bourbon par le chef de file des députés PS qui a estimé que la "motion de censure n’[était] pas une fin en soi". Et repris dans une lettre adressée au président de la République. Dans ce courrier, Boris Vallaud ainsi que son homologue du Sénat, Patrick Kanner, et le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, affirment leur volonté de "voir appelé aux responsabilités un Premier ministre de gauche, ouvert au compromis, qui renonce à tout passage en force via l’article 49-3, en contrepartie de quoi serait signé un accord de non-censure". Pour ce faire, ils demandent à Emmanuel Macron de recevoir les dirigeants des partis et les présidents des groupes parlementaires qui ont participé au "front républicain" lors des des élections législatives de l'été dernier.
Au nom du Parti socialiste, nous vous demandons solennellement de recevoir ce jour les chefs de partis et les présidents des groupes parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat ayant participé au Front Républicain, afin de confronter nos points de vue sur les issues possibles d’une sortie de crise. Olivier Faure, Boris Vallaud et Patrick Kanner dans une lettre adressée au président de la République
À gauche toujours, chez Europe Ecologie-Les Verts, l’idée est notamment reprise par Yannick Jadot. "Nous devons ouvrir la possibilité d’un pacte républicain transitoire entre les deux blocs", estime le sénateur dans les colonnes du Figaro, qui prône un accord qui irait du bloc de gauche au bloc central, "autour d’un socle restreint de mesures indispensables pour les Français", "Je parle bien d’un pacte transitoire, qui se déclinera d’abord au Parlement. Pas d’une coalition de gouvernement", précise l'ex-candidat à l'élection présidentielle de 2022.
Mardi, lors d'une rencontre avec des journalistes relatée par Le Parisien, Gabriel Attal a lui-même fait état d'une réflexion sur le sujet. "Il faut un accord de non-censure des LR au PS. C’est la seule équation politique où le RN n’est pas en capacité d’être arbitre et de dicter la politique du gouvernement", a expliqué le président du groupe Ensemble pour la République de l'Assemblée, qui sera intronisé ce week-end à la tête de Renaissance.
Resterait cependant à définir le contenu de cet accord et à se mettre d'accord sur le profil du futur locataire de Matignon... Et pour l'ex-Premier ministre, outre le RN, cette discussion se ferait aussi à l'exclusion de LFI. Lors du débat de censure, mercredi, Gabriel Attal a d'ailleurs exhorté "la gauche républicaine, la gauche de gouvernement" à "se ressaisir" et à "s'affranchir" de La France insoumise, afin de se "mettre enfin autour de la table pour agir vraiment pour les Français".
Sur le fond, selon le chef de file des députés du parti présidentiel, cet accord se concentrerait sur "trois-quatre points programmatiques pas irritants pour tenir jusqu’à l’été. Il n’y aurait pas beaucoup de réformes. Une sorte de super gestion des affaires courantes". Et d'ajouter que "s’il y a coalition, le PS n’aura pas l’abrogation de la réforme des retraites et les LR n’auront pas leur loi immigration". Dans son esprit, le groupe Ensemble pour la République incarnerait "un pôle de stabilité", sorte de pivot de chaque négociation.
Alors que Michel Barnier était issu de leurs rangs, Les Républicains semblent à ce stade en position d'attente. Sur France 2 ce jeudi matin, Laurent Wauquiez a souhaité se montrer constructif. "On ne sera pas dans le blocage, on ne sera pas dans la stratégie du pire (...) on ne fera pas tomber le gouvernement, on ne fera pas ce qu’a fait Marine Le Pen", a affirmé le président du groupe Droite républicaine de l'Assemblée nationale.
En revanche, du côté de La France insoumise, Mathilde Panot a prévenu que l'accord évoqué par les socialistes serait une "rupture avec le Nouveau Front populaire". Sur LCI, la cheffe de file des députés insoumis a prévenu que son groupe censurerait tout Premier ministre qui ne serait pas issu des rangs du NFP, avant d'appeler à "une présidentielle anticipée" comme "seule solution" pour sortir de l'ornière. Et sur BFM, le président de la commission des finances, Eric Coquerel (LFI) a appelé les dirigeants du PS à "revenir à la raison".