Assemblée nationale : récit d'une semaine de grandes manœuvres pour la constitution des groupes politiques

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Assemblée nationale Cour d'honneur
par Maxence Kagni, le Vendredi 12 juillet 2024 à 14:20, mis à jour le Jeudi 18 juillet 2024 à 11:29

Trois blocs et combien de groupes politiques ? Avec quels rapports de force au sein des blocs ? Alors que La France insoumise et le Parti socialiste se disputent le leadership du Nouveau Front populaire, le groupe Renaissance tiraillé entre différentes tendances a évité la dislocation et La Droite républicaine (issue des Républicains) tente de se reconstruire. Les groupes politiques de l'Assemblée nationale ont jusqu'à jeudi 18 juillet, à 18h, pour se constituer. 

L'Assemblée nationale va-t-elle connaître un nombre record de création de groupes politiques au Palais-Bourbon ? A l'issue des élections législatives, l'Assemblée nationale est certes composée de trois grands blocs - Nouveau Front populaire, Ensemble, Rassemblement national -, auxquels il faut ajouter Les Républicains, mais ces blocs sont eux-mêmes formés par plusieurs groupes politiques, ce qui rend la situation encore un peu plus complexe. 

Or sans majorité claire, la configuration du prochain gouvernement dépendra largement de la capacité des forces en présence à l'Assemblée à constituer une coalition, ou au moins une entente, assurant au futur Premier ministre et à son équipe de ne pas être renversés à peine après avoir été nommés. Entre certains blocs et au sein même de certains d'entre eux, discussions, tractations et négociations, vont donc bon train depuis le début de la semaine.

En tout, treize groupes pourraient se constituer : ceux-ci ont jusqu'au jeudi 18 juillet à 18 heures pour s'inscrire auprès du secrétariat général de la présidence de l'Assemblée nationale. Il s'agirait d'un record. A ce jour, le Palais-Bourbon a compté jusqu'à dix groupes, comme sous la législature précédente. Sachant qu'un groupe doit être composé d'au moins 15 députés.  

Nouveau Front Populaire : des équilibres incertains

L'alliance de gauche, arrivée en tête en nombre de sièges au soir du 7 juillet, devrait compter environ 190 députés dans ses rangs. La France insoumise et le groupe socialiste constitueront les deux principales forces du Nouveau Front Populaire. Avec un objectif pour LFI et le PS : être le groupe le plus important numériquement de façon à revendiquer que le nom qui sera proposé par le NFP  à Emmanuel Macron pour la fonction de Premier soit issu de ses rangs.

La France insoumise part avec une longueur d'avance : 72 députés, au moins, devraient garnir ses rangs. Le groupe présidé par Mathilde Panot a cependant perdu plusieurs figures médiatiques comme François Ruffin, Clémentine Autain, Danielle Simonnet ou encore Alexis Corbière. Et les "purgés" de LFI sont très sollicités. Dans une interview publiée par Libération le 9 juillet, Alexis Corbière a cependant plaidé pour la création d'un groupe unique de gauche à l'Assemblée nationale. 

Une hypothèse à laquelle ne croit pas Clémentine Autain. L'élue de Seine-Saint-Denis propose dans un entretien avec Mediapart d'"entamer un processus de création d’une nouvelle force politique". Celle-ci, baptisée "L'Après", a été lancée lors d'une conférence de presse ce vendredi 12 juillet. L'élue de Seine-Saint-Denis met également en garde son ancienne famille politique : "Il ne faudrait pas que LFI, qui a clamé que c’était le groupe arrivé en tête qui déciderait, se fasse prendre à son propre piège", évoquant ainsi que la course engagée par le PS qui tente de rallier quelques députés qui lui permettraient de devenir la première force du Nouveau Front Populaire au soir du 18 juillet.

Mais "L'Après" ne dit pas au sein de quel groupe les exclus de La France insoumise siégeront au Palais-Bourbon. Pourraient-ils rejoindre le groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), composés des élus communistes et de certains élus ultramarins ? Son président sortant, André Chassaigne a entrouvert la porte lundi, au micro de LCP, en fixant des conditions strictes : "Ca ne peut être qu'une décision collective, une décision qui soit prise à la fois par les députés communistes et par les députés d'Outre-mer." L'élu du Puy-de-Dôme précise même que la décision devra être "unanime" au sein de son groupe.

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Mais selon Politico, les "trois députés réunionnais du groupe GDR" (Karine Lebon, Frédéric Maillot et Emeline K/Bidi) ne seraient pas favorables à l'intégration des anciens insoumis. D'autres sources évoquant une possible arrivée des ex-LFI au sein du groupe Ecologiste. Interrogée vendredi sur leur point de chute à l'Assemblée, Clémentine Autain a indiqué que la réflexion était toujours en cours. 

De son côté, le groupe Socialistes compte à ce stade 65 députés. Mais ce nombre est susceptible d'être revu à la baisse... Laurent Panifous a annoncé sur LCP qu'il ne siégerait pas parmi les socialistes si le groupe n'actait pas "une rupture claire avec La France insoumise". Une hypothèse hautement improbable puisque le premier secrétaire du PS Olivier Faure a expliqué mercredi sur France 2 qu'il avait fait "le choix du rassemblement de la gauche" et qu'il "n'en bougerait pas". Cette décision pourrait pousser Laurent Panifous à retourner siéger au sein du groupe centriste Liot, au même titre que Martine Froger ou David Taupiac. Dans ces conditions, David Habib qui siégeait avec les non inscrits lors de la précédente législature, ne devrait pas non plus rejoindre le groupe Socialistes : "Je ne serai jamais dans une combinaison avec LFI", a déclaré l'élu des Pyrénées-Atlantiques. Ce qui n'empêche pas le groupe de continuer à essayer de s'élargir. 

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Renaissance : le risque de l'éclatement conjuré

Lors de la précédente législature, la majorité relative sortante comptait trois composantes : le groupe Renaissance, issu du parti présidentiel d'Emmanuel Macron, le groupe Démocrate, émanation du MoDem de François Bayrou, et le groupe Horizons, constitué des soutiens d’Edouard Philippe. 

Une quatrième groupe issu de la coalition présidentielle pourrait être créé dans les prochains jours. C'est en tout cas ce que souhaite l'ancien président de la commission des lois Sacha Houlié. Le député de la Vienne a annoncé mercredi à l'AFP qu'il ne souhaitait pas siéger au sein du groupe Renaissance. "De toute évidence, nous essayons de créer un groupe qui aille de la droite sociale à la gauche socialiste pour que la France soit gouvernable", a expliqué Sacha Houlié.

Une initiative qui fait écho à celle de Stella Dupont, qui était apparentée à Renaissance lors de la précédente législature : interrogée mercredi par LCP, l'élue du Maine-et-Loire s'est dite favorable à la création d'un nouveau groupe de "centre gauche". "Pour moi, il manque un chaînon entre le Nouveau Front Populaire et le camp présidentiel", a déclaré Stella Dupont, qui voit dans cet éventuel groupe "un outil de convergence et un espace de dialogue utile".

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Le principal groupe de la coalition présidentielle, tiraillé entre différentes tendances, a cependant réussi à éviter l'éclatement. Alors que les noms de Gérald Darmanin et d'Elisabeth Borne ont circulé pour une candidature la présidence des députés Renaissance, Gabriel Attal est finalement le seul à briguer la tête du groupe. Et sur la petite centaine de députés élus ou réélus, 95 se sont à ce stade affiliés à l'ex-groupe majoritaire selon une source interne.

Les Républicains : en reconstruction après l'alliance d'Eric Ciotti avec le Rassemblement national

Mercredi 10 juillet, 44 députés issus du parti Les Républicains se sont réunis pour un nouveau groupe politique, présidé par Laurent Wauquiez : La Droite Républicaine. Ce nouveau groupe, qui se veut "positif" et "indépendant", ne participera à aucune "coalition gouvernementale", a déjà prévenu l'élu de Haute-Loire, qui a en revanche avancé l'idée d'un "pacte législatif", tout en disant la nécessité de travailler à la "reconstruction" de la droite.

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Cinq députés de l'ancien groupe LR ne figuraient cependant pas sur la photo de famille : Aurélien Pradié, Virginie Duby-Muller, Stéphane Viry,  Jean-Luc Bourgeaux et Raphaël Schellenberger. "Je n'ai pas à ce stade rejoint le groupe de Laurent Wauquiez qui ne se projette pas dans l'exercice des responsabilités", a commenté sur BFMTV Raphaël Schellenberger, qui refuse "de laisser la gauche extrême imposer des idées qui seraient dramatiques pour le pays". Un autre groupe de droite pourra-t-il se constituer ? L'initiative d'Aurélien Pradié, qui a appelé à "sortir des vieux carcans" est scrutée avec attention.

Le président contesté du parti Les Républicains, Eric Ciotti, a pour sa part acté la création de son propre groupe, nommé "A droite !". L'élu des Alpes-Maritimes assurera la présidence de ce groupe de 17 députés, allié au groupe Rassemblement national. Les députés RN ont, quant à eux, reconduit Marine Le Pen à leur tête. Le groupe de la double finaliste à l'élection présidentielle sera, sauf réunion d'autres forces au sein d'un même groupe, le premier en nombre de députés avec 126 membres.

Au total - avec le groupe centriste Liot, qui semble bien parti pour se reconstituer - l'Assemblée nationale pourrait être composée de treize groupes politiques, ce qui constituerait un nouveau record, devant les dix groupes de la précédente législature.