L'ancien ministre et député est mort dimanche à 75 ans. Cet urologue de profession, engagé à droite, a siégé dans l'hémicycle pendant plus de vingt ans.
Politique ou médecine, "je n'ai jamais su choisir", confiait souvent celui qui "n'avait pas sa langue dans sa poche" et qui aimait bousculer les codes dans les deux domaines. Bernard Debré, ancien ministre de la Coopération sous Édouard Balladur et ex-député de droite est décédé dimanche à l'âge de 75 ans, a indiqué sa famille à l'AFP dimanche soir, des suites d'un cancer. Urologue renommé, il appartenait à l'une des illustres familles du gaullisme et de la Ve République.
Il était le fils de Michel Debré, qui fut rédacteur de la Constitution de 1958 puis le premier Premier ministre du général de Gaulle, et le frère jumeau de Jean-Louis Debré, également ancien ministre et ex-président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel.
Je dis, en blaguant, qu'on a été forcé d'être deux, Jean-Louis et moi, pour être au niveau de notre père ! Bernard Debré sur LCP, en novembre 2015
Entre les deux régnait un esprit de compétition, jusqu'à la "césure" avec son frère en 1986, lorsqu'ils convoitent lors des élections législatives la même circonscription en Indre-et-Loire, où Bernard s'impose finalement. Il siégera ensuite près de vingt ans au Palais-Bourbon jusqu'en 2017, après avoir décidé de ne pas se représenter.
Sa mort a suscité immédiatement une pluie d'hommages. Le président Emmanuel Macron a salué un "héritier du gaullisme", qui "n'hésitait jamais à sortir des cadres et à dire le vrai dès qu'il s'agissait de l'intérêt du pays". "Professeur et élu de la Nation, c'est avec la même énergie que Bernard Debré soignait les maux de ses patients et ceux de ses concitoyens. Cet humanisme qu'il puisait dans ses racines gaullistes ne le quittera jamais", a également souligné le Premier ministre Jean Castex (ex-LR). De nombreux dirigeants à droite ont également salué son franc-parler et son "esprit libre".
"Bernard Debré était une figure majeure de notre famille politique. Il aura servi inlassablement la France par son engagement politique comme ministre, député et maire mais aussi comme grand professeur de médecine reconnu et respecté", a souligné le patron de LR Christian Jacob. "C'était un homme droit qui n'avait pas la langue dans sa poche, un grand médecin, un gaulliste", avait auparavant twitté le député du Vaucluse Julien Aubert (LR), le député LR Eric Ciotti saluant un "homme libre, un homme politique passionné et entier, un grand médecin reconnu de tous à travers le monde" dont le "talent" et la "liberté manqueront à la France".
Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) a rendu hommage à un "homme chaleureux et passionné" qui inspirait "le respect de tous", le patron du parti socialiste Olivier Faure saluant aussi "un homme de bien", "courtois, fin, drôle, humain et amical".
Bernard Debré fut à partir de 1986 député d'Indre-et-Loire, département dont il a été conseiller général (RPR, devenu UMP puis LR) de 1992 à 1994. Il a été également ministre de la Coopération dans le gouvernement d'Edouard Balladur (1994-1995) et maire d'Amboise de 1992 à 2001 et député de Paris.
Il était aussi un grand nom de la médecine : professeur d'université, il fut chef du service d'urologie de l'hôpital Cochin, à Paris, où fut notamment soigné le président François Mitterrand. Ce chirurgien reconnu était l'auteur de nombreux ouvrages, notamment de réflexion sur l'éthique médicale: "La France malade de sa santé" (1983) ; "Le Voleur de la vie, la bataille du Sida" (1989) ; "Avertissement aux malades, aux médecins et aux élus" (2002) ; "Nous t'avons tant aimé. L'Euthanasie, l'impossible loi" (2004).
Dans ses textes, il n'hésitait pas à créer la polémique et bousculer la profession. En 2015, il avait reçu avec son coauteur Philippe Even un blâme de l'Ordre des médecins après la sortie de leur "Guide controversé des 4.000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux". Les deux hommes s'étaient ensuite attiré les foudres des psychiatres en 2018 pour un livre très critique sur les antidépresseurs, présentés comme le "marché du siècle" ("Dépressions, antidépresseurs, psychotropes et drogues"), et affirmant contre l'avis de nombreux spécialistes que 80% des dépressions sont "élevées de façon délibérée au rang de maladies".
Sur la scène politique, il goûtait aussi aux prises de position tranchées, y compris lors des guerres internes au sein de la droite. Ce soutien de François Fillon avait plaidé à plusieurs reprises pour que Nicolas Sarkozy ne soit pas candidat à la présidentielle de 2017. L'UMP n'avait "pas à se courber devant Nicolas Sarkozy" et la primaire est indispensable, estimait-il en 2014. Chevalier de la Légion d'honneur, il était marié et père de quatre enfants.
Avec AFP