Budget 2025 : Entre hausses d'impôts et baisses de dépenses, quelle sera la répartition de l'effort ?

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par Soizic BONVARLETRaphaël Marchal, le Vendredi 11 octobre 2024 à 18:57, mis à jour le Vendredi 11 octobre 2024 à 19:20

Le gouvernement a fixé à 60 milliards d'euros l'effort de redressement des comptes publics dans le cadre du projet de loi de finances 2025, affirmant que deux tiers de cet effort proviendront d'économies faites sur les dépenses et un tiers d'une hausse ciblée d'impôts. Mais la réalité de cette répartition pour réduire le déficit public fait débat. Explications. 

"Un effort qui portera très majoritairement sur la baisse des dépenses plus que sur les prélèvements obligatoires". C'est ainsi que le ministre de l'Economie et des Finances, Antoine Armand, a défini lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale, ce vendredi 11 octobre, la stratégie de redressement des comptes de l'Etat que le gouvernement veut mettre en œuvre dans le cadre du projet de budget pour 2025.

"Même si l'outil fiscal est nécessaire à court terme (...) Nous conservons notre doctrine en maintenant une politique de l'offre et un soutien ferme et pérenne à l'activité", a-t-il aussi assuré, avant de s'engager "personnellement" à instruire et, le cas échéant, à retenir chaque proposition documentée qui dans la discussion parlementaire, permettra de "remplacer un euro de fiscalité par un euro d’économies".

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La veille, lors de la conférence de presse de présentation du projet de loi de finances (PLF), le ministre chargé du Budget et des Comptes publics, Laurent Saint-Martin, avait évoqué "deux euros d'économies pour chaque euro de recettes", et ce pour un total de 40 milliards d'euros de baisse de la dépense publique et 20 milliards d'euros de prélèvements, principalement à la charge des contribuables les plus fortunés et des grandes entreprises qui réalisent des bénéfices importants.

Un partage deux tiers-un tiers, l'inverse ou... 50-50 ?

Un ratio de deux tiers-un tiers affiché par l'exécutif et contredit par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Auditionné à l'Assemblée, jeudi 10 octobre, au moment même où le PLF était présenté en Conseil des ministres, le président du Haut Conseil, Pierre Moscovici, a estimé la part de la fiscalité à 70 %, contre 30 % pour la baisse des dépenses. Une inversion qui peut, en partie, s'expliquer par des méthodes de calcul différentes : le HCFP retient une méthode structurelle, tandis que le gouvernement a érigé son analyse par rapport à l'évolution tendancielle des dépenses, soit comme si aucune mesure de freinage n'était mise en œuvre. En retenant ce deuxième mode de calcul, "on arrive plutôt à 50-50", a finalement indiqué Pierre Moscovici, évoquant donc "30 milliards de prélèvements" sur les 60 milliards d'effort prévu. 

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Consulté par LCP, l'ancien haut fonctionnaire passé par le ministère des Finances et par la Cour des comptes, François Ecalle, considère que le choix du gouvernement de raisonner en termes de croissance tendancielle, est en théorie la meilleure méthode. "On considère que l'on réalise des économies sur les dépenses à partir du moment où la croissance des dépenses est inférieure à la croissance potentielle du PIB, ce qui est privilégié à l'échelle européenne", explique-t-il. 

Baisse des aides ou hausse des prélèvements ?

Cela dit, au-delà de la méthode de calcul, le président de Fipeco estime qu'un premier biais dans la répartition de l'effort vantée par le gouvernement réside dans le fait que Bercy comptabilise 5 milliards de diminutions d'allègements de cotisations patronales parmi les mesures d'économies, alors qu'il s'agit bien du levier fiscal qui est ici actionné. Une manière selon l'ancien haut fonctionnaire d'user opportunément de l'argument de la gauche de l'hémicycle notamment, pour qui ces allègements constituent des "aides"  aux entreprises. Pour François Ecalle, pas de doute en tout cas, il s'agit bien là de l'augmentation d'un prélèvement obligatoire.

Et au final, comme Pierre Moscovici qui estime la répartition "plutôt à 50-50", François Ecalle arrive aussi à un total de 30 milliards de recettes fiscales, en ajoutant aux 20 milliards assumés par le gouvernement l'évolution touchant les cotisations sociales des entreprises et celle touchant la taxe sur la consommation d’électricité décidée par l'équipe gouvernementale précédente.

"C’est un choc fiscal tout de même un peu rude", estime ce spécialiste des finances publiques qui doute, par ailleurs, de la nature "temporaire" de la plupart des prélèvements contenus dans le budget. "Dans deux ans, il faudra bien remplacer la majoration de l’impôt sur les sociétés par autre chose, ou sinon la renouveler. J'ai tendance à penser qu'elle sera renouvelée".