Invité sur le plateau de LCI, pendant plus d'1h30 ce lundi 27 janvier au soir, le Premier ministre a notamment réaffirmé sa ligne sur le budget 2025, avant la commission mixte paritaire qui se réunira jeudi, sans faire de nouvelles annonces. François Bayrou a aussi longuement parlé d'immigration et redit sa volonté de scinder le projet de loi sur la fin de vie en deux textes.
Au commencement d'une semaine cruciale pour l'avenir de son gouvernement, François Bayrou a fait de la pédagogie, ce lundi soir, sur LCI. Pendant plus d'1h30, le Premier ministre a dit avoir "confiance dans le sentiment de responsabilité de tous", alors que la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi de finances 2025 se réunira jeudi 30 janvier. "Il est vital pour le pays qu'on ait un budget et qu'il soit adopté", a-t-il déclaré, affirmant "regarder l'ensemble" des forces politiques en présence et pas seulement les socialistes. "Il faut que chacun ait la certitude qu'il est entendu. Que les aspirations des uns aillent avec les aspirations des autres", estime François Bayrou.
Le chef du gouvernement, qui n'a pas fait de nouvelles annonces côté budget, a répondu sur plusieurs points toujours au cœur des discussions. Il a ainsi confirmé que l'Ondam prévue par le budget de la Sécurité sociale sera augmenté, que la suppression de 4.000 postes d'enseignants ne figurera pas dans le budget de l'Etat - malgré le vote du Sénat -, ou encore que "l'effort annoncé" pour augmenter les crédits des Armées, de l'Intérieur et de la Justice seront "maintenus".
Maintenue aussi la contribution exceptionnelle sur les très grandes entreprises, qui sera "d'une année", et non pas de deux ans. "Toujours frapper l'entreprise, et les grandes entreprises, c'est se tromper de cible", a plaidé le Premier ministre, qui "n'a pas envie d'en faire la règle", mais souhaite par contre "regarder de près les fraudes fiscales" et les "pourchasser". Quant à la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus, "un impôt momentané pour une situation de crise", la CMP "va dire ce qu'il en est".
Je pense que le travail doit être payé. François bayrou
François Bayrou a également affiché son opposition à une mesure mise dans le débat la semaine dernière par sa ministre chargée du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, consistant à demander un effort financier aux retraités touchant plus de 2.000 euros par mois. "Le seuil est assez bas, si vous trouvez que 2.000 euros est la richesse…", a réagi le Premier ministre, qui refuse "d'insécuriser les retraités". Il a aussi dit son hostilité à la proposition d'instaurer une "nouvelle journée de solidarité", en faisant travailler les Français 7 heures de plus non rémunérées par an. "Je pense que le travail doit être payé", "tout travail mérite salaire", a-t-il considéré.
Et alors qu'il lui était demandé s'il s'engageait à ne pas augmenter les impôts des ménages français en 2025, le locataire de Matignon a répondu par l'affirmative. Un engagement qui vaudra aussi pour l'année prochaine ? "J'ai suffisamment de mal à établir et faire voter le budget 2025, sans que vous me demandiez des engagements sur le budget 2026", a-t-il répondu.
Concernant le dossier des retraites, sur lequel il a ouvert une concertation entre partenaires sociaux, François Bayrou s'est dit "persuadé qu'il existe des accords qui peuvent faire qu'il y ait incitation pour ceux qui le veulent à travailler plus", "des accords qui feront qu'il y aurait plus de départ à la carte". Il estime aussi que la retraite à points, si elle n'est pas possible aujourd'hui - "c'est trop bloqué" - est "une piste pour l'avenir".
Un compromis sur ce dossier est-il possible ? Sa marge de manoeuvre n'est pas trop étroite ? Ses jours à Matignon ne sont-ils pas obligatoirement comptés ? François Bayrou ose la comparaison : "Et en 1940, la marge de De Gaulle était quoi ? En 1954, la marge de Mendès ?" Avant de poursuivre : "C'est dans ce camp là que je me range, ceux qui pensent que ce n'est pas parce qu'il y a aucune chance qu'il ne faut rien faire. Je pense que précisément on se taille un chemin, à la serpe, à la machette, au sabre d'abordage."
Sur la plateau de LCI, le Premier ministre a aussi longuement abordé la question de l'immigration, sujet qui "ne peut pas constitutionnellement être un sujet de référendum". Il s'est positionné en faveur de la proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte, qui sera examinée dans la journée réservée aux textes de la Droite républicaine le 6 février à l'Assemblée nationale. Evoquant également cette possibilité pour la Guyane, François Bayrou l'a exclu pour la métropole : "Je pense qu'il faut faire attention, c'est la Constitution, fait partie de la loi fondamentale du pays."
Les apports étrangers sont positifs pour un peuple à condition qu'ils ne dépassent pas une proportion. François Bayrou
De manière plus générale sur l'immigration, il fait valoir que la France ne peut "pas accepter des milliers de personnes en situation irrégulière" et qu'il fallait pouvoir exécuter les obligations de quitter le territoire français (OQTF), mais que l'immigration est nécessaire car "il y a des métiers dans lequel on ne trouve plus de Français qui veulent les assurer". A charge, a-t-il souligné en substance, pour ceux qui viennent sur le territoire national d'apprendre le français et de respecter "nos valeurs", car "ce n'est pas la religion qui fait la loi".
"Les apports étrangers sont positifs pour un peuple à condition qu'ils ne dépassent pas une proportion", a complété François Bayrou, mettant en garde contre "l'impression d'une submersion" qu'on "approche en France". A la question de savoir s'il se positionnait ainsi afin de capter une partie de l'électorat du Rassemblement national, c'est non a-t-il répondu. Et d'expliquer : "L'ordre, c'est pour les plus fragiles, les plus pauvres", parlant de "convictions personnelles".
L'occasion donc de parler des extrêmes, Marine Le Pen (Rassemblement national) et Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise), qu'il respecte, car "ils ont obtenu entre 16 et 17 millions de voix" à l'élection présidentielle de 2022. "Si vous ne vous rendez pas compte que la manière dont on parle d'eux nourrit les électeurs qui les rejoignent, si vous faites de chacun l'ennemi public numéro 1, vous leur apportez sur un plateau d'argent des millions de voix", a justifié le Premier ministre.
Au sujet du procès concernant l'affaire des assistants d'eurodéputés RN, dossier dans lequel Marine Le Pen est menacée d'inéligibilité, François Bayrou considère toujours comme "une accusation injuste que de penser que le parti politique n'aide pas" ses députés européens. Il a lui-même été relaxé l'an dernier, en première instance, dans un dossier du même type concernant le Modem, affaire dans la quelle le parquet a fait appel.
Au bout d'1h30 d'entretien, François Bayrou est resté campé sur sa position de scinder le projet de loi sur la fin de vie en deux textes distincts : l'un sur les soins palliatifs, qui "n'est pas un droit", mais "un devoir" ; l'autre sur l'aide à mourir, qui "suscite des débats de conscience extrêmement forts". "Il faut pouvoir voter sur chacun de ces deux textes, différemment, si on en a envie", a déclaré le chef du gouvernement, qui assure que "ce n'est pas pour retarder" les choses et qu'il est "déterminé à ce que les deux soient examinés par le Parlement". Sans précision de calendrier à ce stade.
Lundi, plus de 200 élus macronistes et socialistes l'ont appelé à ne pas scinder le texte en deux, jugeant que "dissocier les soins palliatifs de l'aide médicalisée active à mourir serait une erreur". Ce courrier, notamment signé par la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, avait été mis en ligne sur le site du Parisien avant le long entretien télévisé du Premier ministre sur LCI.