Commission d'enquête sur les violences dans le cinéma : cinq ans après le #Metoo français, Mediapart dresse le bilan lors d'une audition à l'Assemblée

Quelques minutes après le début de l'audition, la journaliste de Mediapart Marine Turchi entre dans le vif du sujet : "Est-ce qu'une actrice de 20 ans peut dire non à un producteur très connu ?" Le ton est donné. Jeudi 12 décembre, lors de cette audition de la commission d'enquête sur les "violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité", trois journalistes de Mediapart ont été invités à rendre compte de leur travail sur les violences sexistes et sexuelles. Il s'agit de Marine Turchi et Lénaïg Bredoux pour le secteur du cinéma, ainsi que de Donatien Huet plus récemment en charge dossier #MusicToo. Parmi les sujets abordés : le témoignage d'Adèle Haenel qui a ouvert la voie au #MeToo dans le cinéma français, le cas de Gérard Depardieu, la rumeur de la liste noire du festival de Cannes, ou encore les plaintes contre le chanteur Slimane.

Le cinéma, un monde encore opaque

Au-delà des révélations qui ont été faites au fil de leurs enquêtes, les journalistes se sont attardés sur les problèmes systémiques dans le cinéma. "C'est un milieu précaire et très hiérarchisé, donc une asymétrie se crée entre les célébrités, les décideurs et les techniciennes, les comédiennes", explique Marine Turchi. Elle souligne cependant que la parole des femmes s'est libérée depuis "une quinzaine d'années", aidées par le témoignage d'Adèle Haenel qui a abouti au procès, cette semaine, du réalisateur Christophe Ruggia accusé d'avoir agressé sexuellement l'ancienne actrice entre ses 12 et 14 ans.

En revanche, quand la présidente de la commission d'enquête, Sandrine Rousseau (Ecologiste et Social), revient sur la rumeur de la liste noire du festival de Cannes 2024, les représentants de Mediapart ne cachent pas leur désarroi : "Comment une idée aussi farfelue qu'un journal va publier une liste s'est-elle autant diffusée ?" A travers cet épisode, Lénaïg Bredoux et Marine Turchi traduisent "la fébrilité de ce milieu" et "à quel point on n'a pas encore compris le fond du mécanisme". 

L'émotion de Sandrine Rousseau

Constatant à regret que "la bataille de la légitimité n'est pas totalement remportée", les journalistes ont, en outre, reproché à certains médias, sans les citer, de ne pas assez traiter des violences sexistes et sexuelles dans l'audiovisuel. Lénaïg Bredoux a néanmoins souligné le chemin parcouru en rappelant "qu'à une époque, la presse estimait que les VSS relevaient de la vie privée et étaient relayées au rang d''affaires de coucherie'". 

Avant la fin de l'audition, Sandrine Rousseau est brièvement revenue avec émotion sur sa propre expérience, alors que l'affaire Baupin avait été évoquée un peu plus tôt. En 2016, plusieurs femmes, dont l'actuelle députée, avaient accusé Denis Baupin d'agressions et de harcèlement sexuels, mais l'enquête avait finalement été classée sans suite pour prescription. La gorge nouée et les yeux rougis, Sandrine finit par remercier les journalistes pour le travail avant de couper son micro.