Crise du logement : l'examen "sabordé" de la proposition de loi pour réguler les meublés touristiques reprendra début 2024

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par Léonard DERMARKARIAN, le Jeudi 7 décembre 2023 à 17:10, mis à jour le Jeudi 7 décembre 2023 à 18:10

La proposition de loi transpartisane pour "remédier aux déséquilibres du marché locatif", pourtant largement soutenue, n'a pu être votée mercredi soir. La co-rapporteure du texte, Annaïg Le Meur (Renaissance), a déploré un "stratégie d'obstruction du Rassemblement national et des Républicains", alors que les débats ont dû être interrompus à minuit, ce 6 décembre. Le texte sera de nouveau examiné début 2024.

Rendez-vous après les fêtes de fin d'année. Au terme d'une soirée ponctuée d'accusations d'obstruction parlementaire, ce mercredi 6 décembre, les députés se sont donnés rendez-vous début 2024 afin de poursuivre l'examen de la proposition de loi visant à "remédier aux déséquilibres du marché locatif", resté inabouti. Ce texte transpartisan, co-rapporté par les députés Iñaki Echaniz (Socialistes) et Annaïg Le Meur (Renaissance), était pourtant largement soutenu sur de nombreux bancs. Il vise, selon les mots de la rapporteure, un "objectif commun" : "favoriser le logement permanent" sans "interdire les meublés de tourisme comme Airbnb".

Cette loi, attendue, se proposait pourtant de répondre à un problème de plus en plus urgent. D'abord modéré, puis exponentiel depuis le milieu des années 2010, l'essor des meublés touristiques en France est en effet accusé de renforcer la crise du logement, notamment dans les métropoles ou les zones touristiques. Le texte, adopté et enrichi en commission, propose de répondre partiellement à cet enjeu grâce à une batterie de mesures réglementaires et fiscales.

"Avantages fiscaux injustifiés" et "absence de réglementation efficace"

Lors de la discussion générale, les corapporteurs ont défendu leur proposition de loi,  élaborée de manière transpartisane depuis plusieurs mois, et mis en avant la nécessité d'un nouveau cadre pour réguler les meublés de tourisme face à des "avantages fiscaux injustifiés" et une "absence de réglementation efficace".

Le texte prévoit d'abord, à travers trois articles enrichis lors de son examen en commission, la réalisation obligatoire d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) et la généralisation d'un numéro d'enregistrement avant toute mise en location d'un meublé de tourisme.

Il prévoit également la réduction des abattements fiscaux existants pour les meublés de tourisme et de donner davantage de pouvoirs aux collectivités territoriales pour autoriser ou non le changement d'usage d'un bien immobilier - une méthode souvent utilisée pour convertir un local commercial en meublé de tourisme, et accusée de dénaturer autant l'esthétique que le tissu économique et social local.

Animosité croissante à l'approche de la levée de séance

Lors de la discussion générale, tout en appelant à l'élaboration d'une loi "efficace, proportionnée et adaptable", le ministre délégué au Logement Patrice Vergriete a défendu le texte, qualifié de "loi faite par et pour les territoires". Le texte a aussi recueilli l'avis favorable de plusieurs groupes, allant de "La France insoumise" à "Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires". Il a en revanche été vertement critiqué par le groupe "Rassemblement national" et les députés "Les Républicains".

Le député RN Frédéric Falcon a ainsi rejeté l'obligation du DPE et dénoncé, par cette proposition de loi, "un condensé de vieilles mesures socialistes" ainsi qu'un "projet de remplacement des propriétaires français au profit de la finance". Du côté des LR, Jean-Pierre Vigier a estimé que le "débat mérit[ait] d'être prolongé" et critiqué un texte "pas à la hauteur", "qui aborde la problématique du logement de manière très limitée".

"Stratégie d'obstruction"

Passée la discussion générale, les débats n'ont pu aller au-delà de l'article 2. Initialement prévu pour être adopté avant la levée de séance à minuit, l'examen du texte s'est enlisé face aux suspensions de séance et à la multiplication d'amendements proches ou identiques, ainsi que de nombreux scrutins publics - des procédures dont l'utilisation systématique par certains groupes parlementaires peut parfois prêter le flanc aux accusations d'obstruction parlementaire.

Les dernières minutes avant la levée de séance ont ainsi donné lieu à d'ultimes explications animées entre députés. Actant l'impossibilité d'arriver au terme de l'examen de la proposition de loi, le président de la commission des affaires économiques Guillaume Kasbarian (Renaissance) a mis en avant une "vraie majorité pour soutenir le texte" et critiqué "l'incohérence idéologique" du Rassemblement national. Quelques minutes plus tôt, un échange animé avait eu lieu entre le corapporteur du texte Inaki Echaniz (Socialistes) et Frédéric Falcon, le premier qualifiant de "honte" de retarder un vote sur un texte jugé nécessaire, le second accusant les rapporteurs du texte de procéder à "une dépossession immobilière" au détriment des propriétaires français.

Au lendemain de l'examen, les corapporteurs ont publié un communiqué de presse conjoint pour critiquer le déroulé des débats et la stratégie des groupes LR et RN, Annaïg Le Meur (Renaissance), y dénonce la "stratégie d'obstruction du Rassemblement national et des Républicains" qui ont, selon elle, "minutieusement sabordé" l'examen du texte.

Si la proposition de loi n'a pu être examinée jusqu'à son terme, la poursuite de l'examen s'effectuera début 2024. Selon nos informations, elle pourrait être de nouveau étudiée lors d'une prochaine semaine dévolue aux travaux de l'Assemblée nationale, entre le 29 janvier et le 2 février prochains - quelques semaines avant le rendu d'une mission d'information sur la fiscalité locative demandée par le ministre délégué au Logement et corapportée par Annaïg Le Meur et Marina Ferrari (Démocrate).