Déclaration de politique générale de Michel Barnier : Qu'en attendent les députés ?

Actualité
Image
Michel Barnier
par Maxence KagniSoizic BONVARLET, Léonard DERMARKARIAN, le Lundi 30 septembre 2024 à 20:50

Le Premier ministre prononcera sa déclaration de politique générale, mardi 1er octobre, à la tribune de l'Assemblée nationale. Si les députés du Nouveau Front Populaire ont déjà annoncé leur volonté de déposer une motion de censure contre le gouvernement, les autres groupes de l'Assemblée attendent des clarifications sur la politique que Michel Barnier compte mener.

Grand oral, épreuve du feu, quadrature du cercle... Ce mardi 1er octobre, à 15h, Michel Barnier montera à la tribune de l'Assemblée nationale, face à un hémicycle sans véritable majorité, fut-elle relative. Dans ce contexte inédit, le Premier ministre, qui ne sollicitera pas la confiance des députés à l'issue de sa déclaration de politique générale, jouera néanmoins une partie de son avenir à Matignon dès ce premier discours au Palais-Bourbon. 

Entre feuille de route politique et discours de la méthode, qu'attendent les élus de la représentation nationale de la déclaration de politique générale du chef du gouvernement ? LCP a interrogé des représentants des onze groupes qui composent l'Assemblée. Tour d'horizon. 

Le Nouveau Front populaire n'attend rien ou presque

Le Nouveau Front Populaire a d'ores et déjà annoncé sa volonté de déposer une motion de censure à la fin de la semaine. "On n'attend pas grand chose de cette déclaration", résume la porte-parole du groupe Ecologiste et Social, Léa Balage El Mariky. "Je vois mal comment Michel Barnier peut changer de cap", abonde le président du groupe Gauche Démocrate et Républicaine, André Chassaigne

Du côté de La France insoumise, le ton est sans illusion. Mais l’hypothèse d’annonces concernant des hausses d’impôts ciblées sur les grandes entreprises et les plus hauts revenus trouve malgré tout un écho favorable : "Je suis pour cette mesure-là (...) si à la fin c'est pour prendre des propositions et des mesures qui sont celles que nous défendons, ce n'est pas moi qui vais être contre", a ainsi déclaré le député et coordinateur national de La France insoumise Manuel Bompard, sur le plateau de FranceInfo, dimanche 29 septembre. Evoquant cependant les "52 milliards d'économies" que le gouvernement entend réaliser en sus des 8 milliards qu'il compte récupérer sur les entreprises, le député insoumis a cependant fait part de son inquiétude : "Où Monsieur Barnier a-t-il l'intention d'aller les chercher ?"

"Ce qui sera central, ce sera de voir comment il compte financer sa politique", considère également André Chassaigne, qui redoute que les hôpitaux publics ou que l'éducation ne soient ciblés par des mesures d'économies. Le député communiste sera également attentif à d'éventuelles annonces sur le logement, l'agriculture, ou encore le transport ferroviaire. "J'écouterai aussi avec attention ce que le Premier ministre annoncera vis-à-vis des Outre-mer, car on est sur une poudrière", conclut André Chassaigne, dont le groupe est composé pour moitié de députés ultramarins.

Les élus de gauche guetteront aussi dans le discours de Michel Barnier les messages que Michel Barnier pourrait, ou pas, faire passer après les propos tenus, ces derniers jours, par Bruno Bruno Retailleau. "L’Etat de droit, ça n'est pas intangible, ni sacré", a notamment estimé le ministre de l'Intérieur selon des propos rapportés par le Journal du dimanche. Des propos jugés "inquiétants" par le porte-parole du groupe Socialistes et apparentés, Arthur Delaporte. Et de  dénoncer une "extrême-droitisation" du gouvernement laissant suggérer que "le Rassemblement national en est, non seulement la béquille, mais aussi la tête pensante". "La bonne surprise serait que Michel Barnier recadre son ministre de l'Intérieur", indique la député écologiste Léa Balage El Mariky. 

Le bloc central entre nuances et attentes de clarification 

Les propos de Bruno Retailleau, ex-sénateur Les Républicains, ont suscité l'inquiétude jusque dans les rangs de la coalition présidentielle : "Il faut une clarification nette, claire et précise et, à titre personnel, si l'on ne sort pas du flou, je commencerai à me poser des questions", prévient le député Les Démocrates Erwan Balanant, qui espère un "recadrage du ministre de l'Intérieur". "Je ne tolérerai pas de remise en cause de l'état de droit et d'un certain nombre de nos valeurs", insiste le député du MoDem. 

Au-delà de ce sujet, Les Démocrates ont aussi des attentes fortes "vis-à-vis des questions d'éducation, de santé, mais aussi vis-à-vis du pouvoir d'achat, qui peut être connecté à la justice fiscale", énumère Erwan Balanant, sans oublier l'instauration de la proportionnelle pour les élections législatives, combat de longue date de François Bayrou

Du côté des députés du parti présidentiel, les annonces liées à la fiscalité seront particulièrement scrutées. Dans un texte publié sur le site de La Tribune dimanche, vingt-sept députés d'Ensemble pour la République, parmi lesquels Mathieu Lefèvre, Aurore Bergé ou encore Sylvain Maillard, martèlent leur opposition à toute augmentation d'impôts. Selon eux, "le rétablissement des comptes passe avant tout par la baisse de la dépense publique". "Nous serons nombreux à ne pas pouvoir soutenir un gouvernement qui augmenterait les impôts", a renchéri Gérald Darmanin dimanche, lors de sa rentrée politique. Bien que des nuances existent sur le sujet au sein du groupe EPR, les troupes de Gabriel Attal refusent que la politique fiscale et économique menée depuis 2017 soit remise en cause. 

Après les récentes déclarations de Bruno Retailleau sur l'Etat de droit, certains députés d'Ensemble pour la République seront aussi particulièrement attentifs en la matière. "Non Bruno Retailleau, en démocratie l’Etat de droit est immuable !" a réagi sur X (ex-Twitter), Ludovic Mendes ce lundi 30 septembre, interpellant directement Michel Barnier. "L'Etat de droit est sacré", avait jugé plus tôt dans la journée la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, contredisant ainsi le ministre de l'Intérieur. 

Enfin, les députés d'Horizons, le troisième groupe de l'ex-majorité présidentielle, souhaitent, selon les mots de Xavier Albertini, que le discours de Michel Barnier "fixe un cap clair pour les mois qui viennent". Sans que la déclaration de politique générale ne devienne "un inventaire à la Prévert", le député du parti d'Edouard Philippe considère que le discours du Premier ministre devra comporter un certain nombre de sujets incontournables : "un volet budgétaire, un volet sécurité, un volet écologique, un volet social". Au-delà du fond, Xavier Albertini estime que ce moment doit permettre au chef du gouvernement de mettre en valeur ses qualités, notamment son "talent de négociateur" et de marquer le début d'une "nouvelle séquence" politique faisant la part belle au "respect" et au "débat". 

La Droite Républicaine souhaite une "rupture"

Pour la Droite Républicaine (ex-groupe Les Républicains), l'heure est au changement de cap. "Le pays a besoin de rupture sur la gestion calamiteuse des finances, sur le plan sécuritaire, sur le plan migratoire", affirme Véronique Louwagie, qui souhaite de la "radicalité dans la gestion des priorités". L'élue du groupe présidé par Laurent Wauquiez, dont quelques membres sont entrés au gouvernement, ne s'attend cependant pas à un nombre pléthorique d'annonces au vu de la "situation délicate" dans laquelle se trouve le Premier ministre, qui ne pourra pas compter sur une véritable majorité à l'Assemblée et qui devra donc surtout éviter la censure. 

Compte tenu de cette situation, Véronique Louwagie veut croire que le gouvernement "prendra le temps de la discussion et du compromis, quitte à faire moins de textes pour prioriser la qualité". D'emblée, elle indique en tout cas son refus de "toute augmentation des impôts". "D'abord, car cela ne ferait que nourrir la bête, alors qu'il faut la mettre à la diète", explique la vice-présidente de la commission des finances. "Ensuite, car aucun impôt n'est provisoire, il finit toujours par être prolongé dans le temps. L'urgence, c'est de faire des économies et en premier lieu par l'exemple au plus haut de l'échelle."

Le Rassemblement nationale attend du "respect"

Tout comme le Nouveau Front Populaire, le Rassemblement national n'attend "pas grand chose, ni positivement, ni négativement" de la déclaration de politique générale de Michel Barnier. Pour le porte-parole du groupe, Thomas Ménagé : "L'épreuve de vérité sera au moment du budget".

"On attend que le Premier ministre continue sur la ligne politique qu’il a définie", rappelle surtout le député, insistant sur le "respect des électeurs" et du "groupe politique" présidé par Marine Le Pen. Thomas Ménagé ajoute que les députés RN attendent tout de même de "premiers éléments" sur les priorités du gouvernement, citant "le pouvoir d’achat, la sécurité, l'immigration et la garantie qu'il n'y aura pas d’impôts classes populaires et moyennes". Et d'espérer l'officialisation d'un "débat" sur la proportionnelle aux législatives. 

Alliés du Rassemblement nationale, les députés Union des Droites pour la République, présidés par Eric Ciotti, seront pour leur part attentifs à trois valeurs en particulier : "L'autorité, l'identité et la liberté", indique Charles Alloncle, le porte-parole du groupe. La "liberté économique" est particulièrement importante pour les députés UDR, qui refuseront toute hausse d'impôts, y compris pour les entreprises, souligne-t-il. "On a besoin d'un Premier ministre qui rassure", estime Charles Alloncle, qui réclame une "réduction des dépenses publiques" et "beaucoup plus de fermeté" sur les questions régaliennes.

LIOT refuse d'augmenter les impôts des "travailleurs"

Les députés Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires qui s'inscrivent dans une logique d'"opposition constructive" sont ouverts à la recherche de nouvelles recettes, mais pas à n'importe quel prix. Le groupe LIOT est ainsi fermement opposé à "une hausse d’impôts sur les classes populaires, les travailleurs", prévient Christophe Naegelen. "Il faut regarder du côté du crédit impôt recherche pour les très grandes entreprises, ou des superdividendes, pour ne pas ponctionner le chiffre d’affaires y compris des grandes entreprises, mais uniquement ce qui a vocation à être distribué aux actionnaires", explique-t-il. 

Plus globalement, Christophe Naegelen indique que son groupe attend de la déclaration de politique générale du Premier ministre qu'elle dessine "une certaine vision de la France : sur la décentralisation, la déconcentration, un message clair qui serait adressé aux travailleurs et à ceux qui ont travaillé". Comme l'ensemble des députés interrogés, il attend aussi et surtout, "au-delà des mots, de voir les actes".