Déserts médicaux : "Inscrivez notre texte à l'ordre du jour du Sénat", demande Guillaume Garot à Sébastien Lecornu

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Guillaume Garot dans l'hémicycle le 23 janvier 2025
Guillaume Garot lors de l'examen de la proposition de loi visant à instaurer un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé, le 23 janvier 2025 - LCP
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Mercredi 17 septembre 2025 à 09:30, mis à jour le Mercredi 17 septembre 2025 à 10:15

INTERVIEW - Plusieurs parlementaires, dont le député socialiste Guillaume Garot, se sont réunis lundi 15 septembre en Mayenne sur le sujet des déserts médicaux, défendant la régulation de l'installation des médecins. Dans "L'appel de Laval", ils exhortent le Premier ministre, Sébastien Lecornu, à inscrire rapidement leur proposition de loi, votée en mai à l'Assemblée nationale, à l'ordre du jour du Sénat.

Vous avez réuni à Laval (Mayenne), lundi 15 septembre, une vingtaine de parlementaires du groupe transpartisan sur les déserts médicaux. Dans quel but ? 

C'était une première, et c'était sans précédent. Jamais, sous la Ve République, un groupe de travail transpartisan avait organisé une telle journée parlementaire, réunissant des députés, des citoyens, des professionnels et des personnalités engagées. Malgré les incertitudes politiques du moment, ce problème n'a pas disparu du quotidien des Français. Notre mission était d'abord de nous mobiliser sur le sujet de la désertification médicale, et donc de l'accès de tous aux soins dans notre pays. Au terme de trois années de travail déterminé et acharné, nous avons réussi à faire voter notre proposition de loi, en première lecture le 7 mai à l'Assemblée nationale. Lundi, des voix nouvelles sont venues s'exprimer pour appuyer cette idée de la régulation de l'installation des médecins.

Des voix nouvelles comme Roselyne Bachelot, que vous aviez invitée ?

Oui, Roselyne Bachelot a pris position de manière très claire. Elle était ministre de la Santé sous Nicolas Sarkozy (de 2007 à 2010, ndlr). Elle parle aujourd'hui, en 2025, et affirme qu'il faut accepter la régulation. Lundi, c'était son message. La régulation est une idée qui fait son chemin, qui avance dans les consciences, au-delà des sensibilités et des appartenances politiques. Nous pouvons être pris, les uns et les autres, dans les affres de la vie politique, mais il faut revenir à l'essentiel. L'essentiel, c'est la vie des gens et les réponses que nous pouvons apporter.

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Votre proposition de loi avance. Mais, sous François Bayrou, une autre, portée par le sénateur Philippe Mouiller (Les Républicains), était venue concurrencer votre texte, avec une procédure accélérée décidée par le gouvernement. On a donc deux textes, un à l'Assemblée nationale, l'autre au Sénat...

Oui, il y a encore des obstacles, des oppositions. Mais il faut que le débat ait lieu. C'est le sens de notre appel solennel  l'appel de Laval du 15 septembre  : nous souhaitons que notre proposition de loi soit maintenant débattue et votée au Sénat. C'est ce que nous disons au gouvernement. Et ce, le plus vite possible. C'est aussi la responsabilité du gouvernement. Quant au texte issu du Sénat, il était plutôt marqué des annonces de François Bayrou. Sans lui, il n'a plus la même acuité. 

Lors de son premier déplacement, Sébastien Lecornu a promis de bâtir un réseau "France Santé". Qu'en pensez-vous ?

Nous prenons acte de cette intention, mais il ne faut pas que ce soit juste un effet d'annonce. Il faut que ça suive derrière. Et pour cela, il faut qu'il y ait des médecins partout. Aujourd'hui, il existe des maisons de santé pluridisciplinaires, des centres de santé, mais on a parfois bien du mal à y trouver un médecin. Pas toujours, heureusement. Mais le cas n'est pas banal. Il faut indispensablement la régulation de l'installation des médecins pour briser l'aggravation des inégalités entre les territoires, et donc entre les Français. 

Montrer qu'il est possible d'avancer dans notre pays, dans le contexte politique actuel, (...) je pense que cela a du sens politiquement.

Que dites-vous à ceux qui s'opposent à votre proposition de loi ?

Il n'est pas question de contraindre les médecins à aller s'installer ici ou là. Nous ne sommes pas dans une affectation ou une nomination sur un territoire. Nous disons simplement qu'il ne faut plus autoriser l'installation dans des zones où il y a déjà suffisamment de médecins. La base, c'est partir des besoins de santé : si un territoire est correctement pourvu en présence médicale, alors pendant un temps donné, il ne sera plus possible de s'y installer. Mais les médecins pourront aller s'installer où ils le souhaitent, n'importe où ailleurs. La liberté d'installation est préservée, elle est simplement encadrée, en fonction des besoins d'intérêt général. Tous les Français paient les mêmes cotisations et les mêmes impôts. Chacun doit pouvoir bénéficier du même accès aux soins et à la santé. Or, aujourd'hui, plus de 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant et plus de 9 millions vivent dans un désert médical. Cela entraîne du renoncement aux soins, des pathologies qui s'aggravent. C'est un coût supplémentaire pour la Sécurité sociale et une perte de chance pour chacun. C'est insupportable dans la République.

Comment voyez-vous la suite de l'examen législatif de votre loi au Sénat ?

Le texte pourra bien sûr être examiné dans une niche parlementaire. Mais nous sommes dans une démarche transpartisane pour un sujet d'intérêt général qui concerne des millions de Français. Franchement, serait-ce choquant que notre initiative soit inscrite en priorité des débats du Sénat ? C'est ce que nous demandons au Premier ministre. C'est le sens de notre appel. Montrer qu'il est possible d'avancer dans notre pays, dans le contexte politique actuel, et qu'il est possible d'être efficace pour répondre aux besoins des Français, je pense que cela a du sens politiquement. Sinon, je crains qu'un doute terrible et délétère s'installe chez les citoyens vis-à-vis des politiques et de la démocratie. Il y a une attente d'action, d'efficacité et de résultat. Il y a eu les annonces du Premier ministre, et il faut maintenant se doter des leviers pour réussir.

Vous y croyez ?

En tout cas, cela ne coûte pas un euro de plus au  budget de la Nation ! C'est un changement des règles. Nous ne disons pas que c'est une solution magique ou la solution à la désertification médicale. Simplement, si nous voulons que toutes les autres solutions fonctionnent, cela ne sera pas possible sans une meilleure répartition des médecins

Un texte soutenu par des députés issus des neuf groupes parlementaires, ce n'est ni neutre, ni banal à l'Assemblée.

Que dites-vous au nouveau Premier ministre, Sébastien Lecornu ?

Je lui dis : "Montrez que vous voulez avancer et inscrivez notre loi, votée à l'Assemblée nationale, à l'ordre du jour du Sénat. Faites-le maintenant, c'est prêt ! Quatre articles, ça peut aller vite." Ensuite, le texte reviendra à l'Assemblée dans le cadre de la navette parlementaire. Il faut y aller maintenant !

Sébastien Lecornu cherche à élargir son assise et à trouver des compromis. Est-ce un exemple de ce qu'il est possible de faire ? 

Nous avons bâti un texte de compromis, voté à une très nette majorité à l'Assemblée. Je pense que cela se regarde avec respect. C'est l'un des textes qui a permis d'avancer et de montrer qu'on pouvait rassembler largement. Après, je n'en fais pas l'exemple de ce que sont par ailleurs les discussions et les solutions aux problèmes qui peuvent exister. Je dis juste qu'il y a peut-être là, sur ce sujet, une voie de passage. Un texte soutenu par des députés issus des neuf groupes parlementaires, ce n'est ni neutre, ni banal à l'Assemblée, a fortiori dans le moment où nous sommes. Je ne connais pas beaucoup de textes qui réunissent des voix venant des Républicains et de La France insoumise. Si on peut le faire, il ne faut pas se priver d'avancer. Peut-être que la politique aussi en sortira grandie. Sur le terrain, je ressens le risque d'un vent populiste ou dégagiste, sur le thème "vous n'avancez pas ; vous n'êtes bons à rien, juste à vous accrocher les uns les autres". Là, avec cette proposition de loi, nous pouvons avancer. Avec le pouvoir d'achat et les salaires, les déserts médicaux, c'est le sujet numéro 1. Un texte est prêt, qu'est-ce qu'on attend ?