INTERVIEW - Le Premier ministre, François Bayrou, sollicitera, le 8 septembre, la confiance de l’Assemblée nationale, mais les chances pour son gouvernement de se maintenir sont minimes. Les députés se projettent déjà sur l’après. Entretien avec Dieynaba Diop, députée socialiste des Yvelines.
François Bayrou a-t-il une chance de se maintenir après le vote de confiance à l'Assemblée ?
Non, il n'a aucune chance de rester Premier ministre après le 8 septembre, il fait un acte d'auto-censure. Il avait la possibilité d'attendre une censure qui serait venue très certainement au moment de l'examen du budget, à l'automne, mais il préfère contourner l'obstacle en s'auto-censurant, en se préservant pour d'autres dessins politiques. C'est dommageable pour les Françaises et les Français. François Bayrou n'a aucun courage, c'est totalement égocentré. Il veut juste s'éviter une sortie à la Michel Barnier, on voit bien la manœuvre médiatique et stratégique. C'est de l'esbrouffe, mais ça finira mal. Le Premier ministre va donc faire ses cartons et quitter Matignon.
Depuis plusieurs mois, François Bayrou alerte les Français sur la situation budgétaire du pays, qu'il juge dramatique. Est-ce vraiment le moment d'ajouter de l'instabilité politique ?
La question, il faut la poser à François Bayrou ! C’est lui qui crée de l'instabilité. Personne ne lui a demandé de soumettre son gouvernement à un vote de confiance. Je rappelle que lorsqu'il a été nommé en décembre 2024, il n'a pas sollicité la confiance de la représentation nationale. Pourquoi la demande-t-il aujourd'hui ? Par ailleurs, nous travaillons déjà sur l'après, pour proposer des mesures permettant de mieux protéger les plus modestes, et faire en sorte que chacun contribue en fonction de ses capacités, à commencer par les ultra-riches, les multimilliardaires, qui ont doublé leur patrimoine sous la macronie. Un autre budget est possible, et nous allons le présenter dans quelques jours, avant le vote de confiance.
Si Emmanuel Macron prononçait une nouvelle dissolution, la gauche n'aurait pas d'autre choix que de se rassembler, une fois encore.
Si le gouvernement de François Bayrou tombe, le président de la République pourrait nommer un nouveau Premier ministre. Quel serait le profil idéal ? Des noms ?
Je n'ai pas de noms en tête. Ce que nous demandons au président de la République, depuis la victoire du Nouveau Front populaire aux dernières législatives (en juin 2024), c'est de nommer un Premier ministre de gauche ! Il y a une alternative au projet de François Bayrou : un autre budget est possible ! Encore faut-il donner au groupe le plus important de l'hémicycle (le NFP, composé des quatre groupes de gauche, Ndlr) le pouvoir de gouverner et de proposer une autre voie.
Le Rassemblement national souhaite une nouvelle dissolution. Une majorité absolue est-elle envisageable à l'Assemblée ?
Le RN a tout intérêt à une nouvelle dissolution. Ils sont intimement convaincus, comme la dernière fois, que cela leur permettrait d'obtenir une majorité absolue. Chez les socialistes, nous pensons qu'une nouvelle dissolution ne changerait rien. Nous ne craignons pas de retourner devant les urnes, mais rien n'a changé, dans le paysage politique depuis un an, qui permettrait d'imaginer un résultat différent de celui de l'année dernière. Et si Emmanuel Macron prononçait une nouvelle dissolution, la gauche n'aurait pas d'autre choix que de se rassembler, une fois encore. Force est de constater que seule une gauche unie est capable de faire échec au RN. Quelles que soient nos divergences, nous avons en partage la lutte contre l’extrême droite.
La France insoumise prévoit de déposer une motion de destitution visant Emmanuel Macron. Soutenez-vous cette initiative ?
Non. Depuis le début, les socialistes affirment que la destitution n'est pas la solution. D'un point de vue institutionnel, il est très compliqué de déposer une telle motion. Ne donnons pas à voir une solution qui n'en est pas une. Ce que nous préconisons, c'est la nomination d'un Premier ministre de gauche !
(Interview réalisée par Marco Paumier)