Après la création, le 13 mars dernier, de la commission d’enquête relative aux effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, son président Arthur Delaporte (Socialistes) et sa rapporteure Laure Miller (Ensemble pour la République) ont décidé d'associer les citoyens à leur réflexion. Ils lancent ainsi ce mercredi une consultation en ligne sur la perception et les usages des réseaux sociaux, et de TikTok en particulier.
Éclairer d'une perspective citoyenne leurs travaux ciblant les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, tel est l'objectif de Laure Miller (Ensemble pour la République) et d'Arthur Delaporte (Socialistes) au travers de la consultation en ligne qu'ils ont lancée ce mercredi.
Officiellement créée le 13 mars dernier pour une durée de six mois, leur commission d'enquête vise à "examiner les risques liés à l’exposition des jeunes utilisateurs aux contenus dangereux et à l’addiction numérique sur la plateforme", alors que 70% des utilisateurs de TikTok en France ont moins de 24 ans.
À plusieurs reprises, Laure Miller a pointé le "paradoxe morbide" du réseau social en ce qu'il "confronte le public le plus vulnérable aux biais de fonctionnement les plus délétères". Lors de l'examen de sa proposition de résolution ayant abouti à la création de la commission d'enquête, la députée avait tour à tour évoqué "la faiblesse remarquable de la modération des contenus" et "à l'inverse, une amplification de l'exposition aux contenus violents, à caractère sexuel et relatifs à la souffrance psychique".
Et de fait, dans un contexte de dégradation de la santé mentale des jeunes exacerbée depuis la crise du Covid, le réseau social est notamment mis en cause dans le suicide de deux adolescentes de 15 ans, en 2021 et en 2023. Son algorithme, qui enfermerait les utilisateurs dans le visionnage de certains contenus trop souvent violents et hypersexualisés, devrait être particulièrement scruté par les 30 députés de la commission d'enquête.
De nombreux cliniciens confirment que TikTok tend à exacerber les fragilités psychologiques des personnes les plus vulnérables. Texte de la proposition de résolution
Concernant la consultation lancée ce 23 avril, les questions portent avant tout sur les usages des réseaux sociaux et de TikTok en particulier, au regard de l'âge, du profil géographique et sociologique, du temps d'écran et de l'exposition à certains contenus des répondants. "Au cours du dernier mois, à quelle fréquence, en moyenne, avez-vous consulté [les réseaux sociaux] ?" ; "Ressentez-vous des difficultés à ne pas utiliser TikTok : pendant un jour/plusieurs jours ?" ; "Quels sont les comptes TikTok que vous suivez le plus ?" : telles sont quelques-unes des questions posées afin d'évaluer les pratiques et l'éventuelle dépendance des usagers.
Prérogative offerte à l'Assemblée nationale, l'organisation de consultations citoyennes a connu plusieurs précédents, dont la dernière en date, close en mars 2024, avait pour objet le service national universel (SNU) et le rôle de l'éducation dans la défense nationale. Près de 38 000 personnes avaient alors répondu au questionnaire anonyme hébergé par le site de l'Assemblée. Arthur Delaporte espère aussi recevoir cette fois "quelques milliers de réponses", à même de constituer un échantillon représentatif. "On aimerait mobiliser les jeunes, même si on sait que ce sont les plus difficiles à toucher", indique-t-il aussi, espérant, à défaut de leur venue en masse sur le site de la consultation citoyenne, recueillir les réponses de leurs parents.
Justifiant cette consultation citoyenne par le "fait de société" constitué par son objet, à savoir la consommation des réseaux sociaux, Arthur Delaporte et Laure Miller souhaitent également mesurer la confiance que les citoyens accordent à leurs contenus. Parmi les items proposés : "Personnellement, avez-vous confiance dans la fiabilité des informations véhiculées par les organisations et créateurs de contenu présents sur les réseaux sociaux ?", ou encore : "Selon vous, dans quelle mesure les contenus présents sur les plateformes suivantes sont-ils suffisamment modérés ?".
Mais par cette initiative, les députés souhaitent en outre intégrer les citoyens à l'élaboration de pistes de réflexion sur une éventuelle régulation de TikTok, en particulier vis-à-vis des jeunes utilisateurs. Une question posée évoque notamment la possibilité d'interdire aux mineurs l’accès aux réseaux sociaux, proposant des seuils à 13, 15 ou 18 ans. Une hypothèse dont les modalités restent à définir, tant la concrétisation de recommandations pour réguler les usages s'avère semée d'obstacles.
La consultation citoyenne sera accessible en ligne jusqu'au 31 mai. En parallèle, les utilisateurs ou proches de ces derniers ont la possibilité de transmettre directement des témoignages via l'adresse mail commission.tiktok@assemblee-nationale.fr. Lors de la publication du rapport, l’intégralité des réponses anonymisées seront publiées sur la plateforme open data de l’Assemblée nationale.
Pour l'heure, les premiers travaux de la commission d'enquête ont tenté, au travers des auditions de différents experts du numérique, de mettre en lumière les biais de fonctionnement de Tiktok. Viendront ensuite les auditions des associations de défense et de protection des jeunes, membres du gouvernement, tiktokeurs et représentants de la plateforme. Les conclusions des travaux de la commission d'enquête sont attendues au plus tard pour le 12 septembre prochain.