Entre coronavirus et RIP, avis de turbulences sur la privatisation d'ADP

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Entre coronavirus et RIP, avis de turbulences sur la privatisation d'ADP
par Jason Wiels, le Mercredi 11 mars 2020 à 17:18, mis à jour le Mercredi 18 mars 2020 à 14:54

L'État ne va pas céder "dans l'immédiat" ses parts d'ADP a indiqué la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, mercredi. Dans un contexte de ralentissement économique lié au coronavirus, le groupe aéroportuaire a fortement chuté en bourse depuis le début de l'épidémie. Une déclaration qui intervient alors que la période de recueil des soutiens à la procédure de référendum d’initiative partagée (RIP) contre la privatisation prend fin jeudi. Le seuil du million de signataires a été franchi. Loin cependant des 4,7 millions de signatures nécessaires à la poursuite de la procédure. 

Avions cloués au sol, vols suspendus, mise en quarantaine des voyageurs dans certains pays... Le secteur de l'aviation traverse une grave crise à cause de l'épidémie mondiale de coronavirus. Outre les compagnies aériennes, toutes les entreprises du secteur dévissent en bourse, à commencer par le groupe ADP (qui gère notamment les aéroports de Roissy et d’Orly). Le premier gestionnaire d’aéroports au monde a même perdu un quart de sa valorisation boursière en à peine deux semaines.

Interrogée à l'issue du conseil des ministres sur les intentions du gouvernement à propos de la privatisation d'ADP, Sibeth Ndiaye a déclaré mercredi que la question "ne saurait se poser dans l'immédiat compte tenu des conditions" actuelles des marchés. Elle a aussi rappelé que "le ministre de l'Économie et des Finances est particulièrement mobilisé en ce moment" pour éviter une éventuelle récession. Principal avocat de la privatisation permise depuis le vote de sa loi Pacte en 2019, Bruno Le Maire a actuellement donc d'autres priorités à gérer.

Plus d'un million de signataires contre la privatisation

Cette déclaration de la porte-parole du gouvernement intervient à la veille de la clôture de la période de recueil des 4,7 millions de signatures nécessaires pour franchir la prochaine étape vers un référendum d'initiative partagée sur ce projet contesté. Lors de son dernier pointage le 4 mars, le Conseil constitutionnel a recensé 1,12 million de signatures.

Si le seuil requis n'a aucune chance d'être atteint le 12 mars à minuit, le report sine die de la privatisation est d'ores et déjà "une grande satisfaction" pour Gilles Carrez. Le député LR, à l'initiative avec plus de 250 parlementaires du RIP au Parlement, se réjouit que "le gouvernement reconnaisse enfin les arguments extrêmement forts contre la privatisation". Jusqu'à abandonner purement et simplement la cession de ses parts ? "Je ne pense pas que le projet ressorte du bois, le gouvernement s'est rangé au bon sens", estime ce spécialiste des finances publiques.

"On en n'est pas là, même si évidemment on ne fait pas ce genre d'opération en période de turbulences boursières", répond au contraire Roland Lescure (LaREM). A contrario d'une source gouvernementale citée par Marianne, l'ancien rapporteur général de la loi Pacte n'enterre pas la privatisation, dont le produit était censé venir alimenter un fonds public dédié à l'innovation. "Mais on peut dire merci à nos 'amis' qui ont lancé la procédure du RIP, car on aurait pu vendre au bon moment...", regrette-t-il.

Activée en avril 2019, cette disposition constitutionnelle utilisée pour la première fois avait pris de court le gouvernement et a gelé de fait la possibilité de privatiser pendant de longs mois. Si demain l'État décidait finalement de vendre tout ou partie de son capital (50,63% des parts), cela ne pourrait se faire que dans la cadre d'un appel d'offres très encadré... qui prendrait à nouveau plusieurs mois.