La commission des affaires sociales examine, ce mercredi 7 mai, la proposition de loi qui ouvrira la journée d'initiative parlementaire du groupe "Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires" programmée la semaine prochaine, jeudi 15 mai, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Présenté par Estelle Youssouffa, le texte vise à "étendre l'aide médicale de l’Etat [AME] à Mayotte".
La proposition de loi aurait déjà suscité l'ire du ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder. Avant même son examen en commission des affaires sociales, ce mercredi 7 mai, et sa discussion dans l'hémicycle, jeudi 15 mai. Selon Le Canard enchaîné le ministre issu des Républicains a refusé de soutenir le texte de la députée de Mayotte, Estelle Youssouffa (LIOT) : "Impossible que je soutienne ce texte ! Pas question que je sois mis au ban à cause de tes calculs politiques", lui aurait-il déclaré, avant de décoller pour l'archipel avec la délégation emmenée par le président de la République, Emmanuel Macron, qui y a effectué un déplacement il y a deux semaines.
Visant à "étendre l'aide médicale de l’Etat à Mayotte", la proposition de loi va être examinée à la commission des affaires sociales avant d'être débattue lors de la journée d'initiative parlementaire du groupe LIOT. Huit textes ont été inscrit à l'ordre du jour de cette journée par le groupe présidé par Laurent Panifous. Et le premier a être débattu sera celui d'Estelle Youssouffa.
Comme nous l'expliquions dans un précédent article, cette proposition de loi a pour objectif de désengorger le seul centre hospitalier (CHM) de l'archipel, qui assure actuellement 72 % de l'offre de soins à Mayotte. L'île est confrontée une immigration irrégulière en provenance des Comores qui se tourne massivement vers les services d'urgence du CHM pour des raisons de gratuité des soins. Selon l'Agence régionale de santé (ARS) de Mayotte, 85 567 patients étrangers y ont été soignés en 2022, tandis que 93 626 Français l'ont été pour cette même année.
Résultat de cette situation : "une prise en charge trop tardive de pathologies qui nécessiteraient pourtant une intervention plus en amont" et "une hausse des coûts de santé", car "des soins tardifs, prodigués dans un contexte d’urgence, se révèlent plus coûteux et moins efficaces, constituant ainsi un surcoût significatif pour l’ensemble du système", explique la rapporteure dans l'exposé des motifs de son texte.
Estelle Youssouffa plaide donc pour l'instauration de l'AME à Mayotte, seul département français où celle-ci ne s'applique pas. "L’absence de ce dispositif, qui permet la prise en charge des dépenses de santé des étrangers sans titre de séjour régulier, soulève d’importants enjeux de santé publique, aussi bien pour le public concerné que pour l’ensemble de la population de l’île", souligne-t-elle.
Il y a deux ans déjà, Estelle Youssouffa avait lancé le débat dans une question écrite au gouvernement. Et en mars 2024, le ministère du Travail, de la Santé et des Solidarités de Catherine Vautrin, la ministre de tutelle de Yannick Neuder, avait répondu : "Il n'apparaît pas envisageable à court terme de déployer le dispositif de l'aide médicale d'Etat et des soins urgents aux personnes en situation irrégulière à Mayotte".
Aujourd'hui, la députée mahoraise persiste et signe. "Une telle mesure améliorerait la prévention, réduirait les coûts liés aux interventions tardives et renforcerait la cohésion sanitaire sur l’île. Elle est d’autant plus cruciale face aux risques épidémiques actuels, afin de préserver la santé de tous et de consolider la solidarité territoriale", indique-t-elle, estimant que la fin de cette exception au droit commun permettrait de "consacrer le montant normal à la santé des Français de Mayotte". Et d'appuyer ses explications et ses arguments avec plusieurs rapports publiés ces dernières années (mission d'information du Sénat en 2022 sur l'accès aux soins à Mayotte, rapport de l'Assemblée nationale en 2023 sur les enjeux migratoires, rapport du Défenseur des droits en 2020).
"Les débats promettent d'être animés", anticipait Estelle Youssouffa fin avril, lors d'une conférence de presse.