Fonction publique, école, santé... pourquoi l’Assemblée et le Sénat réforment main dans la main

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Sur l’année 2018-2019, l’Assemblée nationale a adopté environ un quart des textes législatifs sans l’accord du Sénat.
Sur l’année 2018-2019, l’Assemblée nationale a adopté environ un quart des textes législatifs sans l’accord du Sénat.
par Jason Wiels, le Jeudi 4 juillet 2019 à 11:11, mis à jour le Mercredi 20 juillet 2022 à 20:03

Depuis le début de l'année, les deux chambres du Parlement se sont mises d'accord sur de nombreux textes, y compris les plus emblématiques. Le signe d'une convergence de vue entre la droite sénatoriale et la majorité présidentielle ?

Et un accord de plus. Députés et sénateurs ont adopté jeudi le projet de loi de transformation de la fonction publique dans une version commune. Une commission mixte paritaire (CMP) conclusive qui s'ajoute à la longue liste des accords déjà obtenus cette année entre parlementaires sur l'école, la santé, la biodiversité, le changement de mutuelle ou la taxation des géants du numérique. Le projet de loi d'orientation des mobilités pourrait lui aussi connaître un sort favorable dans les prochains jours.

Pour la deuxième année du quinquennat Macron, près des trois-quarts des projets et propositions de loi examinés ont en fait été adoptés par des votes conformes pendant la navette parlementaire ou à l'issue d'une CMP. Une statistique en ligne avec l'année précédente (71% des textes votés avec le Sénat), qui relativise la portée politique des vifs affrontements entre les deux chambres sur l'affaire Benalla ou la réforme de la Constitution.

De l'art du compromis

"Depuis 1793, le Sénat a toujours été le lieu du contrepoint. Ce n'était pas forcément accepté en début de législature mais, l'expérience se faisant, la majorité s'est rendue compte qu'il n'était pas inutile de faire des compromis...", dépeint le sénateur Alain Milon (LR). Selon lui, le Palais du Luxembourg ne doit être "ni une chambre d'opposition systématique, ni une chambre d'enregistrement".

Le président de la commission des affaires sociales du Sénat se félicite par exemple d'avoir fait voter un stage obligatoire de six mois dans les déserts médicaux pour les futurs médecins en échange de concessions. Et de revendiquer ce travail politique entre les deux rives du pouvoir législatif : "La chambre haute travaille beaucoup le fond des textes et moi, je fais le marchand de tapis avec les rapporteurs de l'Assemblée !"

Au plus fort de la crise des Gilets jaunes, le droite sénatoriale s'est aussi montrée coopérative avec le pouvoir, en adoptant telles quelles les mesures d'urgence sociale proposées par l'exécutif. "Le Sénat souhaite montrer qu'il incarne l'institution de la stabilité dans un monde instable et il fait tout pour faire valoir cette thèse", théorise Marc Fesneau. L'arrivée du nouveau ministre des relations avec le Parlement à l'automne, en remplacement de Christophe Castaner, a également été interprétée comme un signe d'apaisement entre "ancien" et "nouveau monde".

Cette succession de compromis permet aussi de faire l'économie de nouvelles lectures parfois fastidieuses en commission et dans l'hémicycle, surtout à l'approche de la trêve estivale. De quoi réjouir la majorité présidentielle, qui relativise toute convergence de vue entre Sénat et Assemblée : "Je ne veux pas y mettre un excès de sens. En tout cas, nous n'avons pas signé d'accord en mettant notre drapeau dans notre poche", commente le président du groupe LaREM Gilles Le Gendre.

Un acte II sous les meilleurs auspices ?

L'année écoulée a d'ailleurs eu son lot de batailles parlementaires, dans lesquelles l'Assemblée nationale a dû imposer son dernier mot. La droite sénatoriale a ainsi rejeté en bloc la vague de privatisations prévue par la loi Pacte, retoqué la réforme de la Justice voulue par le gouvernement ou encore censuré les dérogations prévues par le texte pour reconstruire Notre-Dame de Paris.

Enfin, lorsque le Sénat a adopté sans retouche la proposition de loi contre les casseurs dans une version amendée dans la douleur par l'Assemblée, Bruno Retailleau (LR) et ses troupes ont certes répondu à la demande du gouvernement mais ils ont surtout renvoyé La République en marche à ses propres contradictions.

Reste à voir si cette mécanique d'une année finalement fertile en réformes est partie pour durer. Deux signes rendent cette perspective probable : l'abstention des sénateurs Les Républicains lors du vote de confiance au gouvernement d'Édouard Philippe le 13 juin et la nature des textes proposés pour la session 2019-2020.

Sur la bioéthique, les sénateurs pourraient adopter des positions beaucoup plus progressistes qu'attendues. Quant à la réforme des retraites, elle pourrait aussi recueillir la bienveillance de la chambre haute même si la droite aimerait rouvrir la question de l'âge de départ. Reste que les lois de finances, dont l'adoption en fin d'année est le signe ultime du soutien ou non au gouvernement, feront sans surprise l'objet d'un désaccord majeur entre députés et sénateurs.