"Il n’y a pas de caricature à proclamer les droits fondamentaux !" : Jacques Toubon se rebiffe face à des députés critiques

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par Jason Wiels, le Mercredi 11 avril 2018 à 14:52, mis à jour le Jeudi 9 juillet 2020 à 15:05

Face à des députés de la majorité indignés par sa position jugée "caricaturale" sur le projet de loi immigration du gouvernement, le Défenseur des droits leur a vertement répondu mercredi.

Ce devait être une banale présentation du bilan d'activité du Défenseur des droits pour l'année 2017. Mais très vite, l'audition de Jacques Toubon face aux députés de la commission des lois a pris une tournure beaucoup plus tendue.

Depuis deux mois, celui qui est chargé de défendre les droits des citoyens critique méthodiquement la réforme du droit d'asile et de l'accueil des migrants conçue par le gouvernement. Dans les colonnes du journal Le Monde d'abord, il explique que le demandeur d'asile est "mal traité" dans ce texte dont l'objectif affiché est pourtant de concilier "humanité" et "fermeté".

Puis, dans son avis au Parlement daté du 15 mars, le Défenseur des droits a dénoncé très officiellement une loi "répressive" :

Le Défenseur des droits constate que l’ensemble du présent projet de loi est sous-tendu par une logique de suspicion tendant à faire primer des considérations répressives au détriment des droits les plus fondamentaux des étrangers.
Avis au Parlement du Défenseur des droits, 15 mars 2018

Face au haut fonctionnaire, le député LREM Rémy Rebeyrotte a estimé que ce dernier pourrait adopter une position plus "équilibrée" : "Je peux comprendre cette avalanche de visions négatives, mais à ce point-là...", s'interroge l'élu de Saône-et-Loire qui regrette la "vision caricaturale" du Défenseur des droits.

Le député est alors interrompu par Jacques Toubon, qui objecte, martial : "Il n'y a pas de caricature à proclamer les droits fondamentaux ! Si les droits fondamentaux sont caricaturaux, à ce moment-là il y a un problème."

Des principes et de la réalité en politique

"La liberté et l'indépendance du Défenseur des droits lui permet de ne pas se soumettre au principe de réalité, qui est celui qui vous gouverne", a poursuivi Jacques Toubon. Une phrase qui a "surpris" Coralie Dubost (LREM), qui trouve dommage d'opposer ce principe avec la "réalisation des droits fondamentaux".

Jacques Toubon a alors pris l'exemple des moyens limités des préfectures pour gérer la question de l'hébergement d'urgence qui "grignotent" de fait le "droit inconditionnel à l'hébergement". Pour le Défenseur des droits, là encore, il n'y a "aucune caricature" qui tienne, puisque l'enjeu pour les plaignants qui le saisissent est de savoir "s'[ils] passeront la nuit dans la rue ou s'[ils] la passeront au chaud".

Jacques Toubon a lancé une dernière charge contre des députés sonnés :

Les droits fondamentaux, ça n'est pas dans l'éther. Les droits fondamentaux c'est sur les trottoirs du boulevard de la Villette !Jacques Toubon devant les députés, le 11 avril 2018

Des propos qui ne manqueront pas, à coup sûr, d'alimenter les débats en séance sur le projet de loi Asile-Immigration qui débuteront le 16 avril.