Immigration : une audition sur le budget 2024 en forme de répétition générale avant l'examen du projet de loi en décembre

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Sabrina Agresti-Roubache LCP 25/10/2023
La secrétaire d'État Sabrina Agresti-Roubache à l'Assemblée, mercredi 25 octobre 2023 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 25 octobre 2023 à 15:20, mis à jour le Mercredi 25 octobre 2023 à 17:33

La secrétaire d'Etat chargé de la Citoyenneté et de la Ville a été auditionnée par les députés de la commission des lois, ce mercredi 25 octobre, sur les crédits alloués à l'immigration, à l'asile et à l'intégration dans le cadre du projet de loi de finances 2024. Au-delà du débat budgétaire, l'audition de Sabrina Agresti-Roubache a pris des airs de répétition générale avant l'examen du projet de loi sur l'immigration, prévu en décembre à l'Assemblée nationale. 

Un budget qui "marque une nouvelle étape dans les efforts conduits depuis 2017 pour lutter contre les flux d'immigration irrégulière", a souligné la secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur, chargée de la Citoyenneté et de la Ville, mercredi 25 octobre. Venue présenter aux députés de la commission des lois les crédits alloués à l'immigration, à l'asile et à l'intégration dans le cadre du projet de loi de finances 2024, Sabrina Agresti-Roubache a vanté une hausse de près de 7 % par rapport à l'année dernière, l'enveloppe passant de 2 à 2,2 milliards d'euros en crédits de paiement.

Quelque 260 millions d'euros seront notamment mobilisés pour la maîtrise des flux migratoires, en complément des dépenses dédiées à cette mission par la police, la police aux frontières et la gendarmerie. Cette somme comprend les crédits alloués à la politique des visas, l'aide au retour ou aux lieux de rétention. L'année dernière, près de 5 000 personnes ont bénéficié de l'aide au retour volontaire.

L'enveloppe doit ainsi permettre d'atteindre l'objectif de 3 000 places en centres de rétention administrative (CRA) d'ici à 2027, soit le double des 1 500 places existantes fin 2017, a pointé la secrétaire d'Etat, rappelant l'annonce de l'implantation de 10 nouveaux CRA de 100 places chacun. 60 millions d'euros sont ainsi prévus chaque année d'ici à 2027. Par ailleurs, 15 millions d'euros figurent dans les crédits pour l'achat d'intercepteurs, de moyens de projection et pour la constitution d'un état-major dédié.

Demandes d'asile en hausse

Sabrina Agresti-Roubache a également abordé l'autre versant de la mission, à savoir l'asile et l'intégration. D'après les chiffres fournis par le secrétaire d'Etat, 138 577 premières demandes d'asile ont été enregistrées en 2022 sur le territoire, un "niveau proche de 2019, année où la demande d'asile avait été la plus importante en France", avec une tendance à la hausse qui se poursuit, par rapport à ces dernières années, en 2023. L'exécutif anticipe sur 160 000 demandes en 2024, tout en comptant sur l'amélioration des délais de traitement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Devant la commission des lois, Sabrina Agresti-Roubache a mis en avant l'augmentation du niveau d'exigence de l'apprentissage linguistique et civique concernant le séjour de ressortissants étrangers, en attendant les dispositions du projet de loi immigration qui "prévoit des mesures fortes concernant l'intégration par le travail et par la langue", selon ses mots. 

La secrétaire d'Etat a, par ailleurs, rappelé que la mission "immigration, asile, intégration" du budget n'intégrait pas les crédits exceptionnels pour l'accueil des réfugiés ukrainiens. Elle a mentionné "environ 73 000 personnes dans cette situation", en raison de la guerre déclenchée par la Russie. Ne sont pas non plus intégrés à ce stade les crédits du projet de loi immigration. Ce texte a cependant occupé, dès à présent, une partie notable et particulière dans les échanges entre Sabrina Agresti-Roubache et les députés de la commission des lois. 

Les regards tournés vers la loi immigration

De fait, bon nombre d'élus des oppositions ont évoqué le projet de loi, qui doit être examiné en séance publique au Sénat à compter du 6 novembre, puis à l'Assemblée nationale en décembre. L'article 3, qui prévoit la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, continue notamment de cristalliser l'attention, la droite ayant notamment conditionné son vote sur le texte au retrait de cet article. 

"On a besoin d'une régularisation massive des travailleurs sans-papiers. Cela fait 1 an et demi que la majorité fait la danse du ventre pour avoir les voix d'Olivier Marleix [le président des députés LR] et ses amis. C'est pathétique", a estimé Julien Bayou (Ecologiste). Avant de fustiger le "Front national qui instrumentalise les drames qui secouent notre pays" comme des "charognards", et "la droite qui lui court après".

Andrée Taurinya (La France insoumise) a développé un argumentaire similaire, déplorant un budget qui "prépare le terrain à un projet de loi immigration qui criminalisera toujours plus les étrangers et démolira le droit d'asile". La députée a dénoncé une politique de délivrance d'obligations de quitter le territoire français (OQTF) "absurde et dangereuse".

A rebours de ces critiques, Blandine Brocard (Démocrate), rapporteure pour avis, a appelé à exécuter les OQTF avec davantage de "célérité", regrettant la trop faible exécution de ces décisions. Dans le même temps, la députée a regretté le fait que des personnes qui ont construit leur vie en France puissent finalement se retrouver sous le coup  d'une OQTF, mettant en cause le délai des procédures, qui peuvent faire l'objet de multiples recours. 

Et à l'opposé de la gauche, Edwige Diaz (Rassemblement national) comme Éric Pauget (Les Républicains) ont questionné le montant alloué aux associations de défense du droit d'asile, des organisations qualifiées d'"immigrationnistes" par l'élue RN. Ce montant est d'environ un milliard d'euros chaque année, une dépense "incompréhensible", s'est étonnée Edwige Diaz. "Les fonds versés aux associations de défense du droit d'asile sont 15 fois supérieurs à ceux destinés à la lutte contre l'immigration irrégulière", a complété Eric Pauget, qui a dénoncé "l'opacité qui règne autour des subventions versées à ces associations".

"Ce sont des associations qui remplissent une mission fondamentale, de service public, d'accompagnement des demandeurs d'asile", a répondu Sabrina Agresti-Roubache. "Après, est-ce que quand le droit a rendu son jugement, elles doivent intervenir, je pense que non", a-t-elle précisé, dans un contexte marqué par la polémique liée à l'annulation, en 2014, de la procédure d'expulsion de la famille du terroriste qui a tué le professeur Dominique Bernard à Arras. "La mission de ces associations s'arrête à l'accompagnement. Une fois que le droit est rendu, il doit reprendre sa place", a conclu la secrétaire d'Etat.