Banques : l'Assemblée adopte une proposition de loi pour "lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires"

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par Raphaël Marchal, le Jeudi 13 mars 2025 à 19:43, mis à jour le Jeudi 13 mars 2025 à 22:53

Les députés ont adopté, en première lecture, ce jeudi 13 mars, une proposition de loi visant à lutter contre les "fermetures abusives de comptes bancaires". La portée du texte, d'initiative sénatoriale, ayant été considérablement élargie, le gouvernement s'est opposé à la version votée à l'Assemblée nationale jugée maximaliste, voire inconstitutionnelle.

"Les établissements bancaires procèdent parfois à des fermetures de comptes aléatoires ou injustifiées." Tel était le constat du sénateur Philippe Folliot (Union centriste) lorsqu'il a déposé une proposition de loi visant à "lutter contre les fermetures abusives de comptes bancaires". Après son adoption au Sénat en avril 2024, le texte était examiné en première lecture, ce jeudi 13 mars, à l'Assemblée nationale.

Initialement, le texte visait avant tout à imposer aux banques de motiver leur décision. Mais depuis le début du processus législatif, la portée de la proposition de loi a été largement étendue, au point d'interdire à un établissement bancaire de fermer un compte si le motif repose sur l'absence de rentabilité, le refus du client d'accepter une modification contractuelle, des montants de retraits jugés trop important, ou encore si le titulaire du compte est une personne "politiquement exposée" - ce qui comprend notamment les élus.

Le gouvernement, favorable à l'objet initial de la proposition de loi, a fait valoir son opposition à l'élargissement du texte, qui pose de "sérieuses questions de proportionnalité et de constitutionnalité et pourrait avoir des effets contre-productifs", a mis en garde la ministre déléguée chargée du Commerce, Véronique Louwagie. "Si vous interdisez à une banque de fermer un compte, elle deviendra plus exigeante à l'ouverture d'un compte classique", a-t-elle alerté, pointant une "remise en cause d'une liberté fondamentale, celle du choix du co-contractant".

Comme plusieurs orateurs du socle gouvernemental, le rapporteur du texte, Jean-Paul Matteï (Les Démocrates), a également évoqué un risque d'inconstitutionnalité en raison des modifications apportées. Soulignant, en outre, qu'en cas de doutes sur une activité frauduleuse d'un de ses clients, la banque devait faire un signalement à Tracfin, l'organe de renseignement financier, avant de fermer le compte pour ne pas se rendre complice. "Or, il est inenvisageable de faire connaître le motif de cette décision dans ce cas", a expliqué le député, qui avait déjà tenté en commission de se rapprocher de la version initiale. Sans succès.

Un parcours législatif loin d'être terminé

Et dans l'hémicycle de l'Assemblée, l'addition a donc encore été durcie pour les banques. "D'où vient donc que ces immenses entreprises, qui ne connaissent que si peu la crise, peuvent, sans rendre de compte, priver quelqu'un d'un service essentiel ?", a questionné Eric Coquerel (La France insoumise). "Il faut arrêter avec le mythe d'une banque de la relation qui serait contractuelle entre deux parties égales. La relation est profondément asymétrique", a considéré Emmanuel Maurel (Gauche démocrate et républicaine).

La gauche, ainsi que le Rassemblement national, se sont systématiquement opposés aux amendements visant à atténuer les dispositions de la proposition de loi. Ils ont, au contraire, étendu de deux à quatre mois le délai de préavis préalable à la fermeture d'un compte bancaire, voté pour obliger les banques à envoyer leur décision par courrier avec accusé de réception, ajouté un motif supplémentaire d'interdiction de résiliation portant sur les opinions, activités politiques ou syndicales, et ont prévu une justification détaillée en cas de fermeture d'un compte appartenant à un parlementaire, assortie d'une sanction financière si cette fermeture est jugée abusive.

"Tout cela va ouvrir une insécurité juridique considérable", a déploré, Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République). "On est en train de durcir considérablement le texte, et je crains qu'un conseiller municipal ne puisse même pas ouvrir un compte", a mis en garde Philippe Juvin (Droite républicaine).

"Il y a un procès à faire à certaines pratiques bancaires. (...) Oui, il y a des pratiques de voyous. Cela existe" a, quant à lui, fustigé Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national). Avant d'estimer que le bloc central allait perdre, avec ce texte ainsi amendé, "un moyen de persécution politique". Pour autant, la proposition de loi ainsi adoptée n'a pas terminé son parcours législatif. La version votée à l'Assemblée nationale n'étant pas identique à la copie du Sénat, le texte devra faire l'objet d'au moins une deuxième lecture dans chacune des deux Chambres du Parlement, la ministre Véronique Louwagie espèrant réussir à revenir à une version acceptable pour le gouvernement.