Barbara Pompili s'est félicitée vendredi de l'adoption de crédits "record" pour son ministère de la Transition écologique. Les députés ont également entériné un malus au poids pour l'achat de voitures, dans une version moins contraignante que celle proposée par la Convention citoyenne pour le climat.
"Un budget de combat". C’est ainsi que les moyens alloués à la transition écologique pour 2021 ont été qualifiés par la ministre Barbara Pompili. Cette dernière a jugé d'"historique" l’enveloppe de 48,6 milliards d’euros dont pourra se prévaloir son ministère.
Dans la dernière ligne droit de l'examen du budget 2021, les députés ont adopté un amendement du gouvernement pour instaurer un malus au poids des véhicules lors de leur première immatriculation en France. Ce malus, qui avait d'abord été exclu par la majorité en commission des Finances, se cumulera avec le malus déjà existant qui s'applique aux émissions de CO2 des véhicules – son barème sera d'ailleurs renforcé l'année prochaine.
"Un véhicule plus lourd, c'est plus de matériaux, c'est une dégradation de la qualité de l'air et (...) des accidents plus graves pour les piétons et cyclistes", a argué la ministre qui a proposé de fixer le malus à 10 euros le kilo au-delà de 1.800 kilos.
La mesure est toutefois loin du seuil fixé par les 150 participants de la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitaient appliquer le malus dès 1.400 kilos. "L'idée c'est d'envoyer un signal, pour arrêter cette frénésie du véhicule lourd", a justifié Barbara Pompili.
À ce niveau, la future taxe ne touchera dans les faits que quelques véhicules de niche, comme l'a relevé Valérie Rabault (PS) :
Vous faites un amendement qui ne sert à rien ! Si on regarde la liste des 10 SUV les plus vendus en 2019, un seul dépasse les 1.800 kilos, le seuil que vous mettez aujourd'hui. Valérie Rabault
Plusieurs exemptions (voitures hybrides et électriques, familles à partir de trois enfants, seuil à 2.200 kilos pour les véhicules professionnels) devraient encore limiter le dispositif.
Malgré ces limites, Éric Woerth a vu dans cet amendement une "faute", accusant le gouvernement de vouloir à terme "tuer l'industrie automobile" avec ce genre de "mesures punitives". "Cette mesure concerne les plus gros SUV qui coûtent 50.000 €. Donc on fait payer des gens qui peuvent se permettre le luxe de polluer les autres ! Excusez-moi, ça ne me pose absolument aucun problème", lui a rétorqué la ministre. L'amendement a été adopté à mains levées, sans les voix du groupe Les Républicains.
Les oppositions ont aussi pointé du doigt des manquements dans ce budget. Plusieurs députés, de La France insoumise à LR ont ainsi souligné l’insuffisance des moyens alloués à la rénovation thermique - en particulier pour inciter les foyers les plus modestes - faisant valoir qu’un programme ambitieux en la matière aurait des conséquences vertueuses à la fois en terme de relance de l’activité dans le BTP et d'économies pour le secteur de la Santé.
Loïc Prud’homme (La France insoumise) a ainsi porté un amendement, soutenu par le rapporteur Julien Aubert (Les Républicains), proposant d’ajouter 650 millions d’euros au programme de rénovation des passoires thermiques. L’amendement, aussi soutenu par les groupes GDR et MoDem, n’a pas été adopté, le gouvernement s'y étant déclaré défavorable.
D'autres amendements ont été rejetés in extremis. C'est notamment le cas d'amendements analogues issus de plusieurs bancs de l’opposition, et visant à renforcer les moyens dévolus à l’Office français de la biodiversité (OFB), créé l’an dernier, en y sanctuarisant notamment les emplois. Là encore le gouvernement s'est opposé à ces dépenses, au grand dam de certains, y compris dans la majorité. Ainsi le député Bruno Millienne (MoDem) s’est-il exclamé : "Je vais faire une action de crowdfunding et on va trouver de l’argent pour les parcs nationaux, pour les parcs régionaux ou pour l’OFB ! (…) Il y a un moment où ce refus systématique, je le comprends de moins en moins".
François de Rugy (LaREM), lui-même ancien ministre de la Transition écologique et solidaire, a lui volé au secours de Barbara Pompili, en déclarant : "Il y a 40 000 agents au sein du Ministère de la Transition écologique, on ne peut quand même pas dire que ce soit réduit à sa plus simple expression". Et d’ajouter : "La vraie politique dynamique des effectifs au sein d’un ministère comme celui de la Transition écologique qui permet de faire face à de nouvelles priorités, c’est de redéployer des effectifs, et ça je pense que Madame la ministre doit pouvoir l’obtenir dans les négociations à l’intérieur des effectifs de l’Etat".
Le député communiste Jean-Paul Dufrègne s'est à l'inverse insurgé : "Monsieur de Rugy sait bien de quoi il parle effectivement (…) Aujourd’hui c’est vous, c’est l’Etat à travers vos prises de position qui supprimez beaucoup d’emplois dans ce pays, et des emplois qui sont utiles sur des secteurs qu’on a besoin d’impulser, car au-delà de la biodiversité c’est aussi l’économie de demain".
Si les députés ont largement adopté à 87 voix pour (23 contre) les crédits de la mission "Écologie, développement et mobilité durables", le soutien au secteur photovoltaïque a dans la foulée fait l’objet d’un débat nourri.
En cause, un amendement défendu par le gouvernement visant à réviser certains contrats de subvention, conclus entre 2006 et 2010, et dont le coût pour l’Etat s’élèverait à deux milliards d’euros par an. Ces contrats favorisaient une rentabilité "hors de proportion", selon la ministre Barbara Pompili, au bénéfice d'une poignée de gros acteurs de la filière solaire. Sur ces deux milliards - qui représenteraient plus du tiers des dépenses annuelles de soutien aux énergies renouvelables - le gouvernement espère récupérer 350 à 400 millions d'euros par an, promettant de les réinjecter dans d'autres aides aux énergies propres.
Le président de la commission des finances Eric Woerth (LR), s’est opposé à la mesure en dénonçant une "rupture unilatérale de contrats", relevant du "fait du prince".
Des parlementaires de Corse et d’Outre-mer, où la filière solaire est particulièrement implantée et concerne de nombreux emplois, ont par ailleurs demandé que leurs territoires fassent exception à la règle commune. Les députés communistes, tout en soutenant la mesure globale, se sont prononcés en faveur de ces sous-amendements. L’amendement gouvernemental a finalement été adopté à 91 voix pour, 32 voix contre.