La commission des lois de l'Assemblée nationale a rejeté, ce mardi 3 juin, la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête "sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste". La demande avait été déposée par Laurent Wauquiez (Droite républicaine), dans le cadre du "droit de tirage" de son groupe.
Une égalité parfaite, 23 pour et 23 contre... Résultat : la demande de création d'une commission d'enquête "sur les liens existants entre les représentants de mouvements politiques et des organisations et réseaux soutenant l’action terroriste ou propageant l’idéologie islamiste" a été jugée irrecevable, comme le prévoit la procédure en cas d'égalité. Le vote à main levée a eu lieu, ce mardi 3 juin après-midi, au sein de la commission des lois à l'Assemblée nationale. "L'égalité fait que la proposition est jugée non recevable", a conclu le président de la commission Florent Boudié (Ensemble pour la République).
Cette demande de commission d'enquête avait été déposée par Laurent Wauquiez dans le cadre du "droit de tirage" du groupe "Droite républicaine", qu'il préside. "Jour après jour, se forme un faisceau d’indices dessinant des liens de complaisance et de soutien entre des élus de la République, essentiellement issus de la France insoumise, et des réseaux islamistes voire terroristes", indiquait notamment l'exposé des motifs du texte présentant les objectifs de la commission d'enquête.
Lors de la discussion précédant le vote, la rapporteure de la recevabilité, Léa Balage El Mariky (Ecologiste et social), avait dit estimer que cette demande ne remplissait pas, selon elle, deux des trois critères nécessaires à la validation de la recevabilité d'une commission d'enquête : celui relatif à la "précision des faits", qui "jette le trouble sur l'intention des auteurs", et celui sur "l'absence d'empiètement sur des procédures judiciaires en cours". Une commission d'enquête "ne peut pas être dictée par des manœuvres politiciennes" et "nous ne pouvons pas en faire un outil de règlements de comptes politiques entre nous", a-t-elle plaidé, remarquant que l'objectif était de viser La France insoumise.
Léa Balage El Mariky a souligné que, si l'article unique du texte "vise les représentants politiques au pluriel", l'exposé des motifs de la proposition de résolution "cite à sept reprises le parti LFI". "Aucun autre n'est évoqué", a poursuivi l'élue parisienne, ajoutant que "certaines allusions sont transparentes" et que "certaines insinuations, notamment concernant des liens supposés de certains politiques avec des mouvements terroristes, pourraient faire l'objet de sanctions pour mise en cause personnelle". En conclusion, la rapporteure a estimé que "le premier critère n'est pas respecté, notamment en raison d'une présentation insuffisante de ce que les auteurs entendent par idéologie islamiste qui marque en réalité l'obsession d'un unique parti".
Concernant le périmètre de la commission d'enquête, elle a en outre indiqué que le garde des Sceaux, Gérald Darmanin, saisi comme le veut la procédure par la présidente de l'Assemblée nationale, a "répondu qu'il était susceptible de recouvrir des procédures en cours" et "rappelé que l'enquête parlementaire ne devait pas donné lieu à des investigations sur des aspects relevant de la compétence exclusive de l'institution judiciaire".
Dans la foulée, chaque groupe était appelé à prendre la parole pour justifier de son choix de soutenir, ou non, la création d'une telle commission d'enquête. Pour le groupe "Droite républicaine", à l'origine de la demande, Vincent Jeanbrun a dénoncé "les accointances, les silences complices, voire les proximités assumées avec des mouvements qui défendent une idéologie radicale contestant les valeurs de la République". "Nous devons comprendre comment ces réseaux s'enracinent et comment certains acteurs politiques, par naïveté ou idéologie, deviennent leur relais", a-t-il déclaré, car "nous ne pouvons plus tolérer les ambiguïtés".
"On ne peut faire de procès d'intention à personne", a pour sa part estimé Xavier Albertini (Horizons), qui a tenu à rappeler que la commission des lois devait seulement examiner ce jour la recevabilité de la demande, jugeant que celle-ci était fondée. S'appuyant, comme d'autres, sur le récent rapport sur les Frères musulmans, la députée Brigitte Barèges (Union des droites pour la République) a appelé à "ne jamais avoir peur de la vérité" et à "arrêter avec l'angélisme, car la République est en danger". "Malgré ces arrières pensées politiciennes, le Rassemblement national se réjouit qu'après tant d'années de cécité, de mutisme et de stratégie électoraliste, Les Républicains envisagent de s'attaquer à l'obscurantisme islamiste", s'est quant à elle félicité Hélène Laporte.
Egalement en soutien à la recevabilité de la demande de Laurent Wauquiez, le groupe "Les Démocrates" a toutefois tenu à faire des "observations importantes" par la voix de Blandine Brocard. Le but des commissions d'enquête est de "faire la lumière sur des dysfonctionnements", "ce ne sont pas des juridictions parallèles" et elles ne doivent pas "devenir des instruments de règlements de comptes politiques", a-t-elle pointé.
"Les conditions de recevabilité sont remplies. Le groupe "Ensemble pour la République" ne s'opposera donc pas, et pour certains d'entre nous seront favorables, à la création de cette commission d'enquête", a de son coté indiqué Sébastien Huyghe, pour qui "un tel sujet mérite d'être abordé dans un cadre institutionnel clair".
Et La France insoumise ? C'est Gabrielle Cathala qui a pris la parole en commission des lois. "La Droite républicaine, qui n'a de républicain que le nom, entend ici instrumentaliser notre Assemblée nationale pour alimenter les pires fantasmes", a-t-elle critiqué, dénonçant un "débat digne de Le Gorafi" proposé par Laurent Wauquiez, "prétendant déchu au congrès de son parti, venu servir son agenda islamophobe et salir ses opposants pour espérer exister médiatiquement dans la course à l’échalote sponsorisée par l'extrême droite".
A l'issue du vote, la présidente du groupe "La France insoumise", Mathilde Panot, a réagi sur X, écrivant à l'intention de Laurent Wauquiez : "Voilà ce qui arrive lorsque l’on confond l’Assemblée et le plateau de Cnews."