Dans l'attente de la nomination d'un nouveau Premier ministre et de son équipe, le gouvernement sortant de François Bayrou est chargé de gérer les affaires courantes. Mais ses prérogatives sont limitées, comme le rappelle à LCP la députée Léa Balage El Mariky (Ecologiste et social), co-autrice avec son collègue Stéphane Mazars (Ensemble pour la République) d'un rapport sur les gouvernements démissionnaires.
Léa Balage El Mariky : Un gouvernement démissionnaire n'a plus de responsabilité face au Parlement, puisqu'il ne peut pas être renversé une deuxième fois. C'est de ce principe que découle la restriction du périmètre de son action : il ne peut agir que sur les "affaires courantes" et les "affaires urgentes". Les affaires courantes relèvent de la mise en œuvre des choses qui sont récurrentes, la publication de décrets habituels, tandis que les affaires urgentes concernent les événements d'une particulière gravité, qui nécessitent que des règlements soient pris.
En revanche, un gouvernement démissionnaire n'est plus censé investir tout ce qui revêt une coloration politique. C'est pour cette raison que le gouvernement s'est empressé de tenter de faire passer le doublement des franchises médicales par décret, une mesure qui ne rentre pas dans le périmètre des affaires courantes, car politique et contestée. On remarque d'ailleurs souvent une petite inflation réglementaire dans les derniers jours d'un gouvernement, avant qu'il ne soit chargé des affaires courantes.
Il faut noter que le gouvernement sera démissionnaire dès lors que la démission de François Bayrou aura été acceptée par le président de la République. L'année dernière, Gabriel Attal avait remis sa démission dès le 8 juillet, au lendemain des législatives anticipées ; mais Emmanuel Macron avait attendu jusqu'au 16 septembre pour accepter cette démission. Enfin, le gouvernement restera démissionnaire tant que les ministres de plein exercice du prochain gouvernement n'auront pas été nommés.
Léa Balage El Mariky : Il s'agit là d'un angle mort de notre régime parlementaire, qui a été construit, sous la Vème République, sur le fait majoritaire. Un gouvernement démissionnaire ne devait pas à l'origine excéder 48 heures ; mais la situation a changé, au vu de la réalité tripartite de l'Assemblée.
Il y a eu un trou dans la raquette dans la période du gouvernement démissionnaire Attal, qui a duré 67 jours. L'Assemblée nationale n'avait rien fait ; les commissions permanentes auraient pu se réunir. Dans le processus législatif, on a pris l'habitude que le gouvernement ait une place prépondérante.
C'est pour cette raison qu'avec Stéphane Mazars (Ensemble pour la République), à l'issue de notre mission flash, nous avons effectué un certain nombre de préconisations : que l'on puisse toujours déposer les questions écrites ; que les commissions puissent se réunir, convoquer les ministres démissionnaires sur leur périmètre d'action ; et confier à la commission des lois les prérogatives d'une commission d'enquête, s'il y a manifestement des ministres qui décident d'outrepasser le champ des affaires courantes.
A titre individuel, je pense que le parcours des propositions de loi ne doit pas être entravé parce que les ministres sont tombés, y compris en séance publique. Si une proposition de loi majeure a fait tout le chemin législatif, je ne vois pas en quoi l'absence d'un gouvernement de plein exercice devrait nous empêcher de voter. Ce n'est pas le sens des institutions. Le Parlement s'auto-limite, comme si on n'était pas capable de légiférer sans gouvernement.
Léa Balage El Mariky : Les affaires courantes et urgentes recouvrent la capacité pour un gouvernement démissionnaire de déposer un projet de loi, si l'urgence le nécessite. Si les choses s'étirent en longueur, on pourrait imaginer que le gouvernement démissionnaire dépose son projet de budget et de financement de la Sécurité sociale. L'essentiel, ce serait qu'il ne prenne pas des arbitrages que le Parlement ne pourrait pas venir modifier.
Léa Balage El Mariky : Sur le modèle de la loi de 1955 sur l'état d'urgence, il faudrait qu'il y ait un contrôle renforcé de l'action d'un gouvernement démissionnaire par le Parlement, ce qui nécessite une loi organique. En parallèle, notre proposition de loi adoptée à l'unanimité en avril dernier [à l'Assemblée nationale, mais pas encore examinée au Sénat] permet un contrôle juridictionnel par les députés de l'action du gouvernement, et la remise d'un rapport à la fin de la période d'expédition des affaires courantes.
Au cours de l'examen du texte, nous avons eu un débat sur quels pouvaient être les parlementaires qui pouvaient avoir un intérêt à agir, pour contester un acte du gouvernement pris en dehors de son champ de compétence en période d'expédition des affaires courantes. Dans la version qui a été adoptée, nous avons décidé de réserver cette prérogative aux présidents de chacune des Chambres du Parlement, aux présidents des commissions permanentes et aux présidents des groupes parlementaires.
A titre personnel, j'estime également qu'il existe un problème de temporalité à partir duquel un gouvernement est dit démissionnaire. Pour moi, il faudrait ajouter qu'à partir du moment où le président de la République décide de dissoudre l'Assemblée nationale, le gouvernement devrait être démissionnaire, dès lors qu'il n'est plus responsable devant le Parlement.