Le PLFSS 2021 adopté en commission malgré l'incertitude liée à la crise sanitaire

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Thomas Mesnier s'exprime en commission des affaires sociales. Assemblée nationale, le 14 octobre 2020.
par Maxence Kagni, le Jeudi 15 octobre 2020 à 12:23, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 18:38

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui prévoit un déficit de 27 milliards d'euros pour l'année 2021, a été adopté par la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.  

Les députés de la commission des affaires sociales ont adopté dans la nuit de mercredi à jeudi le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). Les équilibres de ce texte, qui prévoient un déficit des comptes de la Sécurité sociale de 27,1 milliards d'euros en 2021, sont d'ores et déjà menacés par la deuxième vague de l'épidémie de coronavirus.

Le PLFSS pour 2021 prévoyait notamment 4,3 milliards d'euros pour les masques, les tests et un éventuel vaccin. Mais le déclenchement à partir de ce samedi de l'état d'urgence sanitaire et la décision du président de la République,Emmanuel Macron d'imposer un couvre-feu à Paris, en Ile-de-France et dans huit métropoles pourrait avoir des conséquences directes sur le texte adopté.

"Est-ce que le PLFSS va être rectifié ?", a demandé mercredi soir le député Les Républicains Thibault Bazin, quelques minutes après les annonces du chef de l'Etat. "Je ne suis pas encore en mesure de vous le dire", a reconnu le rapporteur général du texte Thomas Mesnier (La République en marche).

Médecins libéraux

Les députés ont toutefois adopté le PLFSS sans modification substantielle, malgré plusieurs tentatives issues des groupes La France insoumise et Gauche démocrate et républicaine de supprimer progressivement les effets du CICE, de revenir sur la désocialisation des heures supplémentaires, d'instaurer une cotisation sociale spéciale sur les transactions financières et de rétablir l'ISF d'avant la réforme du début du quinquennat. 

Les députés Les Républicains ont pour leur part mis en cause, sans succès, l'article 33 du projet de loi, qui repousse au 31 mars 2023 l'échéance de la convention nationale qui régit les rapports entre les médecins libéraux et l'Assurance maladie.

Celle-ci était initialement prévue le 24 octobre 2021. "Une telle prolongation ne permettrait pas la mise en place attendue de nouvelles mesures tarifaires", a déploré Thibault Bazin.

Salaires des soignants

Le texte adopté valide les annonces du Ségur de la santé. Il prévoit notamment une hausse de salaire de 183 euros nets par mois en moyenne pour les personnels hospitaliers et des Ehpad. "C'est quelque chose d'extraordinaire", s'est félicité mercredi soir Monique Iborra (La République en marche). 

Toutefois, "au regard de la situation" sanitaire, le Premier ministre Jean Castex a annoncé jeudi une modification du dispositif adopté dans la nuit par les députés : la hausse des salaires sera pleinement effective "avant la fin de l'année" et non plus au 1er mars 2021 comme initialement prévu. La hausse étant déjà budgétée dans le texte, la décision du Premier ministre ne devrait pas en modifier les équilibres financiers.

Par ailleurs, le gouvernement a promis "une indemnité compensatrice de congés annuels non pris, allant de 100 à 200 euros brut par jour" pour les soignants qui renonceront à leurs vacances de la Toussaint.

Fuites de professionnels

Le rapporteur Thomas Mesnier a précisé mercredi qu'à ces mesures s'ajouteront "au plus tard au 1er janvier 2022" une revalorisation des grilles de rémunération pour "les aide-soignants, les corps infirmiers, les filières de rééducation et médico-technique".

Mais pour l'instant, plusieurs secteurs du médico-social ne bénéficient pas de ces hausses, comme celui du handicap ou des métiers de l'aide et du soin à domicile. 

Un "oubli" qui fait craindre à Thibault Bazin (Les Républicains) une "concurrence entre les secteurs de la santé et du médico-social". "On observe des fuites de professionnels d'un secteur à un autre", a ajouté l'élu Les Républicains, rejoint sur ce point par Caroline Fiat (La France insoumise), qui évoque des "vagues de démissions pour partir vers les autres secteurs qui proposent les 183 euros".

Il y a ce sentiment qu'il y a un trou dans la raquette et que l'on va oublier le secteur du handicap, pourtant essentiel pour ce qui fait notre société. Paul Christophe (Agir ensemble)

"La fuite existe aussi des services d'aides à domicile vers des structures comme les Ehpad", a souligné Agnès Firmin Le Bodo (Agir ensemble).

"Malgré la fuite que vous décrivez d'un côté, on ne la voit pas arriver à l'hôpital public", a relativisé Thomas Mesnier, qui juge toutefois "utile" d'avoir un débat à ce propos en séance publique avec le ministre de la Santé, Olivier Véran.

Passage aux urgences

Lors de l'examen, le député communiste Pierre Dharréville a interpellé la majorité sur l'article 28 du texte, qui crée une "participation forfaitaire [de 18 euros] à la charge des patients qui passent aux urgences sans être hospitalisés".

L'occasion pour Thomas Mesnier d'apporter des précisions sur ce sujet "qui a fait l'objet d'énormément de malentendus dans la presse". "Ce n'est pas une mesure d'économie", a martelé le rapporteur, précisant que celle-ci se fait à "budget constant".

"Aujourd'hui, le patient est redevable d'un ticket modérateur de 20% de chaque prestation dont il a bénéficié lors de son passage aux urgences", a expliqué le député La République en marche.

Ce ticket serait aujourd'hui en moyenne de 19 euros dans les hôpitaux publics et de 20 dans le privé. Mais, ajoute Thomas Mesnier, "presque personne ne s'en rend compte", puisque "les tickets modérateurs sont pris en charge par les mutuelles".

Les femmes enceintes et les nourrissons ne devront pas payer le nouveau forfait de 18 euros, tout comme les personnes victimes de terrorisme, les mineurs victimes de sévices sexuels et toute personne en cas de "risque sanitaire grave et exceptionnel". Les personnes souffrant d'une affection longue durée paieront une somme forfaitaire de huit euros.

Congé paternité

Les députés ont également adopté l'article 35 du projet de loi, qui prévoit un doublement du congé paternité et d'accueil de l'enfant, qui passera de 14 à 28 jours, dont 7 obligatoires. La mesure doit entrer en vigueur le 1er juillet 2021.

Les Républicains ont tenté, en vain, de limiter la portée de l'article en y "ajoutant de la flexibilité". Ils souhaitaient notamment "protéger l'intimité et la vie privée" en permettant à un père de ne pas "faire part de la naissance de l'enfant à son employeur pour des raisons personnelles".

La commission des affaires sociales a par ailleurs adopté un amendement visant à verser la prime de naissance au septième mois de grossesse. Il s'agit, selon la rapporteure Monique Limon (La République en marche), d'un "hommage à l'action menée par (l'ancien député) Gilles Lurton", qui avait fait adopter en juin dernier une proposition de loi sur ce sujet.

Les députés ont également adopté un amendement qui rend "obligatoire la pratique du tiers-payant pour les actes en lien avec la pratique d’une interruption volontaire de grossesse et de garantir dans tous les cas la confidentialité de l’IVG".

Le projet de loi sera débattu en séance publique à partir du mardi 20 octobre.