Les députés ont adopté en commission des lois le texte élargissant le passe sanitaire et actant l'obligation vaccinale des soignants. Principal changement voté : l'exemption pour les mineurs de plus de 12 ans du passe sanitaire jusqu'au 30 septembre, afin de leur donner le temps de se faire vacciner.
C'est le texte censé concrétiser les annonces d'Emmanuel Macron afin de contenir la montée de la quatrième vague de l'épidémie. Au lendemain de sa présentation en conseil des ministres, le projet de loi sur la gestion de la crise sanitaire a été approuvé en commission tard dans la nuit de mardi à mercredi par les députés, avant un examen prévu dès l'après-midi dans l'hémicycle.
Malgré un calendrier éclair - durement critiqué par les oppositions - les discussions ont été intenses sur un texte qui cristallise les points d'attention. Si l'obligation vaccinale chez les soignants et personnels assimilés a plutôt fait consensus, l'extension du passe sanitaire à de nombreux lieux de vie au-delà de 50 personnes a suscité beaucoup de débats. De plus, le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire est prorogé, passant du 31 octobre au 31 décembre. Le texte prévoit en outre de systématiser l'isolement des malades, dans le lieu de leur choix, pendant dix jours avec une sortie autorisée entre 10 heures et midi.
"Notre objectif, comme toujours, est de prendre des mesures proportionnées", a fait valoir Jean Castex lors des questions au gouvernement, promettant de saisir le Conseil constitutionnel sur l'ensemble du texte. "En 48h, avec le variant Delta, on passe d'une zone calme à une zone de tempête", a justifié de son côté Olivier Véran sur le durcissement des mesures sanitaires.
Car le ministre de la Santé a redit, selon lui, quelle serait l'alternative à toutes ces mesures : le risque d'un reconfinement pur et simple du pays. Une mesure encore pire que le passe sanitaire selon lui, qu'il estime pourtant être un "vilain concept", et que le gouvernement "bazardera" (sic) dès qu'il le pourra :
Report voire interdiction du passe sanitaire pour les 12-17 ans : @olivierveran est contre.
— LCP (@LCP) July 20, 2021
> "Le passe sanitaire n'est pas un bel outil (...) mais je n'ai pas le choix. (...) Je déteste encore plus l'idée de couvre-feu ou de confinement."#DirectAN #COVID19 pic.twitter.com/6YgTvNLOHI
Il faut dire que l'extension du passe sanitaire, y compris à des lieux de la vie quotidienne comme les cafés, restaurants voire les transports longue distance, constitue une volte-face importante par rapport au texte de sortie de l'état d'urgence sanitaire, voté en mai et dans lequel les députés LaREM ont mis un point d'honneur à ne pas subordonner "les activités quotidiennes"... à la présentation d'un document sanitaire.
L'attaque la plus vive est d'ailleurs venue des rangs de la majorité par la voix de Pacôme Rupin (LaREM), qui a manifesté son rejet catégorique de cette solution, jugée liberticide :
.@PacomeRupin (LaREM) dénonce un #PasseSanitaire qui "va fracturer notre pays", "une atteinte majeure à la liberté d'aller et venir, à la liberté de conscience, au droit de refus de se soumettre à un traitement, à la vie privée et aux données personnelles de santé". #PJLSanitaire pic.twitter.com/BHr5ktol3W
— LCP (@LCP) July 20, 2021
Les amendements de suppression contre le passe sanitaire, portés notamment par les élus de gauche, ont été rejetés. "Vous allez introduire des discriminations pour des actes de la vie quotidienne", a critiqué Ugo Bernalicis (LFI), tandis que les socialistes ont plaidé pour une obligation vaccinale pour tous.
Un amendement porté par La République en marche a cependant été adopté. Il retarde l'application du passe pour les mineurs de plus de 12 ans au 30 septembre. Le gouvernement avait lui évoqué une tolérance jusqu'au 30 août, alors que la future loi pourrait être promulguée début août. Les 12-17 ans, qui n'ont pu accéder à la vaccination que le 15 juin dernier, soit six mois après le début de la campagne officielle, auront donc un mois de plus pour se faire vacciner.
"Je ne maîtrise pas les conséquences de cet amendement", a prévenu Olivier Véran, très défavorable à ce report au-delà des vacances.
Des députés de tout bord ont aussi tenté d'exclure les terrasses des cafés et restaurants du passe sanitaire, sans succès. Pour Olivier Véran, cela rendrait "ingérable" le fonctionnement de ces lieux :
Pourquoi le passe sanitaire doit s'appliquer sur les terrasses selon @olivierveran : "Autrement, cela veut dire que toutes les personnes à l'extérieur ne peuvent pas rentrer dans le lieu. (...) C'est absolument ingérable pour les restaurateurs."#DirectAN #COVID19 #PJLSanitaire pic.twitter.com/JFuSAa74ai
— LCP (@LCP) July 20, 2021
Les parlementaires ont aussi demandé des précisions sur ce que l'exécutif entendait par les voyages "longue distance" (car, train ou avion) qui seront conditionnés demain à un passe sanitaire, sans obtenir pour l'instant de réponse claire.
La commission a rejeté les amendements demandant d'exclure les centres commerciaux du passe sanitaire. Leurs auteurs se sont pourtant appuyés sur l'avis du Conseil d'État qui voit dans le conditionnement de l'accès à "des biens de première nécessité, notamment alimentaires, (...) une atteinte disproportionnée aux libertés".
Plusieurs députés, dont Aurélien Pradié (LR), se sont aussi étonnés que le texte exige un document pour manger au restaurant, mais pas dans la restauration collective, type cantine d'entreprise.
Qu'est-ce qui fait qu'on se contamine plus dans un restaurant traditionnel que dans un restaurant d'entreprise ? Aurélien Pradié, le 20 juillet 2021
"Le travail, l'activité économique est considérée comme essentielle dans notre pays", lui a répondu Olivier Véran.
Les députés ont validé les sanctions contre les exploitants, par exemple les restaurateurs, des lieux concernés par le passe sanitaire en cas de non contrôle à l'entrée. Les contrevenants s'exposent à des sanctions allant jusqu'à un an d'emprisonnement et 9 000 euros d'amende (contre trois ans et 45 000 euros dans l'avant-projet de loi).
Cette mise sous pression des responsables de lieux recevant du public constitue un revirement majeur depuis la précédente loi d'urgence sanitaire. Comme le rappelle Pacôme Rupin, les députés avaient voté à l'époque une sanction pour tout ceux qui.... réclameraient un passe sanitaire hors grands événements :
Sanction contre les exploitants en cas de non contrôle du passe sanitaire : "Je veux faire remarquer qu'il y a trois mois on a voté exactement l'inverse : nous sanctionnions ceux qui le demandaient...", rappelle @PacomeRupin. #DirectAN #COVID19 #PJLSanitaire pic.twitter.com/SyKHrYIoKP
— LCP (@LCP) July 21, 2021
Cette obligation de vérification des clients sera "du temporaire, le plus court possible", a promis le ministre, convenant que "ce n'est pas le cœur de métier des tenants de bar".
Décidée par Emmanuel Macron avec le soutien plutôt large de la classe politique, le texte entérine l'obligation vaccinale pour les soignants, qu'ils exercent en libéraux, en établissement ou à domicile. L'étude d'impact du projet de loi estime qu'il n'y avait, au 15 juin, "pas de réelle différence" entre le taux de vaccination des soignants et celui de "la population générale alors que les professionnels de santé ont eu accès à des créneaux de vaccination dès le début de la campagne".
Des sanctions, jusqu'au licenciement, pourront être prononcées. Devant la crainte d'une "vague de licenciements" à l'automne, exprimée par les élus de La France insoumise, le ministre a balayé tout risque de départs massifs :
Sur les départs de soignants, "je n'y crois pas" déclare @olivierveran. "Ce n'est pas parce que vous voyez une aide-soignante qui fait une vidéo pour dire en pleurant qu'elle va quitter son boulot, que c'est un mouvement collectif. Cela s'appelle de la propagande". #PJLSanitaire pic.twitter.com/tkpDKs7hZW
— LCP (@LCP) July 20, 2021
Les députés doivent se retrouver dans l'hémicycle mercredi à 15h pour discuter du projet de loi, avant une transmission du texte planifiée jeudi au Sénat, et une adoption définitive espérée d'ici à la fin de la semaine.