Le 1er tour de l'élection législative partielle dans la 2ème circonscription de Paris aura lieu ce dimanche 21 septembre. Un scrutin qui fait suite à l'invalidation des comptes de campagne du député Jean Laussucq (Renaissance) qui avait été élu en 2024. En lice pour lui succéder : l'ex-Premier ministre Michel Barnier (Les Républicains), deux anciens ministres, Frédérique Bredin (Parti socialiste) et Thierry Mariani (Rassemblement national) et quatorze autres candidats.
A l'heure du goûter, ce mercredi 17 septembre, dans un café du 5e arrondissement de Paris, Michel Barnier, en campagne pour l'élection législative partielle dans la 2ème circonscription de Paris, croise l'académicien Marc Lambron, qui habite le quartier. Les deux hommes se connaissent, parlent littérature. Bientôt, l'écrivain fera une lecture à l'Assemblée nationale. Y croisera-t-il l'ex-Premier ministre et candidat Les Républicains pour le scrutin dont le 1er tour a lieu ce dimanche ? "Est-ce qu'il est déjà arrivé qu'il ne soit pas élu ?", sourit l'homme de lettres, comme si la réponse ne faisait aucun doute dans ce territoire traditionnellement ancré à droite. "Ce n'est jamais gagné d'avance", réplique l'intéressé, devant sa tasse de camomille.
Député, Michel Barnier connaît : il l'a été pendant quinze ans, élu en Savoie à trois reprises, de 1978 à 1993. Alors, quand l'élection de 2024 a été invalidée par le Conseil constitutionnel, il a décidé de "saisir l'opportunité" de retrouver l'hémicycle, moins d'un an après avoir été censuré... à l'Assemblée. L'ancien locataire de Matignon l'assure : le choix de poursuivre en politique avait été pris "collectivement, avec [ses] équipes" en janvier ; un micro-parti a d'ailleurs été créé. "Je suis un homme politique, j'ai des convictions, mon pays va mal, je dois rester sur le pont", explique Michel Barnier, qui juge que, sur le terrain, son court passage à Matignon est plutôt mis à son crédit : "Tous les jours, les gens me disent 'On vous regrette'." Sa suppléante et maire du 5e, Florence Berthout (Horizons) abonde : "Les administrés se reconnaissent en lui. C'est un homme d'Etat, au-dessus des partis, qui va être capable de défendre des dossiers et de rassembler."
De son côté, Michel Barnier affirme avoir tourné la page de Matignon. "Je n'ai pas de rancœur, j'ai de la mémoire et des souvenirs", indique-t-il, déplorant l'addition de voix allant de La France insoumise au Rassemblement national en passant par le Parti socialiste qui avait conduit à sa chute, avant de filer à une réunion d'appartement. A un couple de retraités qui, en le voyant attablé un peu plus loin, rue Saint-Victor, le félicite pour son "courage", il répond : "C'est pour ça que j'y retourne !" L'ancien Premier ministre du "socle commun" étant en lice, le parti présidentiel Renaissance a décidé de ne pas présenter de candidat.
Seize autres candidats sont sur la ligne de départ du 1er tour de l'élection (liste complète à consulter en bas de page) dans cette circonscription dont le territoire comprend le 5e arrondissement, ainsi qu'une partie des 6e et 7e arrondissements de Paris. Parmi eux, Frédérique Bredin, la candidate du Parti socialiste. Déambulant mercredi dans les allées du marché de la Place Monge, elle glisse aux passants à qui elle tend son tract de campagne : "C'est dimanche !". Si certains acquiescent, beaucoup affichent une mine interloquée. "Tout notre problème a été d'expliquer aux gens qu'il y avait et pourquoi il y avait une élection", explique Frédérique Bredin, regrettant une campagne "trop courte".
Soutenue par le Parti communiste, Les Ecologistes et Place Publique, elle espère toutefois déjouer les pronostics. "Ce qui a été frappant depuis le début de la campagne, c'est que la droite s'est crue propriétaire de cette circonscription. Elle pense que c'est un trône qui lui revient, or la démocratie ce n'est pas ça". Et la candidate socialiste de dénoncer les "arrangements" entre Rachida Dati et Michel Barnier, qu'elle apparente à "des méthodes d'autrefois" et à "des pratiques qui dégoûtent les gens de la politique". Alors qu'il y a quelques semaines encore, la ministre de la Culture du gouvernement démissionnaire menaçait de se présenter face à l'ex-Premier ministre, tous deux se sont affichés ensemble le week-end dernier. De son côté, Frédérique Bredin - qui a déjà siégé deux fois à l'Assemblée nationale, de 1988 à 1991 et de 1995 à 2000 en tant qu'élue de la Seine-Maritime -, martèle que l'hémicycle doit "refléter l'intérêt général, non les querelles d'égos".
A ses côtés, sa suppléante Marine Rosset, tête de liste en 2024, constate sur le terrain ce qu'elle estime pouvoir s'appliquer à l'ensemble du pays. Elle évoque en particulier "la déception à l'égard d'Emmanuel Macron, pour qui beaucoup de gens ont voté dans la circonscription", et dont elle estime qu'elle s'est encore exacerbée depuis l'année dernière. Une donnée sur laquelle la candidate et sa suppléante espèrent capitaliser, réfutant le terme de grand écart quand il s'agit de s'adresser tout à la fois aux électeurs centristes et à la gauche radicale. Et pour cause, si Renaissance n'a pas investi de candidat pour cette élection, La France insoumise n'en présente pas non plus - sans pour autant que son logo figure avec ceux des autres partis de gauche sur le tract de campagne de Frédérique Bredin.
Ce que ne manquent pas de critiquer ses adversaires. "Elle a du mal à cacher qu'elle est soutenue par LFI et par ceux qui veulent mettre des drapeaux palestiniens sur les mairies, faut assumer !", raille Michel Barnier. "Elle a le soutien indirect de La France insoumise", renchérit l'eurodéputé Thierry Mariani, candidat du Rassemblement national au scrutin dont le 1er tour se tiendra dimanche. "Je crois que c'est le rôle du PS de pouvoir s'adresser à la fois aux électeurs de LFI et à ceux qui ont voté Macron auparavant. C'est le seul parti à l'intérieur de la gauche apte à réaliser ce rassemblement", rétorque Marine Rosset, éphémère présidente des Scouts et Guides de France poussée à la démission cet été.
Dans cette bataille pour la 2e circonscription de Paris, Frédérique Bredin, qui fut ministre de la Jeunesse et des Sports de François Mitterrand voit, elle aussi, l'illustration à échelle réduite de l'évolution politique du pays. "On est un vrai laboratoire. On voit bien ce qui est en train de se passer, notamment l'alliance de la droite et de l'extrême droite", estime la candidate du PS, qui fustige un rapprochement selon elle incarné par le président de LR, Bruno Retailleau, ministre de l'Intérieur de Michel Barnier avant d'être celui de François Bayrou. Et de voir dans la législative partielle en cours une préfiguration de l'élection municipale à venir : "L'enjeu se profile. Les candidats viennent pour marquer leur terrain, Thierry Mariani a été particulièrement présent durant toute la campagne."
Et de fait, Thierry Mariani devrait être le candidat du RN à Paris lors des municipales de mars 2026. En tour de chauffe, l'actuel eurodéputé sait que la tâche s'annonce difficile dès ce dimanche. L'année dernière, la représentante de son parti, Mélody De Witte, avait terminé quatrième, avec 11% des voix au 1er tour. L'objectif affiché pour la partielle ? Se rapprocher de la qualification pour le 2nd tour. "Les grandes villes, ce sont des terres de mission" pour le Rassemblement national, explique Thierry Mariani. Quand la partielle a été annoncée, l'élu – qui habite la circonscription, comme Michel Barnier – a accepté d'en être. "J'aime bien les campagnes", assure celui qui s'est rallié à la formation de Marine le Pen en 2019 et assure "ne pas le regretter". Secrétaire d'Etat puis ministre des Transports de Nicolas Sarkozy de 2010 à 2012, il a lui aussi déjà été élu plusieurs fois à l'Assemblée nationale où il a siégé en tant député de Vaucluse de 1993 à 2010, puis de 2012 à 2017.
"Si on gagne là, ça veut dire qu'on gagne au 1er tour à la présidentielle !", remarque Thierry Mariani, conscient des forces et des faiblesses territoriales du parti présidé par Jordan Bardella. Il se réjouit toutefois de l'accueil reçu sur le terrain pendant cette campagne : "On ne s'est jamais fait insulter. Cela veut dire qu'on entre dans le paysage." Mardi matin, au marché Maubert, le candidat RN, accompagné de quelques sympathisants, distribue sa profession de foi. Parmi les personnes croisées, des mines parfois crispées, mais pas d'invectives. Quelques "bonne chance" sont lancés par des passants, tandis que d'autres font la moue à la vue du tract ou lâchent que "ce n'est pas [leur] crémerie".
Thierry Mariani compte les points, des "pour" et des "contre" : "Ça fait 3-2 !" A un quinquagénaire qui refuse le tract, car il "ne vote plus", et qui exprime son mécontentement envers les responsables politiques qui ne font que "promettre", le candidat réplique : "Vous ne nous avez jamais essayé, on n'a jamais été au pouvoir."
Sur son document de campagne, le candidat du Rassemblement national écrit avoir rejoint Marine Le Pen et Jordan Bardella "pour que la France soit la France" et appelle "à tout rebâtir", de la politique migratoire à "nos libertés économiques et civiques". Ecrit également, en lettres majuscules côté recto : "Pour en finir avec le macronisme." Dans son viseur, Michel Barnier, "le grand favori" de cette élection partielle, "le candidat des amis de Macron".
Si aucun des dix-sept candidats n'est élu dès le 1er tour, ce dimanche 21 septembre, ce qui est plus que vraisemblable, un 2nd tour aura lieu le dimanche 28 septembre, entre les candidats qui se seront qualifiés.
La liste intégrale des candidats dans la 2ème circonscription de Paris (dans l'ordre publié par la préfecture de Paris) :
Louis Debouzy – Indépendant
Michel Barnier – Les Républicains
Anne Chamayou – Volt France
Philippe Respaut – Décidemos
Vadim Asadov – Parti Libertarien
Alexander Stachtchenko – Indépendant
Frédérique Bredin – Parti socialiste
Fidaa Yahia – Indépendante
Mahel Pierot-Guimbaud – Parti des travailleurs
Arnaud de Gontaut Biron – Nouvelle Union républicaine
Alexandre-Jacques Simonnot – Parti de la France
Hilaire Bouyé – Reconquête
Douchka Markovic – Parti animaliste
Sonia Bekono Bidja – Europe égalité écologie
Thierry Mariani – Rassemblement national
Sébastien Peretti – Indépendant
Pia Apollonia Boni – Allons enfants