Douze voix "pour", douze voix "contre", et donc rejetée comme le veut la procédure. La proposition de loi visant à "restaurer l'autorité de l'Etat" portée par la députée Naïma Moutchou (Horizons) n'a pas été adoptée, ce mercredi 26 mars au soir, en commission des lois. Le texte sera examiné jeudi 3 avril dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.
"Me revoilà ! Pas par obstination, mais par conviction", a lancé la députée Naïma Moutchou (Horizons), en ouvrant l'examen en commission des lois, ce mercredi 26 mars soir, de sa proposition de loi visant à "restaurer l'autorité de l'Etat". Car ce texte, qui prévoit une peine minimale d'un an d'emprisonnement pour les délits de violences commis en état de récidive légale, notamment à l'encontre de policiers, pompiers, magistrats, enseignants, chauffeurs de bus, ou encore soignants, avait déjà été mis à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale - et finalement retiré - en 2023. "C'est le respect de l'autorité de l'Etat qui est en jeu ici", a insisté la députée, en défendant un dispositif "ni excessif, ni arbitraire", mais "ciblé, mesuré et encadré".
La chancellerie soutient ce texte. En séance, le ministre de la justice y sera favorable. naÏma Moutchou (Horizons)
Au terme d'environ 1h30 de débats, l'article unique de la proposition de loi a été repoussé de justesse (12 voix "pour", 12 voix "contre", l'égalité entraînant un rejet comme le veut la procédure). Le texte doit mainenant être débattu dans l'hémicycle, jeudi 3 avril, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Horizons & Indépendants", l'émanation du parti d'Edouard Philippe au Palais-Bourbon.
"La Chancellerie soutient ce texte. En séance, le ministre de la justice [Gérald Darmanin, Ndlr] y sera favorable", a déclaré Naïma Moutchou mercredi soir au cours des échanges. Cela n'avait pas été le cas en 2023, alors qu'Eric Dupond-Moretti était en fonction place Vendôme.
En commission des lois, plusieurs députés sont revenus sur le bilan des peines planchers, mises en œuvre lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis supprimées en 2014. "Si les peines planchers n'ont pas fonctionné sous Nicolas Sarkozy, elles n'auront pas plus de succès sous Emmanuel Macron", a estimé Emmanuel Duplessy (Ecologiste et Social). "Le bilan des recours aux peines planchers s'est avéré décevant, peu efficace pour lutter contre la récidive car peu dissuasif", a ajouté Eric Martineau (Les Démocrates), tout en précisant que son groupe n'était "pas forcément favorable" à cette proposition de loi.
La gauche, dans son ensemble, a affiché son opposition au texte, tandis que Pierre Cazeneuve (Ensemble pour la République) s'est interrogé, assurant toutefois que son groupe était "pour une politique pénale ferme et efficace" : "Est-ce que c'est le rôle du législateur de mettre des bornes ? Devons-nous mettre des planchers ?" Oui, lui a répondu Naïma Moutchou, "c'est notre rôle d'imaginer quand c'est nécessaire qu'on peut avoir cette fourchette", avec des plafonds mais aussi dans le cas présent des peines plancher.
Il est périlleux de vouloir réécrire les grands principes du droit pénal conçus comme étant des gardes fous. Jiovanny William (socialistes)
Egalement au coeur des échanges, la surpopulation carcérale et l'individualisation des peines. "Il est périlleux de vouloir réécrire les grands principes du droit pénal conçus comme étant des gardes fous", a ainsi considéré Jiovanny William (Socialistes). Eric Martineau (Les Démocrates) a, lui aussi, insisté sur ce point, soulignant que le groupe des députés MoDem était "très attaché" à cette notion et que le texte étudié pouvait être pris comme "une marque de défiance à l'égard des magistrats et une volonté de contrôle du pouvoir judiciaire".
Des arguments contestés par la rapporteure, qui a rappelé que sa proposition de loi prévoyait justement que "la juridiction peut prononcer, par une décision spécialement motivée, une peine inférieure à ce seuil, ou une peine autre que l’emprisonnement, en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci". Sur cette question de l'individualisation des peines, Naïma Moutchou a également interrogé l'attitude de ses collègues, les renvoyant à de précédents textes : "Pourquoi ici c'est un stop absolu ? Pourquoi ça ne l'est pas sur d'autres sujets ?"
"Favorable sur le principe" à la proposition de loi, le groupe "Rassemblement national" a tenté d'en élargir la portée par voie d'amendements, afin de la rapprocher de son propre texte tendant à "l'instauration de peines planchers pour certains crimes et délits". Celui-ci avait été examiné en octobre dernier, sans succès, dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire des députés RN. Parmi les amendements défendus : la mise en place de peines minimales dès la première infraction – et non plus qu'en cas de récidive – "afin de protéger ceux qui sont précisément en charge de nous protéger ou qui concourent à l’intérêt général". Avis défavorable de Naïma Moutchou, dont "le souhait n'est pas de revenir à quelque chose qui a déjà existé". Ou encore un élargissement du champ d'application des peines minimales aux trafiquants de drogue. Tous les amendements du groupe de Marine Le Pen ont été rejetés.
Présenté par la rapporteure, un amendement proposant "une extension logique du champ d’application du mécanisme de peine minimale d’un an d’emprisonnement" n'a pas non plus été adopté. Il concernait les violences commises sur les familles des personnes dépositaires de l’autorité publique, le délit d’embuscade, ainsi que les violences commises avec usage ou menace d’une arme, commises en bande organisée ou avec guet-apens.
Alors qu'aucun des députés des groupes "Droite Républicaine", "Libertés, indépendants, Outre-mer et territoires", et "Union des droites pour la République", n'étaient présents en commission, le débat aura lieu la semaine prochaine dans l'hémicycle.