L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité, en première lecture, la proposition de loi "visant à encourager l'exercice du mandat d'élu local". A moins d'un an des élections municipales qui auront lieu au printemps prochain, le texte voté ce jeudi 10 juillet vise à répondre au malaise des maires, en accompagnant et en reconnaissant mieux leur engagement. La proposition de loi, qui prévoit notamment d'augmenter l'indemnité de certains élus locaux, va désormais retourner au Sénat pour y être à nouveau examinée.
"Permettre aux élus locaux d’exercer leur mandat dans des conditions plus justes, compatibles avec une activité professionnelle et une vie personnelle et familiale qu’ils mettent souvent de côté afin d’accomplir leur mandat". Tel est l'objectif de la proposition de loi visant "à encourager, à faciliter et à sécuriser l'exercice du mandat d'élu local", selon les co-rapporteurs, Stéphane Delautrette (Socialistes) et Didier Le Gac (Ensemble pour la République).
Le texte, d'origine sénatoriale, a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, ce jeudi 10 juillet, par 132 voix "pour" et 36 abstentions. Alors que se profilent les élections municipales, qui auront lieu au printemps 2026, la proposition de loi vise à remédier à la désaffection qui touche la fonction d'élu local, et en premier lieu celle de maire : pas moins de 2 189 édiles ont rendu leur écharpe tricolore depuis 2020, selon une étude du Cévipof.
Concrètement, la proposition de loi contient une série de mesures destinées à lever certains freins à l'engagement citoyen dans un mandat local, notamment en facilitant et en sécurisant les conditions de son exercice. "Il est plus qu'urgent de permettre à tous nos concitoyens d'être candidats à des fonctions locales", a commenté Stéphane Delautrette lors du coup d'envoi des débats dans l'hémicycle en début de semaine.
C'est un point qui a largement fait débat dans l'hémicycle : faut-il augmenter les indemnités des élus locaux, au risque selon certains d'amplifier la défiance qui touche déjà les responsables politiques, et alors même que le gouvernement ne cesse de marteler qu'il cherche 40 milliards d'euros d'économies à faire en 2026 ? Les députés ont en tout cas tranché, non sans débats, pour une hausse dégressive pour les maires et adjoints au maire des villes de moins de 20 000 habitants, avec une hausse plus marquée, de l'ordre de 10%, pour les communes de moins de 500 habitants.
Le texte, dans sa version sénatoriale, prévoyait une hausse indifférenciée de 10 % dans l'ensemble des communes, un message qu'il convenait de ne pas envoyer a estimé Didier Le Gac. Malgré cette évolution, quelques députés se sont tout de même inquiétés de la perception de la mesure dans l'opinion. "Je n'ai jamais rencontré un maire qui me disait que son problème c'était d'avoir une augmentation de ses indemnités", a indiqué Marie-Agnès Poussier-Winsback (Horizons), jugeant les débats "hors-sol". En réponse, le ministre de l'Aménagement du territoire et de la Décentralisation, François Rebsamen, a précisé que la hausse de 10% pour les plus petites communes représentait une soixantaine d'euros.
Malgré l'opposition du gouvernement, les députés ont par ailleurs approuvé l'article qui prévoit une amélioration du calcul en matière de retraite, avec une majoration d'assurance d'un trimestre par mandat exécutif local, dans la limite de huit trimestres. "C'est une mesure qui apparaît exorbitante de droit commun. Elle rompt le lien fondamental, contributif entre droits et cotisations sur lequel est fondé notre système de retraite", a déploré la ministre chargée du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, qui a chiffré le coût de cette disposition à 45 millions d'euros par an pour le système de retraites.
"Combien ça coûterait de remplacer les maires par des fonctionnaires ?", a questionné Stéphane Delautrette (Socialistes), qui a rappelé qu'un maire passait en moyenne 34 heures par semaine à gérer les affaires de sa commune, parfois en cumulant une autre activité professionnelle. "Un trimestre, ce n'est pas non plus extraordinaire. C'est un dispositif plébiscité par les associations d'élus", a appuyé Elisa Martin (La France insoumise).
La proposition de loi prévoit également des indemnités de transport pour les élus des petites communes, et rallonge le congé électif pour participer à une campagne de dix à quinze jours. En outre, le texte comporte le remboursement des frais de garde pour les parents et d'assistance pour les aidants, y compris dans les petites communes ; et sécurise les élus locaux en cas de congé maladie, maternité et paternité. Il octroie par ailleurs automatiquement la protection fonctionnelle aux élus locaux victimes de violences.
Les députés ont également adopté une "disposition majeure" du texte selon Didier Le Gac (Ensemble pour la République). Celle-ci vise à modifier les circonstances de la prise illégale d'intérêts public-public, qui représente une "épée de Damoclès" pour les élus locaux. Cette situation peut se présenter quand un élu est confronté à des intérêts contradictoires entre deux responsabilités publiques qu'il détient - maire et président d'une communauté de commune, par exemple - ce qui le contraint parfois à ne pas assister aux délibérations. Elle n'entraîne pas de question d'enrichissement personnel, contrairement à la prise d'intérêts public-privé.
"C'est une notion qui n'existe nulle part ailleurs en Europe, mais qui fait peser un climat de suspicion sur les élus", a souligné Didider Le Gac. La restriction du champ d'application de cette notion fait cependant figure de "ligne rouge" pour La France insoumise, Elisa Martin, insistant sur le faible nombre de cas, ainsi que sur le caractère vertueux de la réflexion systématique d'un éventuel déport dans ce genre de situation.
A l'issue des discussions, plusieurs députés du camp présidentiel n'ont pas caché leurs doutes quant au coût supplémentaire induit par les mesures du texte, dans un contexte tendu pour les finances publiques - 45 millions d'euros pour le trimestre de majoration, 53 millions pour la hausse des indemnités... "On risque de faire exploser les dépenses publiques, à rebours des efforts que nous demandons aux Français", a mis en garde Blandine Brocard (Les Démocrates), qui a qualifié le texte de "miroir aux alouettes" risquant, in fine, de faire peser sur les élus locaux une "méfiance populaire" supplémentaire. "Comment allons nous financer l'ensemble des mesures de ce texte ?", a elle aussi demandé Prisca Thévenot (Ensemble pour la République).
"La démocratie n'a pas de prix ; elle a un coût, raisonnable et responsable. Nous n'avons accordé aucun privilège aux élus locaux. Nous permettons de respecter la promesse républicaine qui consiste à dire que chaque citoyen doit pouvoir s'engager pour sa commune", a rétorqué la ministre chargée de la Ruralité, Françoise Gatel. Le texte va désormais poursuivre son parcours législatif en retournant au Sénat pour une deuxième lecture.