La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale a voté, ce mardi 6 mai, un moratoire de dix ans sur le déploiement de "méga-bassines". Un vote intervenu dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur", une majorité des députés siégéant en commission se prononçant contre l'esprit de plusieurs mesures précédement votées au Sénat.
C'est une victoire pour les groupes de gauche, qui devra cependant être confirmée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Mardi 6 mai au soir, les députés de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire ont majoritairement approuvé un amendement posant le principe d'un moratoire sur le déploiement de futures "méga-bassines" pour une durée de 10 ans. Cet amendement, porté par le groupe "La France insoumise", a été voté dans le cadre de l'examen de la proposition de loi visant à "lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur". Un texte d'initative sénatoriale.
Les "méga-bassines", retenues d'eau destinées au stockage en vue d'une utilisation agricole, sont devenues un irritant en France au fil des dernières années, leurs opposants y voyant un accaparement de la ressource en eau, destiné à un modèle d'agriculture intensif. Les tensions ont atteint leur paroxysme en 2023, lors du chantier d'une retenue à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), théâtre d'affrontements entre opposants et forces de l'ordre.
"Le bassin de Sainte-Soline équivaut à 17 terrains de football, soit l'équivalent en eau de 300 piscines olympiques, et ce sont des systèmes qui accaparent la ressource en eau au détriment d'une très grande majorité des agriculteurs", a pointé Anne Stambach-Terrenoir (La France insoumise). L'amendement prévoit, également, de suspendre les autorisations de construction et d'exploitation des méga-bassines délivrées dans les dix années précédant la promulgation de la loi, ce qui impliquerait théoriquement l'ouvrage de Sainte-Soline.
La proposition a été approuvée malgré l'avis défavorable de la rapporteure chargée du texte au sein de la commission, Sandrine Le Feur (Ensemble pour la République), qui a jugé que la décision devait avant tout relever des territoires concernés. Le terme de "méga-bassines" n'est pas une "définition précise", a en outre relevé la députée, qui a indiqué qu'elle n'était pas en soi particulièrement favorable à ces retenues d'eau. Dans la foulée, la commission a également restreint l'utilisation des ouvrages déjà existants, en les limitant notamment à un usage exclusivement reservé à l'irrigation de cultures en bio. Ces modifications pourraient toutefois être écartées du texte lors de son passage dans l'hémicycle, prévu à la fin du mois de mai.
Avec l'aval de la rapporteure, la commission du développement durable a, par ailleurs, supprimé un article complet de la proposition de loi, qui prévoyait de reconnaître d’intérêt général les stockages d’eau, de manière présumée. De plus, l'article créait une nouvelle catégorie de zone humide, qui aurait permis, en cas de travaux, de ne pas être soumis à des opérations de compensation environnementale.
La commission du développement durable a été saisie au fond sur les dispositions de la proposition de loi relatives à l'eau, mais aussi sur celles qui concernent l'Office français de la biodiversité (OFB), objet de tensions avec le monde agricole. Le texte, initié par les sénateurs Laurent Duplomb (Les Républicains) et Franck Menonville (Union centriste) a été particulièrement égratigné par la majorité des élus de la commission.
Les députés de cette commission ont aussi été saisis, mais seulement pour avis, sur les mesures relatives aux pesticides. Une partie de la proposition de loi qu'ils n'ont pas encore abordée, notamment l'article le plus contesté qui prévoit la réintroduction à titre dérogatoire de l’acétamipride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France depuis 2018, mais qui reste autorisé ailleurs en Europe. "Ce texte ne doit pas servir de cheval de Troie pour affaiblir nos exigences environnementales", a considéré Sandrine Le Feur, estimant qu'une telle réintroduction représenterait "un recul inacceptable pour la santé des pollisinateurs et la crédibilité de notre transition agricole".
"Ce texte est un leurre, une fuite en avant dictée par la FNSEA", a quant lui fustigé Loïc Prud'homme (La France insoumise). "Un hit-parade de dispositions d’inspiration trumpiste, qui s'élève contre des faits établis par la science", a renchéri Delphine Batho (Ecologiste et social), appelant à rejeter la proposition de loi "en bloc". Quelque peu isolé dans la défense de l'initiative sénatoriale, Jean-Pierre Taite (Droite républicaine) a regretté "une campagne de dénigrement grossière qui n’est pas à la hauteur des enjeux", saluant une "réponse concrète à la surtransposition normative qui pourrit la vie de nos agriculteurs".
La commission du développement durable poursuivra ses travaux ce mercredi 7 mai. En matière de réglementation liée aux pesticides, c'est toutefois la commission des affaires économiques qui a été saisie au fond. Cette dernière examinera la proposition de loi la semaine prochaine. Puis le texte sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du 26 mai.