Les députés ont définitivement adopé, mercredi 29 septembre, le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Visant à créer un cadre plus protecteur vis-à-vis des créateurs et de leurs œuvres, il rationalise les autorités administratives existantes – HADOPI et CSA -, en créant une Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
À 49 voix pour, 4 contre, les députés ont adopté le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique. Les députés et sénateurs qui s’étaient réunis début juillet sont aisément parvenus à un compromis, tant les divergences étaient minces. La transaction pénale, introduite par le Sénat, pour sanctionner l’internaute consommant des contenus en pair-à-pair d’une amende de 350 euros, a notamment été écartée.
Saluant un "travail extrêmement fructueux avec le Sénat", la rapporteure du texte, Aurore Bergé (La République en marche), a rappelé la nécessité d’armer davantage les contenus contre les pratiques illicites. "Le piratage est toujours un pillage de l’œuvre, un pillage des droits, qui sont ceux des créateurs". Sa collègue Laetitia Avia (La République en marche), qui rapportait pour sa part le projet de loi organique modifiant la loi du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, s’est quant à elle félicitée d’"évolutions nécessaires et attendues". Ce texte organique concerne la nomination à la tête de certaines instances, faisant l’objet d’un contrôle parlementaire. Ce sera le cas de l’ARCOM, comme c’était déjà le cas du CSA, et ce pour garantir "une meilleure transparence sur les nominations effectuées par le Président de la République".
L’ARCOM se verra confier de nouvelles missions dans la régulation des contenus et des acteurs du numérique, en matière de lutte contre la désinformation et la haine en ligne, et de sensibilisation et de prévention en matière de piratage. Laetitia Avia
L’ARCOM remplacera donc le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI). "Cette fusion s’inscrit dans une démarche de renforcement de la régulation du numérique et des contenus", a assuré Laetitia Avia. "L’ARCOM se verra confier de nouvelles missions dans la régulation des contenus et des acteurs du numérique, en matière de lutte contre la désinformation et la haine en ligne, et de sensibilisation et de prévention en matière de piratage".
Une lutte contre le piratage qui constitue "une ardente obligation pour les pouvoirs publics", selon les mots de la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, en particulier dans un contexte où la consommation de produits culturels sur les sites illicites a augmenté à la faveur des confinements. La ministre a en outre rappelé que le projet de loi créait "un mécanisme ad hoc de référé pour lutter contre le piratage sportif".
Parmi les critiques, Constance Le Grip (Les Républicains) a regretté l’éviction de la mesure créant un mécanisme de transaction pénale pour les internautes contrevenants. Et Bertrand Pancher (Libertés et Territoires), a regretté un texte "loin de son ambition", à savoir "une grande loi audiovisuelle promise et désormais enterrée". "Ce dont nous avons besoin, c’est d’une vision", a-t-il poursuivi, "d’une stratégie ambitieuse pour notre audiovisuel. Les médias ont un rôle central à jouer dans notre démocratie, or actuellement, nombreux sont ceux qui contribuent à son affaiblissement, malgré la grande qualité de nos journalistes que je tiens à saluer". Le député de la Meuse en a profité pour évoquer un phénomène d’actualité et s’en indigner : "Depuis des jours, matin et soir, soir et matin, de nombreux médias ne cessent de parler et de nous faire du Zemmour, du Zemmour, du Zemmour, un candidat putatif qui rabâche de vieilles obsessions. Notre pays mérite beaucoup mieux que ça", avant de conclure : "Qu’est-ce que c’est que cette machine à fabriquer de l’imbécilité collective ?"
Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a évoqué une réforme de l’audiovisuel réduite à "peau de chagrin". "Ce projet de loi ne soulève pas la question majeure de la concentration des médias", a-t-elle abondé, évoquant en particulier "la fusion de TF1 et M6, dont le rôle monopolistique porte un nouveau coût au pluralisme de l’information". "Leur fusion leur fera contrôler 70% du marché publicitaire, soit 2,3 milliards de recettes publicitaires cumulées", s’est inquiétée la députée communiste.
Autre sujet de préoccupation, porté cette fois par Michel Larive (La France insoumise), la question des blocages automatiques des contenus manifestement illicites. Le député a appelé de ses vœux une "régulation humaine", en lieu et place des algorithmes, dont la censure de fait peut s’avérer non pertinente.
Sur l’ARCOM, Michel Larive a rappelé la position de son groupe, c’est-à-dire que "la mission de protection de la propriété intellectuelle soit de nouveau confiée au juge judiciaire plutôt qu’à une autorité administrative". Il a également plaidé pour un accès facilité aux contenus, et pour "un développement de l’offre légale en créant un service public de l’internet et une plateforme publique d’offre légale en ligne de musique, films et autres biens culturels".
Le Sénat ayant adopté le texte de la commission mixte paritaire le 21 septembre dernier, le parcours législatif de la réforme est désormais bel et bien achevé. L'ARCOM devrait être opérationnelle "dans quelques mois", selon les mots de la ministre, Roselyne Bachelot.