Après une première réunion le 19 mars, les chefs de file des groupes politiques de l'Assemblée nationale se retrouvent, ce mercredi 9 avril, autour de la présidente de l'institution, Yaël Braun-Pivet, pour réfléchir à une meilleure organisation du travail parlementaire, ainsi qu'à la question de la tenue des débats dans un hémicycle aussi divers dans sa composition qu'électrique lors de certaines séances.
Ils se retrouvent ce mercredi 9 avril. Les présidents des onze groupes parlementaires de l'Assemblée nationale ont rendez-vous, à 8h30, avec Yaël Braun-Pivet pour parler du fonctionnement de l'Assemblée nationale, à la fois de l'organisation du temps parlementaire et de la tenue des débats. A l'ordre du jour, selon une convocation consultée par LCP : un bilan de l'ordre du jour transpartisan et des semaines de contrôle, une réflexion sur les rythmes du travail parlementaire (sur la journée, la semaine et l'année) et sur l'échelle des sanctions. Plusieurs points avaient déjà été abordés lors d'une première réunion qui s'est tenue le 19 mars dernier. Marine Le Pen (Rassemblement national) et Laurent Wauquiez (Droite républicaine) s'étaient alors respectivement fait remplacer par Jean-Philippe Tanguy et Philippe Gosselin.
"Nous avons été conclusifs sur la réorganisation de certaines procédures de vote. Pour les débats 50-1, nous aurons maintenant des votes dans l'hémicycle, et non plus dans les salons", avait déclaré Yaël Braun-Pivet au micro de LCP, le mois dernier, après plus d'1h30 d'échanges. Mais sur bien des aspects, c'est surtout le statu quo qui l'avait alors emporté. La proposition de systématiser les votes solennels le mardi pour l'adoption des textes, défendue de longue date par la présidente de l'Assemblée ? C'est non. Si Gabriel Attal (Ensemble pour la république) y était favorable, ce n'était pas le cas de Cyrielle Chatelain (Ecologiste et Social) qui craignait que cela "réduise le travail législatif au vote du mardi". "Ça va vider l'Assemblée nationale les autres jours", jugeait également Emeline K/Bidi (Gauche démocrate et républicaine).
Repoussé également, un changement en termes d'obligation vestimentaire, alors que le groupe de la Droite républicaine avait plaidé pour réintroduire la cravate pour les hommes. Le port de la veste pour les femmes, défendu par Yaël Braun-Pivet, n'avait pas non plus récolté les faveurs de la majorité des présents. Un sort identique avait été réservé à l'idée d'en finir avec le vote à bulletin secret lors des scrutins organisés pour l'élection à la présidence de l'Assemblée et pour les fonctions au sein du Bureau (vice-présidences, questeurs, secrétaires), la plus haute instance collégiale de l'institution. Une proposition poussée par Gabriel Attal (EPR), qui disait vouloir ainsi en finir avec "toutes les petites combinaisons" de couloirs. "Lorsqu'on vote sur une personne, le vote n'est jamais public ; que l'on vote pour son délégué de classe ou pour son maire. Le vote doit être personnel et secret, je pense qu'il faut le conserver", avait en revanche estimé Yaël Braun-Pivet à la sortie de la réunion, appelant à ne pas "bousculer cet équilibre".
Par contre, "un séquençage des votes" devrait être mis en place, en octobre prochain, pour le renouvellement du Bureau du Palais-Bourbon, qui a lieu tous les ans – sauf accord tacite de l'ensemble des groupes, ce qui ne sera sans aucun doute pas le cas, alors que les groupes de gauche sont actuellement majoritaires au sein de cette instance. Un changement destiné à "éviter des votes à 4 heures du matin tel que nous l'avons connu", en juillet dernier par exemple, a expliqué Yaël Braun-Pivet.
Un autre sujet, et pas des moindres, risque d'occuper les discussions de ce nouveau rendez-vous, ce mercredi : l'organisation du temps de travail parlementaire. Un point particulier sera fait sur les semaines transpartisanes, avec une réflexion sur le nombre de textes à examiner, alors que l'ordre du jour de ces semaines dont le programme est fixé par l'Assemblée est particulièrement embouteillé ces dernières semaines. Réflexion aussi sur les semaines de contrôle de l'action gouvernementale, qui donnent à voir un hémicycle souvent clairsemé, nombre de députés profitant de ces moments pour faire du travail de terrain en circonscription. "On n'arrive pas à trouver le bon système", confirme la présidente de l'Assemblée. Impossible toutefois de les supprimer puisqu'elles figurent dans l'article 48 de la Constitution.
On sait que les séances de nuit sont toujours problématiques, parfois plus agitées, plus propices à des incidents. Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale
L'organisation des travaux aux niveaux hebdomadaire et journalier est aussi au cœur des interrogations. "Chacun a donné sa préférence, mais il n'est pas possible d'arriver à un consensus aujourd'hui", résumait en mars une source parlementaire, citant le Rassemblement national qui ne souhaite pas siéger le lundi ou le vendredi pour être en circonscription, ou encore les écologistes qui se questionnent sur la suppression de la séance du soir, qui débute à 21h30. "Comment vous faites tout tenir dans une semaine ?!", se demandait la même source, dubitative au vu de l'empilement des textes à examiner et l'embouteillage de l'ordre du jour en résultant.
Concernant les séances du soir, Cyrielle Chatelain (Ecologiste et Social) a mis en avant, lors de la première réunion, un "problème d'alcool" chez certains députés, qui nuit à la bonne tenue des débats nocturnes. "Nous avons beaucoup trop de textes, ce qui nous oblige à siéger même la nuit", estime pour sa part Laurent Panifous (LIOT), qui ajoute : "Je ne pense pas que l'alcool soit un problème à l'Assemblée, la fatigue si".
"On sait que les séances de nuit sont toujours problématiques, parfois plus agitées, plus propices à des incidents. Donc nous pouvons regarder s'il y a une façon de travailler différemment", avait quant à elle indiqué Yaël Braun-Pivet.
Ces dernières années, la durée des séances de nuit a déjà été réduite. En 2014, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, avait fait voter une modification du règlement visant à les limiter à 1 heure du matin, sauf "pour achever une discussion en cours". "Ce changement est destiné à mettre un terme à une dérive préoccupante : depuis 2012, 126 séances se sont achevées après 1 heure du matin (sur un total de 234 séances de nuit), contre 96 (sur 205) entre 2007 et 2009 et 80 (sur 226) entre 2002 et 2004", justifiait-il dans l'exposé des motifs de sa proposition de résolution. Puis, en 2019, sous la présidence de Richard Ferrand, une nouvelle modification avait limité la fin des séances de nuit à minuit, sauf véritable exception.
La question de l'échelle des sanctions sera également abordée. "La faute commise doit être objectivée", estime Cyrielle Chatelain (Ecologiste et social), qui plaide pour une meilleure "graduation" des sanctions. Aujourd'hui, quatre niveaux de peines disciplinaires existent dans le règlement de l'Assemblée. Mais sur ce sujet aussi, aucun consensus n'a été trouvé entre les différents groupes lors de la première réunion. "Il faudra peut-être créer une nouvelle sanction, qui serait un intermédiaire entre le rappel à l'ordre et le rappel à l'ordre avec inscription au procès verbal", estimait récemment Yaël Braun-Pivet.
En revanche, pas question pour elle de valider la proposition du groupe "Droite républicaine" de permettre au président de séance de procéder à l'exclusion immédiate et pendant 24 heures d'un député de l'hémicycle : "Le député a été élu par le peuple français et il n'est pas question qu'une décision qui ne soit pas collégiale, avec des représentants de la majorité et de l'opposition, puisse priver un parlementaire de son droit de vote." Pour Emeline K/Bidi, la co-présidente du groupe GDR, "le faire en séance renforcerait la subjectivité" de la sanction.
Ces échanges peuvent-ils aboutir à une réforme du règlement de l'Assemblée nationale ? Uniquement si "nous parvenons à un consensus large", assure la présidente de l'institution, qui imagine plutôt des modifications "très ciblées sur tel ou tel sujet", à l'image de la suppression du vote assis-debout, qui a récemment été votée à l'unanimité.
François Bayrou déplore un "archaïsme de procédure"
Il l'avait déjà dit, il le répète dans Le Parisien du dimanche 6 avril. Le Premier ministre regrette qu'au Parlement, "on ne puisse débattre que d'un seul texte à la fois", alors que s'ouvre une semaine très dense.
Avec notamment au programme de l'hémicycle : le projet de loi de simplification de la vie économique, la réforme du mode de scrutin municipal à Paris, Lyon et Marseille, ou encore la réforme de l'audiovisuel public dont l'examen risque de devoir être reporté en raison d'un ordre du jour surchargé.
"C'est un archaïsme de procédure !", déplore François Bayrou, prenant l'exemple du Parlement européen, où "on examine plusieurs textes en même temps, dans des salles différentes, et on regroupe tous les votes en une seule demi-journée".
Evoquant également les nombreux amendements d'obstruction et le fait que "l'ordre du jour est occupé par des textes secondaires, qui empêchent d'inscrire des textes essentiels", le chef du gouvernement critique "une impuissance organisée", synonyme de "violence".