L'Assemblée nationale a adopté, mercredi soir, le principe d'individualisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), réclamée de longue date par les oppositions. Alors que la mesure a été portée par plusieurs amendements transpartisans issus des bancs de la majorité et des oppositions, c'est la question du calendrier qui a fait débat.
C'est à l'issue de l'adoption de l'article 5 du projet de loi "portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat", prévoyant la revalorisation des retraites et des prestations sociales, que le débat a eu lieu une nouvelle fois dans l'hémicycle. Car durant la précédente législature, le principe de la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) avait été portée à plusieurs reprises, des bancs de la droite à ceux de la gauche. Aurélien Pradié (Les Républicains) s'était notamment montré très déterminé à faire adopter la mesure, repoussée à plusieurs reprises par la majorité présidentielle. Lors de la campagne pour sa réélection, Emmanuel Macron avait cependant annoncé souhaiter que cette mesure soit votée lors de la nouvelle législature.
"Vous vous êtes faits rattraper par la brigade", a lancé Philippe Gosselin (LR) au cours du débat, se réjouissant de l'évolution du groupe Renaissance (ex-LREM, ndlr) et de ses alliés sur ce sujet. Son collègue Aurélien Pradié a pour sa part célébré "la première force de la loi", consistant à "changer la vie de nos concitoyens".
Créée en 1975, l'AAH est une prestation compensatoire à l'incapacité de travailler. Or, les revenus du conjoint de la personne handicapée, dans cette situation d'incapacité totale ou partielle, sont pris en compte dans le calcul de l'AAH. S’élevant à 919,86 euros mensuels à taux plein, elle peut donc être largement défalquée, voire tout bonnement supprimée. Une mesure jugée injuste en ce qu'elle serait contraire à l'autonomie des personnes en situation de handicap.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, Marine Le Pen a ouvert la discussion autour de l'AAH. "Je crois que s'il y a un sujet qui mérite ce soir de voter ensemble, c'est bien celui qui va permettre la déconjugalisation de l'AAH", a déclaré la présidente du groupe RN, évoquant une "double-peine", et "une dépendance sur une dépendance" infligée aux individus en couple et porteurs d'un handicap.
Julien Bayou (Ecologiste) a souligné l'urgence de corriger une "anomalie démocratique", quand Arthur Delaporte (Socialistes et apparentés) a évoqué la nécessité de mettre fin à "l'humiliation subie" par "le prix de l'amour", certaines personnes ayant dû faire le choix entre une vie de couple et leur indépendance financière.
C'est sur l'échéance de mise en œuvre que les désaccords se sont faits jour, le gouvernement proposant la date d'octobre 2023, là où les oppositions ont invoqué "l'urgence" à concrétiser la mesure. "On a perdu cinq ans sur ce sujet, on ne doit pas perdre encore plusieurs mois, voire plusieurs années, puisque certains envisagent de ne la rendre possible que dans un an et demi", a ainsi déclaré Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine).
Olivier Dussopt a précisé que cette mise en œuvre aurait lieu "au plus tard" le 1er octobre 2023, en raison de "difficultés techniques" liées à la CAF. "Si nous pouvons aller plus vite, nous irons plus vite", a promis le ministre du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion. La rapporteure avait auparavant écarté tous les amendements stipulant une date en amont du 1er octobre 2023. "Ce n'est pas réaliste", a justifié Charlotte Parmentier-Lecocq (Renaissance).
"Quand on a réussi à enfermer 67 millions de Français chez eux (...) on a la possibilité de mettre en place cette déconjugalisation [de l'AAH] en octobre 2022", a ironisé Marine Le Pen, avant d'ajouter : "plutôt que d'aller chercher McKinsey, faites confiance à nos fonctionnaires". En revanche, les groupes de la "Gauche démocrate et républicaine", "Socialistes et apparentés", "Ecologiste" et "Les Républicains" ont fini par accepter le délai gouvernemental, en retirant les amendements prévoyant une entrée en vigueur avant la date du 1er octobre 2023, tout en insistant pour qu'elle intervienne le plus rapidement possible. La déconjugalisation de l'AAH, par le vote en faveur d'amendements identiques et transpartisans a donc finalement été adoptée à la quasi-unanimité (428 pour, 1 contre) et sous les applaudissements des députés.