Procédure législative : Yaël Braun-Pivet annonce un travail conjoint Assemblée-Sénat pour aboutir à une réforme

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Yael Braun-Pivet, le 29 novembre 2022
par Ludovic FAU, le Mardi 16 janvier 2024 à 14:18, mis à jour le Mardi 16 janvier 2024 à 22:15

Travail de l'Assemblée nationale et saisine du Conseil constitutionnel sur la loi immigration, modernisation de la vie publique et droits des femmes... Lors de la traditionnelle cérémonie des vœux aux parlementaires, aux corps constitués et au corps diplomatique, la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a exprimé sa vision d'un Parlement "au centre de tous les enjeux" et plaidé pour un débat parlementaire "sincère et nourri, tout en demeurant respectueux". 

C'est par un plaidoyer en faveur du Parlement que la présidente de l'Assemblée nationale a voulu commencer l'année 2024. Lors de la traditionnelle cérémonie des vœux aux parlementaires, aux corps constitués (Conseil constitutionnel, Justice, Armées, Préfecture de police...), au corps diplomatique - et en présence du Premier ministre, Gabriel Attal - Yaël Braun-Pivet (Renaissance) a cité le père de la Ve République, Michel Debré. "Au sein du Parlement il faudra, entre gens de bonne foi, tenter de parler le même langage, c'est‐à‐dire celui de l'intérêt général et sans arrière‐ pensées", avait déclaré le premier chef de gouvernement de la nouvelle République dans son discours de politique générale le 15 janvier 1959.  

"Le Parlement est au centre de tous les enjeux"

"Je forme le même vœu pour 2024, au moment où il apparaît clairement que le Parlement est au centre de tous les enjeux : car c’est lui qui, en votant la loi, le budget, en contrôlant et en évaluant l’action de l’exécutif, donne l’assentiment des Français aux politiques conduites en leur nom et à leur service", a dit la présidente de l'Assemblée, soixante-cinq ans plus tard, dans une allocution dont LCP a pu consulter le texte. Dix-huit mois après les élections législatives de 2022, Yaël Braun-Pivet a, en particulier, tenu à revenir sur les commentaires prévoyant à l'époque une législature "impossible, intenable, condamnée à la dissolution dans l'année", faute de majorité absolue.

Des commentaires qu'elle a estimé démentis par les faits et par les chiffres, mettant en avant le vote de "70 textes, dont 40 propositions de loi". Et de se féliciter, en s'adressant au président du Sénat, Gérard Larcher, également présent, que 85% des commissions mixtes paritaires convoquées pour tenter d'établir des textes de compromis entre les deux Chambres aient été conclusives.  

"Les Français ont fait le choix d’une Assemblée très diverse, où chacun puisse se sentir représenté : une majorité relative, dix groupes parlementaires dans l’hémicycle, ce sont surtout les ferments d’une législature vivante et vitaminée. Oui, les discussions sont intenses et les votes ne sont pas acquis à l’avance : je m’en réjouis, car ce qui compte, n’est‐ce pas la vitalité du débat parlementaire et le bon fonctionnement de nos institutions républicaines ?", a-t-elle interrogé, souhaitant cependant pour l'année qui commence un débat parlementaire "sincère et nourri tout en demeurant respectueux de l'autre et de sa parole", rappelant qu'elle continuera à veiller à la "dignité" des débats à l'Assemblée.  

Relations avec le gouvernement et procédure législative : méthode et réforme 

Cette cérémonie a aussi été l'occasion, pour Yaël Braun-Pivet, d'évoquer les relations avec le gouvernement. "Monsieur le Premier ministre, je l’avais écrit dès le début de la législature à Madame Borne, à qui je rends hommage, quand elle vous a précédé à Matignon : la configuration de notre Assemblée requiert une nouvelle méthode dans nos relations avec le gouvernement, méthode que j’avais formulée autour de trois axes", a-t-elle indiqué, en s'adressant à Gabriel Attal, en trois points : 

  • "Nous avons besoin d’un calendrier législatif prévisionnel le plus lointain possible, afin de disposer d’un temps de délibération suffisant et de pouvoir construire les consensus politiques."
  • "Mieux vaut des textes courts, sur des réformes clairement identifiées, pour la clarté et l’efficacité de nos débats."
  • "Valoriser les initiatives parlementaires. Sur les 40 propositions de loi adoptées depuis le début de la législature, 21 l’ont été à l’unanimité. Je veux souligner à cet égard le succès des semaines transpartisanes, qui ont été appréciées de l’ensemble des groupes parlementaires : 12 propositions de loi ont été adoptées dans ce cadre. On voit que des accords sont toujours possibles, si on se met en position de les trouver."

Nous avons lancé, entre le Sénat et l’Assemblée nationale, un travail conjoint visant à réformer notre procédure parlementaire. Yaël Braun-Pivet

Outre la méthode, la présidente de l'Assemblée a évoqué la question de la "modernisation institutionnelle" qui "ne nécessite pas toujours une révision constitutionnelle". Prenant l'exemple des Questions au gouvernement dont la formule a été modifiée récemment à titre expérimental, elle a dit vouloir "continuer ce processus en dynamisant davantage ces échanges indispensables entre les députés et le gouvernement". 

Surtout, Yaël Braun-Pivet a annoncé une initiative commune avec Gérard Larcher : "Nous avons lancé, entre le Sénat et l’Assemblée nationale, un travail conjoint visant à réformer notre procédure parlementaire pour faciliter le recours à la procédure législative simplifiée, éviter les doublons dans le travail des commissions dans l’hémicycle ou encore limiter le droit d’amendement gouvernemental. Une proposition de loi organique sera rédigée avant cet été pour entériner ces évolutions", a-t-elle expliqué. 

Saisine du Conseil constitutionnel sur la loi immigration

Alors qu'elle a saisi le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité de la loi immigration, Yaël Braun-Pivet a aussi tenu à revenir sur les conditions d'examen et d'adoption de ce texte en fin d'année dernière, alors qu'une motion de rejet préalable votée par l'ensemble des groupes d'opposition avait mis fin au débat avant même qu'il ait commencé et que le gouvernement avait décidé de passer directement à l'étape de la commission mixte paritaire plutôt d'enclencher une nouvelle lecture. "En tant que présidente de l’Assemblée nationale, je ne peux me satisfaire que ce texte majeur n’ait pas été examiné en séance publique, que chaque député n’ait pu contribuer au débat", a-t-elle regretté. Et d'indiquer que "c’est pour cela, c’est dans cet esprit d’équilibre entre les pouvoirs que j’ai décidé de saisir le Conseil constitutionnel – même si, bien sûr, nous ne pouvons reporter sur lui le débat strictement politique, qui aurait dû avoir lieu dans notre hémicycle".  

"Vous qui avez été élu deux fois député, Monsieur le Premier ministre, vous serez je n’en doute pas très attaché à ce que nous tracions, pour légiférer, le bon chemin entre Parlement et Gouvernement", a-t-elle insisté dans la foulée de son propos sur les relations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. 

Légiférer en bonne intelligence et tenter de construire des consensus, c'est en substance ce que Yaël Braun-Pivet a dit souhaiter pour travailler sur des sujets tels que le logement, les Outer-mer, ainsi que les soins palliatifs et la fin de vie, au cours des prochains mois. Sur ce dernier sujet "qui touche à l’intime et à l’indicible, (...) les slogans idéologiques ne sont d’aucun secours : c’est en délicatesse et dans l’écoute mutuelle que nous devons légiférer, pour aboutir à un texte qui fasse date dans l’histoire de la société française. Dix‐huit députés issus de neuf groupes politiques l’ont dit ce dimanche dans une tribune : les conditions sont réunies pour un débat serein et éclairé au Parlement. Allons‐y !", a dit la présidente de l'Assemblée. 

Alors que le projet de loi constitutionnelle relatif à "la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse" est examiné en commission cette semaine, Yaël Braun-Pivet a aussi dit vouloir "insister sur la portée" de ce texte. "Car c’est bien d’une liberté que nous parlons, d’une liberté fondamentale, pourtant mise à mal dans nombre de pays, y compris des États démocratiques", a-t-elle déclaré, ajoutant un peu plus tard : "En matière de droits des femmes, je serai toujours au rendez-vous". Evoquant le "80e anniversaire de l’ordonnance de 1944 qui reconnaissait enfin le droit de vote et l’éligibilité aux Françaises", la députée des Yvelines a annoncé que cet anniversaire sera "célébré ici même par une grande exposition, qu’inaugureront le 6 mars prochain les présidentes d’Assemblée du monde entier, réunies à Paris pour la première fois".

Elections européennes

Notant que cette année sera aussi celle du 80e anniversaire du Débarquement et de la Libération de l'Hexagone, "à quelques jours des élections européennes", qui auront lieu le 9 juin en France, Yaël Braun-Pivet a estimé que cet événement "sera une bonne façon de rappeler à quelles folies conduisirent les idéologies nationalistes, racistes et antisémites, et pourquoi la démocratie ne se conçoit qu’ouverte au monde". Ajoutant pour appuyer son propos : "Nous étions nombreux à le dire et à le montrer, le 12 novembre dernier, lors de la grande marche civique « pour la République et contre l’antisémitisme » qui nous conduisit, Monsieur le président du Sénat, du Palais Bourbon au Palais du Luxembourg".