Simplification de la vie économique : coup d'envoi de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle

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Les ministres Véronique Louwagie et Laurent Marcangeli dans l'hémicycle, le 9 avril 2025
Les ministres Véronique Louwagie et Laurent Marcangeli dans l'hémicycle, le 9 avril 2025 - LCP
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 10 avril 2025 à 06:15, mis à jour le Jeudi 10 avril 2025 à 09:49

Les députés ont entamé, mercredi 9 avril, l'examen du projet de loi de "simplification de la vie économique". Le gouvernement défend un texte selon lui attendu par les TPE et PME, tandis que la gauche fustige des mesures "anti-écologiques, anti-démocratiques et anti-sociales".

Remédier à l'"absurdité bureaucratique kafkaïenne de notre pays". C'est en ces termes que le ministre de l'Action publique, Laurent Marcangeli, a présenté l'objectif du projet de loi de "simplification de la vie économique". Déposé au Sénat en avril 2024, puis adopté par les sénateurs en octobre dernier, le texte a été préparé, puis défendu, par les gouvernements précédents, avant d'être débattu à l'Assemblée nationale cette semaine. 

En finir avec "l'excès de bureaucratie"

"Ce projet de loi est attendu par les Français, et à plus forte raison, par le monde économique de notre pays", a affirmé Laurent Marcangeli, évoquant la moyenne de huit heures par semaine consacrées par les entrepreneurs "à remplir de la paperasse administrative". Une complexité bureaucratique dont il souligné le caractère "irritant" pour la population, en plus de représenter une perte économique. "L'accumulation de normes aurait un coût estimé à 3% du PIB selon l'OCDE", a indiqué le ministre.

Il est temps de passer du culte de la norme à la culture du résultat. Laurent Marcangeli, ministre de l'Action publique, de la fonction publique et de la simplification

Laurent Marcangeli s'est aussi réjoui que le texte, à son article 1er, procède à la suppression d'une trentaine de commissions "qui nuisent à la lisibilité et à l'efficacité de l'action publique", les qualifiant de "coquilles vides" et de "comités redondants". Il a ensuite évoqué la fin de certaines formalités particulièrement lourdes participant d'un système devenu normatif à l'excès. Une complexité de normes que sa collègue Véronique Louwagie a qualifié d'"obstacle majeur" pour les entreprises. La ministre déléguée chargée du Commerce s'est ainsi réjouie que le texte propose des mesures de simplification de trésorerie ou d'accélération des procédures administratives, en particulier dans le cadre de la commande publique, faisant valoir que "60% des entreprises titulaires des marchés publics sont des PME".

"Simplifier n'est pas une fin en soi", a aussi martelé Véronique Louwagie, évoquant encore la mesure facilitant les procédures pour rénover ou aménager des locaux commerciaux. "Ce projet de loi est l'occasion de restaurer la confiance entre l'administration et les entreprises", a-t-elle aussi considéré, plaidant pour que l'Etat devienne "un partenaire" privilégié des entrepreneurs et non un facteur d'entrave.

Vers le rétablissement des ZFE ?

L'un des rapporteurs du texte, Christophe Naegelen (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) a évoqué un "enjeu essentiel pour la réussite des entreprises dans un contexte de renforcement de la compétition internationale", tout en précisant que simplifier ne revenait pas à "déréguler".

De même, Stéphane Travert (apparenté Ensemble pour la République), également rapporteur du projet de loi, a rappelé qu'il n'avait en aucun cas vocation à "céder aux renoncements, qu'ils soient écologiques, environnementaux, sociaux ou juridiques". Et le député de faire référence à la suppression des zones à faible émission (ZFE) par le vote d'amendements de la Droite républicaine et du Rassemblement national, contre l'avis du gouvernement, lors de l'examen du texte en commission. 

"J'entends le souhait de débattre des ZFE (...) Je partage un certain nombre de critiques, mais il n'en demeure pas moins que l'une de nos priorités demeure la lutte contre la pollution de l'air et le dérèglement climatique", a déclaré l'ancien ministre, avant d'indiquer avoir déposé un amendement de compromis, afin de rétablir les ZFE "en les adaptant pour les rendre plus acceptables socialement, et plus centrées sur les agglomérations qui en ont un besoin impératif".

"Frénésie de la tronçonneuse"

Mais c'est bien l'argument du recul environnemental qui a été particulièrement mis en avant par la gauche de l'hémicycle, opposée au texte. Evoquant une "stratégie de la tronçonneuse" dans une référence au Président argentin Javier Milei, Charles Fournier (Ecologiste et social) a fustigé "un grand retour en arrière", tout à la fois "anti-écologique, anti-démocratique et anti-social".

Défendant la motion de rejet préalable déposée par son groupe, il a évoqué "dix textes de simplification en quinze ans", jusqu'au projet de loi en cours d'examen, dont le champ a été significativement élargi en commission, estimant que "chaque mesure de simplification est surtout suivie d'une régression du droit de la participation ou du droit de l'environnement". Et de pointer du doigt des motivations, selon lui, avant tout "idéologiques" au regard d'économies qui s'avèreraient "ridicules".

Une critique qui a fait l'unanimité à gauche, Emmanuel Maurel (Gauche démocrate et républicaine) dénonçant une "frénésie de la tronçonneuse", quand Sandrine Nosbé (La France insoumise) a accusé les promoteurs du texte de "faire de la simplification le cheval de Troie de la dérégulation environnementale", allant jusqu'à évoquer un projet "écocidaire".

Même tonalité dans les propos de Gérard Leseul (Socialistes), qui a déploré un "concours de la caricature" lors de l'examen du texte en commission. Caricature qu'il a qualifiée de "trumpiste", au regard de suppressions de normes "pour la plupart hasardeuses et dangereuses".

Chacun joue à 'c'est moi qui ai la plus grosse tronçonneuse'. Vous êtes des Milei à petit pied. Emmanuel Maurel (Gauche démocrate et républicaine)

"Je mesure bien que la gauche est gênée par ce texte, parce que la gauche c'est le parti de la bureaucratie, de l'Etat mammouth, de l'écologie punitive" a, quant à lui, lancé Matthias Renault (Rassemblement national). "Enfin, nous avons un projet de loi qui remet un peu en cause ce socialisme qui vampirise l'Etat et le débat public depuis trop longtemps", s'est-il aussi réjoui, non sans revenir sur la victoire revendiquée par le groupe de Marine Le Pen en commission. "Il faut supprimer les ZFE, qui est une mesure inique de ségrégation sociale !", a-t-il répété sous les applaudissements de ses collègues RN.

"Vous êtes des conservateurs !", a pour sa part rétorqué Guillaume Kasbarian (Ensemble pour la République) aux groupes de gauche. "Vous n'aimez pas la tronçonneuse, ça on le savait, mais vous n'aimez pas le sécateur, ni même le coupe-ongles", a-t-il aussi ironisé. Ne recueillant que 111 voix contre 135, la motion de rejet du groupe "Ecologiste et social" n'a pas été adoptée. 

La suite de l'examen a été perturbée dans la soirée par les répliques de l'incident survenu durant l'après-midi même, des collaborateurs parlementaires et quelques députés de gauche ayant fait face à des journalistes du média identitaire Frontières dans les jardins de l'Assemblée. Plusieurs députés du groupe "Rassemblement national" ont effectué des rappels au règlement à ce sujet, Jean-Philippe Tanguy dénonçant notamment des "voies de fait" auxquelles se seraient livrés certains députés contre des journalistes, constituant selon lui "l'un des pires événements de la Ve République". "Vous pouvez mettre toutes les cravates du monde, les violences, c'est vous !", leur a répondu la présidente du groupe "La France insoumise", Mathilde Panot.

Une Conférence des présidents devrait être l'occasion de revenir sur cet incident, ce jeudi après-midi, tandis que l'examen du projet de loi se poursuivra dans l'hémicycle jusqu'à la fin de la semaine.